Lundi 4 mai à 0.40 L’INHUMAINE Lire page 17 Fernand Léger posant devant le décor qu’il a créé pour L’inhumaine. La nouvelle restauration restitue-t-elle le film dans sa version d’origine ? Mireille Beaulieu : Il y a eu une première restauration en 1986 qui a plutôt consisté à effectuer des essais de « reteintage ». Lors de sa création, le film était en effet teinté – L’Herbier disait d’ailleurs : « Je devrais interdire qu’on présente des copies noir et blanc de L’inhumaine… » Nous avons eu accès au négatif nitrate d’origine de 1924 – déposé aux Archives françaises du film par Marcel L’Herbier –, miraculeusement en bon état. Il comportait aussi les indications données par le cinéaste. Grâce à Lobster Films, les restaurateurs ont pu restituer au film ses couleurs d’origine, notamment dans la dernière scène. Quant aux partitions de Darius Milhaud, elles n’ont pas été retrouvées. Pour proposer une nouvelle Cinéma L’inhumaine retrouve des couleurs Du cinéma total encore plus beau. Restauré en 2015, le film lyrique et puissant de Marcel L’Herbier retrouve ses teintes de 1924. Interview de Mireille Beaulieu, historienne du cinéma et conseillère historique sur le film. 6 N°19 – semaine du 2 au 8 mai 2015 – ARTE Magazine lobster films musique originale, le compositeur Aidje Tafial s’est inspiré de son style et des indications qu’il nous reste. Le résultat est magnifique. En quoi l’inhumaine est-il un film de cinéma « total » ? Il est unique parce que Marcel L’Herbier et Georgette Leblanc, son actrice principale, voulaient montrer au monde la création artistique française la plus pointue. En France, L’Herbier est celui qui a poussé le plus loin la recherche d’une synthèse des arts à travers un cinéma total. Dans L’inhumaine, certains décors sont de Fernand Léger, les volumes extérieurs sont de Robert Mallet-Stevens. Citons aussi la musique de Darius Milhaud et le travail d’avantgarde de Marcel L’Herbier : montage serré, déformations de l’image, caches, filtres… Le film révèle au public de 2015 un personnage hors du commun, Georgette Leblanc… C’était une chanteuse lyrique célèbre, dont l’entourage familial avait un peu honte : elle était iconoclaste, féministe, bisexuelle, scandaleuse… et extrêmement intelligente. Sœur de Maurice Leblanc, le créateur d’Arsène Lupin, elle fut la compagne de l’écrivain Maurice Maeterlinck, qu’elle a aidé à devenir célèbre. Ils ont vécu en union libre et, quand Maeterlinck l’a quittée pour quelqu’un de plus jeune, elle n’avait plus de moyens de subsistance. Elle est partie faire des galas aux États-Unis, où elle a rencontré Otto Kahn, un milliardaire, qu’elle a persuadé de financer le film à hauteur de 50%. Mais L’inhumaine n’a pas rapporté beaucoup d’argent. Ruinée, Georgette Leblanc a, par la suite, vécu dans la misère. Elle habitait dans un phare où elle s’habillait avec des lambeaux de certains vêtements du film. Propos recueillis par Pascal Mouneyres Cycle muet Depuis 1994, ARTE accorde une place importante au cinéma muet, offrant l’occasion de voir ou revoir des perles rares des débuts du septième art. Célébrée par une projection spéciale au Théâtre du Châtelet le 30 mars, avec une création musicale du percussionniste Aidje Tafial, d’après Darius Milhaud, L’inhumaine inaugure un cycle de quatre films restaurés : L’inhumaine de Marcel L’Herbier, le 4 mai La peste à Florence d’Otto Rippert, le 11 mai Berlin, la cité des millions d’Adolf Trotz, le 18 mai La chronique de Grieshuus d’Arthur von Gerlach, le 25 mai Retrouvez des grands classiques muets et des bonus sur arte Cinéma. |