Série documentaire «Le polar commence avec les tragédies grecques» Dans la captivante série documentaire en trois parties Code(s) polar, l’écrivain Caryl Férey décrypte, avec le renfort d’autres experts issus du cinéma, de la bande dessinée ou du jeu vidéo, un genre dans lequel il excelle. Entretien. Comment êtes-vous devenu écrivain ? Caryl Férey : J’ai commencé à écrire à l’adolescence tout en lisant Jack London et Joseph Kessel. Mais c’est plus tard, à 20 ans, en découvrant Philippe Djian et des auteurs américains comme Jim Harrison que j’ai souhaité en vivre. J’ai par ailleurs entamé un tour du monde, avec le sentiment que mon esprit s’ouvrait. Je prenais des notes, je me nourrissais des rencontres. Pourquoi écrivez-vous des polars ? Par la suite, j’ai découvert James Ellroy et le polar est devenu mon cadre. Ses romans sont remplis d’histoires d’amour qui finissent mal, dans un contexte politique, social et historique très présent. J’ai eu envie de «faire du Ellroy» en y ajoutant une dimension de voyage et des images poétiques. Mais, au fond, j’essaie d’évincer les codes du polar. Les armes et les voitures ne m’attirent pas. Je suis sensible au côté féminin de l’homme, pas aux histoires «burnées». Pour autant, certaines scènes de vos romans apparaissent très violentes… Elles ne sont jamais gratuites. J’utilise la violence pour décrire une situation : par exemple, la cruauté en Afrique du Sud dans Zulu. Si je me penche sur un cadavre, je fais en sorte qu’il soit représentatif de la société que j’étudie, qu’elle soit chilienne, argentine ou maorie. Vous affirmez que vous écrivez car vous avez la rage. Êtes-vous toujours en colère ? Oui. Je suis issu d’une culture rock contestataire. Mais la rage peut vous tuer à petit feu à force d’être contre tout. J’essaie de la canaliser en intégrant les injustices qui me révoltent dans mes histoires. Cela me permet de rétablir un équilibre du monde, même bancal, en donnant la parole aux victimes. Comment construisez-vous vos intrigues, notamment pour Condor * ? Je commence toujours par une histoire d’amour. C’est le moteur de mon imagination. Tout découle par ailleurs d’une thématique. Avec Condor, je voulais évoquer le Chili, où les différences de classes sociales restent fortement marquées. Je mets ainsi en scène, d’un côté, une jeune Indienne mapuche qui tente de poursuivre des études dans un pays où elles sont réservées aux plus aisés, et de l’autre, un gosse de riche. Je divulgue les informations à la manière d’un journaliste, à savoir que je ne grossis pas le trait pour servir mes intérêts. J’essaie d’être le plus en adéquation possible avec le contexte historique, politique et socio-économique. Vous dites vous inspirer de Shakespeare… Tout est dans Shakespeare, qui est d’une modernité folle. Dans ses œuvres, la jalousie, la trahison et la paranoïa sortent du microcosme familial pour atteindre l’universel. Je considère que j’écris moimême des tragédies. Dans Haka, l’un de mes premiers romans, qui se déroule en Nouvelle-Zélande, on retrouve notamment cette dimension avec l’inceste. Pour moi, le polar commence avec les tragédies grecques. Quelle place faites-vous à la morale dans vos romans ? Plus que la morale, c’est l’éthique des personnages 6 N°11 – semaine du 12 au 18 mars 2016 – ARTE Magazine MIFFPCCDNEMA Composez le polar parfait ! Sélectionnez les ingrédients de base (l’enquêteur, le coupable, le crime), choisissez votre combinaison (détective privé ou anonyme ? Tueur en série ou petit escroc ? Cible humaine ou matérielle ?) et découvrez le gif correspondant à votre histoire. Textes à l’appui, ARTE Cinéma vous livre les secrets des polars les plus corsés ! ZIF 111:1 07 P.'F Explorez les codes du genre à travers des interviews exclusives des stars du polar : l’Américain Michael Connelly, le dessinateur espagnol Juanjo Guarnido, le Norvégien Jo Nesbø, David Simon et Sam Esmail, les créateurs respectifs des séries The wire et Mr. Robot… |