artdeville - Édition chicxulub Festival international des jardins organisé au Domaine de Chaumont-sur-Loire (photo ci-dessus - artdeville n° 46). Matériaux recyclés ou recyclables à base d’algues remplacent le bitume des trottoirs. Les lampadaires, équipés de cellules photovoltaïques, abritent des citernes destinées à récolter et stocker les eaux de pluie. Les branches agissent comme des stores végétaux qui, selon le cycle naturel des saisons, dispensent ombre et fraîcheur, lumière et chaleur. Le projet, exposé dans le cadre des « Jardins d’avenir ou l’art de la biodiversité heureuse », propose un renversement de paradigme : le végétal ne serait plus un accessoire qui habillerait la rue de vert, mais l’élément préalable et déterminant à son tracé et/ou son aménagement. Les changements actuels et futurs rendent aux rues et boulevards, places et parkings, périphériques et routes une voix au chapitre nécessaire longtemps oubliée… Enfin ! n INTERVIEW Éric Alonzo : « Nos modes de vie peuvent radicalement changer » Éric Alonzo est né en 1973 à Castres (81). Il est professeur à l’École d’architecture de la ville & des territoires Paris-Est, chercheur à l’Observatoire de la condition suburbaine et codirecteur du DSA d’architecte-urbaniste. L’auteur de « Du rond-point au giratoire » (Parenthèses, 2005) a reçu en 2017 le prix Manuel de Solà-Morales, qui récompense la meilleure thèse de doctorat dans le champ de l’urbanisme d’Europe, pour un travail intitulé « L’Architecture de la voie. Histoire et théories ». Éric Alonzo en tire un ouvrage éponyme, paru en 2018 aux Éditions Parenthèses. Il nous livre sa réflexion sur les conséquences possibles de la crise sanitaire et les enjeux écologiques actuels sur la conception et l’usage des voies de circulation. Vous évoquez, dans votre livre, la « redécouverte d’une longue tradition architecturale de la voie ». La campagne des municipales semble confirmer votre hypothèse. Il est question de végétaliser les voies, de mettre fin à la ségrégation des flux, de destituer les véhicules motorisés au profit des déplacements doux… Quel regard portez-vous sur ce qui se fait jour ? Cette redécouverte n’est pas nouvelle, on peut dire qu’elle fait suite, en France, à la décentralisation des années 1980 Urbanisme 34 qui transfère les compétences en urbanisme aux communes. Portés par de nouvelles commandes d’aménagement d’« espace public » des grandes villes, beaucoup d’architectes, urbanistes ou paysagistes, inspirés par les réalisations pionnières de Barcelone, sont alors parvenus à renouer avec ce savoir-faire qui avait culminé à l’aube du XX e siècle. Aujourd’hui, nous sommes dans la poursuite de cette tradition, mais elle intègre bien davantage les questions écologiques qui se traduisent principalement, dans la conception des voies, par une place accrue à la « nature » (désimperméalisation des sols, noues, végétalisation, etc.) et aux modes de déplacements alternatifs à l’automobile. Mais, là aussi, les précédents historiques peuvent nous éclairer. Ainsi le Back Bay Fens aménagé à la fin du XIX e siècle à Boston par le paysagiste Olmsted, le créateur de Central Park, restituait les conditions originelles d’un marais d’eau salé en recevant les eaux assainies des quartiers environnants et formait le maillon d’un « parkway » conçu pour le déplacement différencié des piétons, des cavaliers et des calèches et relier les grands parcs de la métropole. Diriez-vous que la pandémie du coronavirus pourrait bousculer cette redécouverte en (ré)affirmant le caractère sanitaire/sécuritaire des voies de circulation ? Il est probablement trop tôt pour tirer les conséquences que nous vivons actuellement. Mais on constate que nos modes de vie peuvent radicalement changer. On va peut-être vouloir réduire nos excès de déplacements (notamment les plus polluants), pratiquer une plus grande « distanciation sociale », etc. Ce qui pourrait avoir comme conséquence d’accorder un plus grand confort aux piétons et aux cyclistes. Mais, plus généralement, il faut se souvenir que notre conception des rues est en grande partie l’héritière des réflexions du XVIII e siècle et XIX e siècle, qui croisaient les préoccupations des hygiénistes, des médecins, des architectes et des ingénieurs. La crise sanitaire actuelle, et plus largement les enjeux écologiques majeurs auxquels nous sommes confrontés, appelle à réactiver cette tradition. |