Christopher Bobyn, GHfilms Mardi 5 avril à 20.55 À droite toute Lire page 19 documentaire la nouvelle extrême droite allemande Interviewé dans un documentaire sur les partis populistes en Europe diffusé cette semaine, le journaliste Pascal Thibaut, correspondant à Berlin pour RFI, dévoile, ici, le visage de cette extrême droite qui s’enracine en Allemagne à l’approche des élections régionales de la mi-mars. La montée annoncée de l’extrême droite en Allemagne est-elle liée à la crise migratoire en Europe ? Pascal Thibaut : Sans aucun doute, mais il existait déjà un terreau propice, surtout dans l’est de l’Allemagne où le parti néonazi NPD est bien implanté. Aujourd’hui, on assiste à deux phénomènes nouveaux : le mouvement anti-islam Pegida, né à l’automne 2014, alors que l’Allemagne commençait à accueillir les réfugiés, et Alternative pour l’Allemagne (AFD), un parti populiste antieuro fondé il y a bientôt trois ans. L’aile la plus dure y a pris le pouvoir, et défend désormais des positions antiétrangers. Cette formation exploite les inquiétudes liées à l’arrivée des migrants, ainsi que les événements du 31 décembre à Cologne. S’agit-il d’une recomposition de l’extrême droite allemande ? Oui, car les partis traditionnels, comme le NPD, sont en recul. Contrairement à eux, AFD ou Pegida ne se positionnent pas comme des mouvements néonazis et prennent leurs distances avec l’imagerie du Troisième Reich. On peut croiser des skinheads lors des manifestations de Pegida mais celles-ci attirent avant tout des gens « propres sur eux », issus des classes moyennes. Les responsables du parti AFD tiennent des discours policés, comme le Front 6 N°14 – semaine du 2 au 8 avril 2016 – ARTE Magazine national en France. Cela leur permet d’attirer des électeurs des classes moyennes et supérieures qui ne voteraient jamais pour un parti néonazi. Et ça marche. Le parti AFD est crédité dans les sondages de 10% à 12% des voix au niveau national. Peut-on parler de droitisation de l’opinion publique allemande ? On n’en est pas là. En France, on assiste à une lepénisation des esprits. En Allemagne, malgré la montée de l’AFD, la droitisation des esprits reste limitée. Les positions humanistes d’Angela Merkel sur la politique du droit d’asile demeurent une exception au sein de l’Europe. Il existe en Allemagne une société civile vivace avec de nombreux mouvements associatifs, des dizaines de milliers de volontaires prêts à contribuer à l’accueil des réfugiés. Pour mémoire, on a recensé plus d’un million de demandeurs d’asile en Allemagne en 2015, contre près de 80 000 en France. Or, malgré les inquiétudes suscitées par l’arrivée massive des migrants, les sondages montrent que 90% des Allemands restent favorables à l’accueil des victimes de guerre et de persécution politique, soit en premier lieu les réfugiés syriens. Propos recueillis par Kristel Le Pollotec |