Vendredi 22 avril à 20.55 La rouTE d’IsTAnbul Lire page 24 efi DR Hassen BRAHITI Fiction La guerre en arrièRE-plan Dans La route d’Istanbul, présenté à la Berlinale, Rachid Bouchareb raconte la quête désespérée d’une femme à la recherche de sa fille partie en Syrie. Un chemin intimiste en marge d’une actualité brûlante. Entretien. Est-ce le désir de vous emparer d’événements omniprésents dans l’actualité qui vous a inspiré ce film ? Rachid Bouchareb : J’avais écrit et tourné La route d’Istanbul bien avant les attentats du 13 novembre. Comme pour tous mes films, je suis parti d’un fait particulier pour la simple raison qu’il me touchait : celle d’une mère vue un soir à la télévision, qui avait essayé de passer en Syrie pour retrouver sa fille. De même que London river * n’avait pas le terrorisme pour sujet, mais racontait la rencontre de deux parents, chacun à la recherche de son enfant disparu après les attentats de Londres, ce film parle seulement du chemin accompli par une femme prête à tout pour sauver sa fille et rétablir le contact avec elle. Il décrit aussi sa solitude absolue. Je ne raconte jamais que des « petites » histoires, même si parfois, comme dans Indigènes, elles croisent la grande, la guerre, la colonisation. Ici, la guerre ne figure qu’en lointain arrière-plan. La solitude d’Élisabeth existe d’emblée, puisque elle habite une maison isolée, au bord d’un lac… Je savais dès le départ que je voulais travailler en Belgique, car j’aime qu’un tournage soit l’occa- 6 N°16 – semaine du 16 au 22 avril 2016 – ARTE Magazine sion d’un dépaysement, pour commencer avec un œil neuf. Lors des repérages, j’ai eu envie de laisser la ville derrière moi. Cette campagne, cette maison à la fois belle et inquiétante se sont imposées, et le lieu a conditionné en partie l’atmosphère du film. J’ai demandé à Benoît Chamaillard, le chef opérateur, de privilégier la pénombre, les couleurs sombres, pour installer une ambiance presque fantastique, à la fois paisible et oppressante. Astrid Whettnall compose avec une remarquable sobriété ce personnage de mère dévastée… C’est quelque chose qu’elle a trouvé d’elle-même, au jour le jour. La confiance entre nous s’est installée très vite. Ensemble, nous avons surtout parlé de nos enfants respectifs, de ce que signifiait pour chacun être parent. Nous avions le souci commun de raconter avec vérité le chemin de cette femme. Il fallait être le plus sincère possible. C’est ce réalisme-là qui m’importait. Propos recueillis par Irène Berelowitch * Coproduit et diffusé par ARTE en 2009. Rachid Bouchareb a ensuite réalisé pour la chaîne Just like a woman (2012). |