v en d redi 10 mars Le Détour Quelle a été votre réaction lorsqu’ART E vous a proposé de réaliser un film sur les notions de politique et de social ? P i erre Savadori : Initialement, la commande était la suivante : évoquer la politique à travers le film de genre. Pierre Chevalier et Gilles Sandoz m’avaient proposé le polar. J’ai longtemps hésité parce que cette proposition « Gauche/Droite » me paraissait un peu abstraite. En revanche, l’idée du g en re me séduisait énormément. J’y ai donc réfléchi : une chose m’est alors apparue évidente. Le projet n’était intéressant que s’il parvenait à évoquer toutes mes incertitudes sur cette question. Je crois que ma propre réticence à faire ce film au départ reflétait déjà ce qui allait devenir un de ses sujets : l’engagement, ou plutôt la peur de l’engagement. Et puis aussi le poids de plus en plus prégnant de l’économique sur le politique. Nicolas Saada, le coscénariste du film, m’a alors convaincu que ces deux idées pouvaient parfaitement s’intégrer à la mécanique souvent implacable du film noir : un homme est témoin d’une machination, mais hésite à agir et finalement s’engage trop tard. Enfin, le principe d’une comman- La blanche et de d’ARTE me plaisait parce qu’elle me permettait d’essayer quelque chose de nouveau sans la lourdeur et la pression d’une économie de cinéma. C’est un lieu d’expérimentation idéal. Comment passer de la comédie au film noir ? Parler de politique en décrivant l’économie souterraine ? Entretien avec Pierre Salvadori. Stéphane (Guillaume Depardieu) doit vite prouver son innocence : Marie (Marina Golovine) est bien décidée à venger son frère. Le film décrit très précisément une économie parallèle. Il fallait créer une intrigue qui soit captivante et à l’intérieur de laquelle je pouvais représenter la violence d’une cert ai ne logique économique. L’univers de la d rogue, ou plutôt du deal, me paraissait p arfaitement convenir. Mais je ne voulais pas pour autant en donner une description p u rement documentaire. Je voulais qu’elle renvoie à quelque chose de plus universel : une machine inconsciente, qui ne se préoccupe que de sa pro pre survie, où chaque rouage pro s p è re sur le dos du suivant et le soumet à sa loi. Pour moi, c’est une image assez juste de la faillite du politique face à la suprématie de l’économique. À travers le personnage d’Alain, on a le sentiment d’ouvrir les yeux sur cette machination. Toujours Un scénario tout en détours, une mécanique formidable qui précipite Marie (Marina Golovine) et Alain (Serge Riaboukine) dans l’abîme. avec un temps de retard... La commande, le thème et le genre ont fait de ces personnages des figures. La place est un village, le café un poste d’observation. Alain est un témoin passif. Il pense que tout cela le dépasse, il a peur de mal faire. Il finit par s’eng a g er. Mais cet engagement est pure me n t émotionnel. En réalité, il s’engage trop tard. Ce geste tardif sera fatal à ceux qu’il aime. |