EN COUVERTURE LE COUPLE ET LE POUVOIR Dans Le mari de la ministre, la scénariste Paula Milne imagine l’irrésistible ascension d’une femme politique d’aujourd’hui (Emily Watson, Fipa d’or 2014) au détriment de son époux. Une série british redoutablement convaincante, qu’elle décrypte en cinq mots-clés. PERTE «J’ai eu envie d’utiliser le mariage comme un prisme à travers lequel regarder la vie politique contemporaine. Mais ce qui m’intéressait surtout cette fois 1, c’était la question du pouvoir à l’intérieur du couple. Que peut ressentir un homme qui voit sa femme le surpasser, notamment professionnellement ? Rapportée aux luttes sans merci de Whitehall 2, la question devient passionnante. La perte du pouvoir : c’est cela qui est à l’œuvre chez Aiden, le héros du Mari de la ministre.» ATTRACTION «Au tout début, Aiden tente d’arriver au sommet avec le soutien de sa femme, Freya, qui, en épouse consciencieuse, s’efface au bénéfice de son brillant mari. Sa rancœur à elle n’apparaît que petit à petit. Le premier indice, c’est cette scène de l’épisode inaugural, dans laquelle elle se retrouve seule dans la salle du Conseil des ministres, où elle ressent vraiment, pour la première fois, la vertigineuse attraction du pouvoir.» CONQUÊTE «Je crois qu’il y a dans cette fosse aux lions qu’on appelle Chambre des communes quelque chose qui pousse tous les politiciens à agir de manière plus ou moins similaire, quel que soit leur bord. Les idéologies s’évaporent et seul semble demeurer l’aspect partisan, guerrier, compétitif de la politique. On dirait que le système les brutalise… Tout se résume à la quête de pouvoir : le remporter, puis y rester.» CYNISME «Je voulais vraiment refléter ce que ressentent beaucoup de gens à propos du climat actuel. Je crois que s’est installé en Angleterre un profond cynisme à l’égard du système politique, et j’ai essayé d’insuffler à mon histoire toutes les nuances de cette déception générale. Mais étant une femme, je crois que j’écris sur le sujet d’une manière différente. La question émotionnelle du couple reste au centre du récit.» CRÉDIBILITÉ «Je trouve David Tennant et Emily Watson extraordinaires dans les rôles principaux. Ce qui me plaît le plus, c’est qu’on croie complètement à leur mariage. La performance de David est particulièrement courageuse, car Aiden est un personnage peu ou prou irrécupérable. Quant à Emily, sa gravité naturelle la rend étonnamment crédible en femme politique. Mais on ne doute pas un instant qu’elle soit aussi une mère… Un numéro d’équilibriste ! » 1. Paula Milne a écrit en 1995 le scénario de The politician’s wife, qui met en scène la vengeance d’une épouse trompée par son mari, un député conservateur. 2. Avenue de Londres où se concentre le pouvoir britannique. Ces propos sont extraits de deux entretiens réalisés en 2013, en ligne sur le site de la BBC, qui a coproduit le film. FREYA PAR EMILY WATSON «C’est un personnage féminin qui sort tout à fait de l’ordinaire. Freya est forte, fidèle, charnelle, politique, ambitieuse, maternelle, tout cela en même temps, alors que ces traits de caractère sont souvent compartimentés entre différents rôles. Quand on la découvre, elle est secrétaire d’État à l’Éducation. On la considère comme une surdouée promise à un bel avenir. On sait aussi qu’elle a rencontré Aiden et Bruce [son rival, NDLR] à l’université – tous trois des 4 N°10 – Semaine du 5 au 11 mars 2016 – ARTE Magazine Daybreak Pictures jeunes gens très brillants, entrés précocement dans le système de Westminster. On ne devient pas député ou membre du gouvernement si l’on n’est pas animé par une énorme ambition. Ce qui est intéressant chez Freya, c’est qu’elle possède l’intelligence émotionnelle qui va avec. Ce qui signifie qu’elle joue ses cartes d’une façon plus subtile qu’Aiden, finalement assez maladroit et brutal dans sa volonté d’atteindre ses objectifs.» |