grand angle productions en couverture La science en marche Au cours de l’été 2014, trois scientifiques ont gravi les pentes du mont Blanc, afin d’observer in vivo ce massif unique – une aventure racontée dans un documentaire diffusé par ARTE. Rencontre avec l’un d’eux, le géologue Jacques-Marie Bardintzeff. Comment vous êtes-vous retrouvé associé à ce projet ? Jacques-Marie Bardintzeff : J’ai d’abord été surpris qu’on me propose un tel challenge. Ma première réaction a été de dire au réalisateur que j’étais incapable d’escalader le massif du Mont- Blanc, et que je ne pouvais pas accepter ! Mais il m’a rassuré en m’expliquant qu’il recherchait avant tout quelqu’un capable de parler simplement de géologie. J’avais déjà gravi deux « 4 000 » dans les Alpes, en 1983, sans pouvoir atteindre le mont Blanc à cause du mauvais temps. Trente ans plus tard, c’était une belle occasion d’y retourner. En définitive, je n’ai pas pu atteindre le sommet, mais j’ai battu mon record alpin d’altitude de 120 mètres ! Cela montre qu’il ne faut surtout pas sous-estimer le mont Blanc. 4 N°28 – semaine du 4 au 10 juillet 2015 – ARTE Magazine Samedi 4 juillet à 20.45 Objectif MONT-BLANC Sur les traces d’un géant Lire page 9 Comment définiriez-vous le mont Blanc ? Il s’agit avant tout d’un sommet englacé : sans la neige et le glacier qui le recouvrent le mont Blanc mesurerait 20 mètres de moins. Il n’est donc pas tout à fait exact de dire qu’il fait 4 810 mètres, d’autant que son altitude varie en fonction de l’action du vent, et qu’il grandit d’un millimètre par an. Le mont Blanc permet d’observer précisément les bouleversements du climat. Les glaciers reculent en effet à vue d’œil, après avoir été beaucoup plus imposants durant la petite ère glaciaire, entre la fin du Moyen Âge et le début de la révolution industrielle. La roche elle-même subit les effets du dégel, ce qui provoque des éboulements impressionnants. Ceux-ci défigurent les parois, comme c’est arrivé à celle des Drus en 2005. Au terme de cette expérience, voyez-vous la marche comme un acte scientifique ? C’est évidemment une dimension importante, incontournable pour un naturaliste, car cela donne le temps de voir les choses. J’ai beaucoup appris en quelques jours, car je n’ai fait qu’observer, qu’imaginer comment était le paysage autrefois, et en parler avec mes collègues. Je ne dirais pas qu’un naturaliste est un poète, mais il est touché par la beauté des paysages géologiques et il voit le massif du Mont-Blanc comme un être vivant, qui s’inscrit dans l’histoire des Alpes. Propos recueillis par Emmanuel Raspiengeas |