janvier 19 lundi 20.50 CINÉMA Le convoi de la peur L’odyssée de quatre fuyards au fin fond de l’Amérique du Sud. Un remake dantesque et irrespirable du chef-d’œuvre de Clouzot, Le salaire de la peur. Trois hommes décident de fuir leur pays pour des raisons différentes. Victor Manzon, banquier parisien fraudeur et en faillite, se dirige tout droit vers la case prison. Kassema commis un attentat à Jérusalem. Jackie Scanlon, piteux escroc du New Jersey, a un contrat sur la tête après un braquage qui a mal tourné. Les chemins des trois hommes se rejoignent aux confins de l’Amérique du Sud, où ils travaillent misérablement dans une raffinerie de pétrole et vivent dans un village crasseux. À la recherche d’argent pour fuir leur purgatoire terrestre, ils s’empressent d’accepter une proposition inattendue : conduire deux camions chargés de nitroglycérine à travers la jungle, avec un quatrième homme, contre une grosse somme d’argent... Hors norme Qui mieux que William Friedkin pour s’attaquer au remake du Salaire de la peur d’Henri-Georges Clouzot (diffusé la veille par ARTE) ? En 1975, lorsqu’il entame le tournage du film, le réalisateur américain est au faîte de sa gloire. Il vient d’enchaîner deux succès colossaux (French connection en 1971 et L’exorciste en 1973) et s’impose comme l’un des maîtres d’Hollywood. Mais Friedkin connaîtra un tournage cataclysmique, qui n’a rien à envier à celui d’Apocalypse now. Il doit tout d’abord composer avec les désistements imprévus de SteveMcQueen, Marcello Mastroianni et Lino Ventura. Puis en République dominicaine, les ennuis s’amoncellent : plusieurs scènes à l’ambition 16 N°4 – semaine du 17 au 23 janvier 2015 – ARTE Magazine pharaonique se révèlent impossibles à tourner. La moitié de l’équipe démissionne du fait de la malaria. D’autres membres ayant quelque goût pour les drogues sont priés de quitter le pays. Le budget explose... Friedkin perd jusqu’à vingt-cinq kilos dans l’épreuve. Pire, lorsque le film sort enfin sur les écrans, le flop est colossal. Il est écrasé par un futur monument du cinéma, sorti un mois plus tôt : le premier épisode de Star wars. Si l’échec commercial est cuisant, Le convoi de la peur, dont les personnages sont très différents de ceux de Clouzot, n’en est pas moins un film marquant, hors norme, tant il nous happe. À mesure que les quatre hommes jouent avec la mort et s’enfoncent dans une jungle rappelant celle, mystique et capricieuse, du roman de Gabriel García Márquez Cent ans de solitude, l’atmosphère devient irrespirable. Il n’est pas étonnant qu’encore aujourd’hui, Friedkin considère Le convoi de la peur comme son meilleur film. (Sorcerer) Film de William Friedkin (États-Unis, 1977, 2h01mn, VF/VOSTF) – Scénario : Walon Green, d’après le roman Le salaire de la peur de Georges Arnaud – Avec : Roy Scheider (Jackie Scanlon, « Juan Dominguez ») , Bruno Cremer (Victor Manzon, « Serrano ») , Francisco Rabal (Nilo), Amidou (Kassem, « Martinez ») , Ramon Bieri (Corlette), Peter Capell (Lartigue), KarlJohn (Marquez), Friedrich von Ledebur (Carlos), Chico Martínez (Bobby Del Rios), Joe Spinell (Spider), Rosario Almontes (Agrippa) – Image : Dick Bush, John M. Stephens Musique : Tangerine Dream, Keith Jarrett, Charlie Parker – Montage : Robert K. Lambert, Bud S. Smith – Production : Film Properties International N.V., Paramount Pictures, Universal Pictures |