Wesleyan University Cinema Archive« Ingrid Bergman Documentaire La filmeuse Le documentaire Je suis Ingrid dévoile les riches archives d’Ingrid Bergman. Car cette star, à la vie privée scrutée dans ses moindres détails, n’a cessé de filmer son quotidien. Une façon de préserver sa liberté au cœur de la société du spectacle. 8 N°36 – semaine du 29 août au 4 septembre 2015 – ARTE Magazine Ingrid Bergman, c’est d’abord un visage. Une icône, comme Hollywood savait en créer au temps de sa gloire. Encore aujourd’hui, son pouvoir d’évocation est tel qu’en cette année du centenaire de sa naissance le Festival de Cannes en a fait son égérie, en plaçant au centre d’une affiche sobre et élégante son profil immédiatement reconnaissable. Mais combien de secrets dorment derrière les sourires et les poses ? Le film Je suis Ingrid est né d’une question spontanée d’Isabella Rossellini au documentariste suédois Stig Björkman : «Et si on faisait un film sur maman ? » Spécialiste de «l’autre» Bergman, Ingmar, le réalisateur accepte et se plonge dans les archives de la star. Ce qu’il y découvre le fascine. L’actrice d’Hitchcock, de Renoir, de McCarey et de Rossellini avait documenté sa propre vie avec une méticulosité surprenante : un journal intime débuté dès ses années d’enfance en Suède ; de multiples correspondances avec ses proches et surtout, une masse de films de famille, home-movies amateurs que l’interprète de Casablanca n’a jamais cessé d’engranger, emportant partout sous le bras caméra et appareil photo, pour construire une galerie d’images n’appartenant qu’à elle. Charme argentique Ce besoin permanent d’images lui venait de deux des nombreux hommes de sa vie, deux photographes : son père adoré, qui ne cessait de la faire poser devant son objectif, et son amant, Robert Capa, rencontré durant la guerre, qui l’encouragea dans cette voie. Les plans tournés, muets et tremblotants, ont le charme argentique d’une intimité soustraite à la société du spectacle naissante, déjà avide de clichés et de vidéos volés. On y découvre des instants de grâce suspendus, où derrière les nombreux rires affleure une inquiétude profonde dans le regard de la jeune fille timide devenue star, qui sembla ne jamais croire à un succès si ardemment désiré. Comme si celle qui disait «Je ne demande pas grand-chose, je veux simplement tout» était restée l’éternelle orpheline de Stockholm, qui perdit sa mère trop tôt pour en garder un souvenir, et son père à 13 ans, conservant de ces drames un perpétuel besoin de se souvenir et d’être aimée. Emmanuel Raspiengeas Dimanche 30 août à 22.15 Je suis Ingrid Lire page 15 |