4 en couverture Josef Schovanec ambassadeur de l’Autistan Philosophe, écrivain et militant pour la dignité des personnes autistes, Josef Schovanec, atteint du syndrome d’Asperger, témoigne avec force, fantaisie et humour des difficultés qu’elles rencontrent dans l’éclairant documentaire Autistes : une place parmi les autres ? Entretien. Pourquoi vivez-vous actuellement à Oman ? Josef Schovanec : Depuis quelques années, pour des cours de langues et des recherches personnelles, je passe une partie de l’hiver en Orient. Quand on ne trouve pas sa place quelque part, on est poussé à chercher ailleurs. Avec, d’ailleurs, plus ou moins de succès : par rapport au nombre de voyageurs heureux comme l’explorateur Ibn Battûta ou Marco Polo, combien de naufragés de la vie ? Votre intérêt pour les cultures et langues orientales a-t-il un rapport avec l’autisme ? Ma spécialisation universitaire est avant tout liée à différentes péripéties de la vie. Tout ne s’explique pas par l’autisme. Et c’est heureux : le handicap, c’est avant tout la joie de déjouer les pronostics et les prédestinations. Quelle serait votre définition de l’autisme ? De savants traités médicaux le définissent comme une particularité génétique qui modifierait, entre autres, la socialisation et l’expression des émotions. Pour moi, c’est une autre manière de fonctionner et de voir le monde. Environ 1% de la population en est atteinte : enfants, adultes, et personnes âgées – on les oublie toujours –, qui peuvent être de très chouettes amis. Comment imaginer ce pays que vous avez baptisé « Autistan » ? Plutôt que d’imaginer, on peut le visiter ou y habiter. L’Autistan peut commencer à côté de chez vous, mais se révéler plus exotique que le bout du monde. Quant au mot « Autistan », j’en avais essayé plusieurs, mais c’est celui qui sonnait le mieux. Avec, en prime, ce délicat parfum d’Asie centrale. C’est le N°14 – semaine du 28 mars au 3 avril 2015 – ARTE Magazine même monde que le vôtre, vu autrement. Avec peut-être plus de détails et de couleurs dans certains domaines. Quand on va en forêt sans rien connaître aux champignons, on n’en voit quasiment aucun. En compagnie d’un mycologue, on reste bouche bée face au spectacle. Mais bien sûr, percevoir le monde autrement n’est pas l’apanage des autistes. Vous êtes atteint du syndrome d’Asperger. De quoi s’agit-il ? Dans les classifications antérieures, le syndrome d’Asperger était une sous-catégorie d’autisme. À présent, on l’a ôté des manuels. Certains s’en désolent. À mon avis, cette suppression a eu un grand avantage : montrer qu’il n’y a rien de fatidique dans le diagnostic, et que toutes les personnes atteintes d’autisme peuvent, quel que soit leur profil, apprendre et s’épanouir. L’imagination est la seule limite pour l’être humain. Comment avez-vous grandi avec ce syndrome ? Difficilement, moins à cause de l’autisme que de l’ignorance. Dans les années 1980, lorsque j’étais enfant, les personnes compétentes étaient rarissimes en France et ailleurs. J’ai par exemple passé des années sous camisole chimique, avec une médication très lourde, sans raison claire ni résultats. Mais l’important aujourd’hui est de voir comment agir pour et avec les personnes dites « bizarres ». Quand avez-vous décidé de lutter pour l’autisme ? Peu après mon diagnostic, il y a plus de dix ans. À l’époque, tout le monde ou presque voyait les autistes comme des monstres salivant et frappant tout ce qui bouge. Après quelques rencontres particulièrement stressantes pour moi (à l’époque, sipa |