LUC MOLEUX Qu’avez-vous découvert lors de vos fouilles au Laos ? Fabrice Demeter : Avec notre équipe, dont ma consœur américaine LynnLaura Shackelford, nous fouillions un abri sous roche lorsque notre sédimentologue, Philippe Duringer, a repéré l’entrée d’une grotte dissimulée sous la végétation. En 2008, les premières fouilles avaient mis en évidence des charbons de bois datés de 45000 avant J.-C. L’année suivante, nous avons trouvé des os, dont un fragment de crâne presque complet vieux de 63 000 ans. Il s’agit de l’un des premiers Homo sapiens ayant vécu en Asie, sans doute une jeune femme. Qu’a apporté ce fossile dans la connaissance de notre espèce et de son expansion ? Il a permis de comprendre que l’homme moderne était arrivé en Asie plus tôt que nous ne le pensions. Jusqu’à présent, les fossiles retrouvés hors d’Afrique, et qui présentaient les traits résolument modernes d’Homo sapiens, n’étaient pas aussi anciens. Le documentaire montre comment Homo sapiens a quitté son berceau africain pour peupler la planète. Pourquoi a-t-il entrepris ce long voyage ? Les chercheurs n’ont aucun élément de réponse. Yves Coppens, qui a été mon directeur de thèse, évoque la curiosité. Nous savons qu’il n’existait pas d’enjeux de subsistance ou de pression démographique. Peut-être nos ancêtres ont-ils été simplement tentés d’aller voir toujours plus loin. Lorsque Sapiens, après avoir quitté l’Afrique vers 70000 avant J.-C., a conquis de nouveaux territoires, notamment en Eurasie, il a sûrement rencontré des populations déjà présentes, comme les SÉRIE DOCUMENTAIRE NOS ANCÊTRES LES SAPIENS Diffusé à l’occasion de la Fête de la science, Quand Homo sapiens peupla la planète, un spectaculaire docu-fiction, retrace l’incroyable odyssée de l’homme moderne en s’appuyant sur les dernières découvertes, dont celle du paléoanthropologue Fabrice Demeter. Entretien. Néandertaliens, et s’est mélangé avec elles. Les analyses ADN récentes de certains fossiles présentant des caractères hybrides, à la fois archaïques et modernes, le prouvent : l’Homo sapiens possède des gènes néandertaliens. Ces croisements ont-ils été bénéfiques à l’homme moderne ? Certains gènes archaïques encore présents aujourd’hui dans notre génome permettent de résister à des maladies, mais on n’identifie pas pour l’instant tous ces gènes de façon certaine. L’un d’eux, par exemple, présent chez les Tibétains, leur offre la capacité de vivre en haute altitude. La grande force d’Homo sapiens est d’être parvenu à s’adapter à tous les environnements pour assurer sa survie au fil des millénaires. Propos recueillis par Laure Naimski 6 N°42 – Semaine du 10 au 16 octobre 2015 – ARTE Magazine Samedi 10 octobre à 20.50 QUAND HOMO SAPIENS PEUPLA LA PLANÈTE Lire page 12 |