Art de Ville n°37 déc 12/jan 2013
Art de Ville n°37 déc 12/jan 2013
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°37 de déc 12/jan 2013

  • Périodicité : bimestriel

  • Editeur : Chicxulub

  • Format : (205 x 271) mm

  • Nombre de pages : 24

  • Taille du fichier PDF : 2,5 Mo

  • Dans ce numéro : des agriparcs aux fermes urbaines ?

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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* cinéma Retour sur le 34 e CinemedDu 26 octobre au 3 novembre dernier, le festival montpelliérain a montré les facettes d’une Méditerranée plurielle, avec un sens et une délicatesse toujours renouvelés. Par Géraldine Pigault Raz de marée pour l’ouverture du festival, malgré un film sans saveur particulière : Le Capital. Les spectateurs du Corum ont applaudi en nombre et de bon cœur son réalisateur grec Costa Gavras, autrefois monumental quand accompagné au scénario par Semprùn, un autre Méditerranéen. Mais l'homme de Z et de L’Aveu, auquel Cinemedrendait hommage, n'engrangea véritablement pour Le Capital qu'un succès d'estime. Pour la première fois chez Gavras, la conjoncture l’a emporté sur la mise en perspective. Il faut noter que, tel Angelopoulos (présent au Cinemeden 2009), 18
Henri Talvat, président de Cinemed, rend hommage à l’acteur/réalisateur Jalil Lespert. DR Costa Gavras appartient à une génération de cinéastes dont l’œuvre porte en elle le traumatisme de la guerre, les germes de l'Année zéro et les morsures de la guerre froide. Elle offre un cinéma dont les grilles de lecture se constituent en différentes strates, ancrées dans un socle, dont les bornes historiques coïncident. Ainsi, lorsque le Cinemedinvite Renzo Rossellini à présenter le travail de son illustre père, on ne peut que saluer l’initiative permettant d’appréhender, à titre d’exemple, Rome, ville ouverte (1945), comme bijou du 7 e art mais également comme objet sensible, émanant d’un artiste dont l’existence fut traversée par deux conflits armés planétaires. Il existe indéniablement une histoire politique explicite ou sous-jacente, rythmant les longs métrages de cette génération de réalisateurs issus du bassin méditerranéen. Pédagogie Le festival n’a d'ailleurs pas manqué de jouer son rôle pédagogique. En proposant un éclairage historique bienvenu, Cinemeda assuré aux fictions et aux documentaires projetés une réception débarrassée des scories de l’amalgame. Le cinquantième anniversaire des accords d’Evian en fournissait l'occasion. La rétrospective France-Algérie Destins Croisés, composée de fictions et documentaires réalisés de 1961 à 2012, a emmené le public au cœur d’un débat historiographique mouvant, nourri de points de vue parfois radicalement opposés. L’intervention de l’historien Benjamin Stora a permis de décrypter certaines images et d’éviter le contresens ou la tentation de l’instrumentalisation. A cet égard, il faut saluer la carte blanche à l’INA, qui a exhumé des archives six documentaires réalisés pour la télévision française. Véritables éléments prosopographiques, ces films mettent l’accent sur divers quotidiens pendant et après la guerre d’Algérie, tantôt sur les Harkis, tantôt sur les Français qui n’ont pas rejoint l’Hexagone. Un inédit, Témoignages de Français restés en Algérie (1967), dévoilait les visages d’un curé et d’un pied-noir ayant lutté pour l’indépendance du pays. Censuré à l’époque, le document a refait surface, rappelant qu’il n’existe pas une vérité officielle, immuable, colportée. De la sorte, du temps des conflits à celui de l’apaisement des tensions dans le bassin méditerranéen, existe un cinéma capable de montrer « Les événements, la politique et les hommes ». 1 S’il n’est pas un festival de géopolitique, le Cinemedmettait cependant en lumière une mer parfois fratricide, théâtre de rivalités exacerbées tel Winter of Discontent de l’Egyptien Ibrahim El Batout, récompensé par le prix de la critique. Le film insiste sur la difficulté de la lutte contre le droit positif et la division d’un même peuple face au pouvoir. Dans cette fiction, Amr Waked interprète un opposant au régime de Moubarak, des mois avant la liesse de la place Tahrir. La solitude, l’austérité du personnage, l’histoire politique de son pays illustrent là une constante : la notion de conflit tient une place non négligeable dans le cinéma méditerranéen. Comme en attestent la plupart des films présentés en compétition, cette notion jalonne le temps des hommes. Mais, autour d’eux et leurs événements, le temps long dessine les contours d'une Méditerranée, à l’écran, sublimée. Un personnage commun Qu’est-ce qui unit des films issus du Maghreb et du bassin Levantin, de la péninsule ibérique et des Balkans ? Ni les langues, ni la politique. Et pourtant, ils disent tous des histoires éloquentes, d’un bout à l’autre du pourtour méditerranéen. On y retrouve une certaine idée de l’ailleurs, la lumière éblouissante, le vent, des fléaux récurrents telles l’aridité du climat ou des habitudes de douceurs de vivre. Ces caractéristiques, presque hors du temps, sont visibles, presque palpables dans la légion de films montrés au Cinemed. Et quand elles n’apparaissent pas directement à l’écran, leur suggestion filtre via des caractères solaires et impétueux, traduisant l’influence de l’environnement sur les personnages. Dans La Parade 2 de Srdjan Dragojevic, un volcanique parrain de la mafia de Belgrade sillonne bruyamment les vallées karstiques et désertes de l’ex-Yougoslavie, afin de recruter son armada d’anciens combattants de la guerre du Kosovo, pour assurer l’encadrement de la première Gay Pride en Serbie. D’une frontière à l’autre, entassés dans une minuscule voiture, les discussions des passagers s’animent alors que défilent les fameux paysages, comme s’il s’agissait de circuler dans un espace commun. Mais c’est dans Acciaio 3 de Stefano Mordini que l’influence du milieu est encore plus frappante et n’en finit plus de troubler : en adaptant le roman à succès de Silvia Avallone, le réalisateur est parvenu à montrer la mélancolie diffuse d’un univers au sein duquel une aciérie flanquée en bord de mer rythme la vie des ouvriers de Piombino, logés dans des barres d’immeubles avec vue sur les flots et l’île d’Elbe. Ce pourrait être partout, sur les rives méditerranéennes, ces volets clos les après-midi d’été, ce bitume brûlant, cette façon de vivre avec le rivage sans en profiter. Entre les cheminées et les fours, par-dessus les routes des trajets à l’usine, apparaît toujours une mer étincelante. Après la démocratie chrétienne, le Parti communiste, l’arrivée de l’euro… le panorama demeure, inchangé. Avec une pudeur magistrale dans Acciaio, ce seul repère façonne l’esprit, module les habitudes, s’infiltre dans chaque morceau de vie. Les protagonistes ont beau évoluer à l’écran, la Méditerranée n’est autre que le personnage principal, même quand elle n’apparaît pas clairement. C’est dans cette évocation que réside tout l’intérêt du Cinemed, dans sa propension à rendre visibles les points de vue de réalisateurs influencés par un bassin méditerranéen au temps monstrueux. n 1 - Selon l’expression de Fernand Braudel dans La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II. Sortie française le 16 janvier 2013. 2 - Sortie française le 5 Juin 2013. Comme le roman de Silvia Avalonne, l’adaptation de Mordini a été rebaptisée D’Acier pour l’Hexagone. 19



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