Zaha Hadid s’habille en Prada. Et chez le célèbre couturier Issey Miyake, dont elle portait une chasuble scarabée verte lors de l’inauguration. Ici en octobre 2009. Photo Fabrice Massé tionnelle. Mais un bâtiment aussi somptueux qu’élégant, inauguré en grande pompe pendant quatre jours de festivités – mises sous le signe de la Chine – où ont défilé près de 25 000 visiteurs. Une labellisation Ecoquartier « dure à tenir » En réalisant son projet à la Paillade, au carrefour des quartiers d’Alco et de Malbosc – fief électoral d’André Vézinhet –, le président a fait un pari audacieux : rattacher la Paillade à la ville. « Un projet pour trente ans », visait-il, glissant aussi lors de son discours d’inauguration : « De l’avenir, il y en a partout, pas seulement au sud de la ville. » Son directeur général des Services, Jean-Michel Paris, affirmait sa volonté de « redonner de la puissance sociale. » Grâce à une Cité des savoirs et du sport pour tous, donnant accès à la lecture publique – ici, un enjeu d'équité sociale et territoriale – dans une médiathèque ouverte aux consultations sur place, des ateliers pour tous les âges, des salles multimédias, des expositions… Le bâtiment de Zaha Hadid veut être la pierre angulaire de l’écoquartier qui va se développer tout autour. La ZAC de Pierrevives, qui commence à sortir de terre, va en effet livrer 900 logements d’ici quelques années, dont quatre premiers lots à construire ont déjà été attribués. André Vézhinet promet un quartier « où les gens ne seront pas empilés et où, à qualité de logement égale, nous arriverons à faire baisser les coûts pour proposer un m² à 2 400 € alors qu’au sud de l’Agglo, il atteint en moyenne 4 000 € ». Hormis 20% de logements sociaux, vont être proposés des logements en accession abordable à la propriété et des logements classiques en accession libre. Des boutiques, des services complémentaires, des équipements publics, des aménagements paysagers autour du Rieutord (le cahier des charges initial prévoyait de le dévier, malgré l’estampille écolo de la ZAC), la création d’une immense place sont aussi promis, avec – en cours –, la requalification de l’avenue de l’Europe pour désenclaver la Paillade. Mais les directives des architectes d’Art et Built Paris – récompensés plusieurs fois en matière de développement durable – qui ont conçu la ZAC, et les contraintes en matière de bâtiments écologiques, de parkings souterrains (sur deux niveaux de sous-sol) ou d’acoustique pour certains lots donnant sur des voies très passantes, risquent de rendre l’objectif du coût difficile à respecter. Julien Daumont, architecte d’Art et Built Toulouse, chargé de l’îlot de 30 logements que construit Cogedim face à l’Esplanade de Pierrevives, prévient : « Economiquement ça va être très dur à tenir. Le cahier des charges a été revu à la baisse et la labellisation écologique se basera sur le minimum vital. » Cet architecte, qui a construit à Paris un immeuble de sept étages en ossature bois, ajoute : « J’aurais été ravi de partir au bois. » Mais ce dernier a été exclu des façades par l’architecte en chef Bruno Caballé. Il n’aurait ici pas de valeur écologique, seulement esthétique. On l’utilisera donc, le cas échéant, pour le bardage, pas pour son bilan carbone. On essaie aussi de revoir à la baisse les revêtements de façades et les menuiseries en alu, pourtant plus écologiques que le PVC. Pour l’heure, les programmes déjà en vente ont assez de mal à trouver preneur. Yohan Breuil, consultant de l’observatoire immobilier montpelliérain Adéquation, analyse « pour attirer, certains promoteurs offrent la cuisine et les frais de notaire, mais les ventes décollent peu. Dans un quartier où l’on a tout juste les moyens de se payer un logement social, on peut se demander si l’opération a été menée de la bonne façon. » C’est probablement là que l’audace prend tout son sens. n Myriem Lahidely Zaha Hadid, « starchitecte » pas écolo « On était à la limite de la cassure ; l’architecte avait des exigences très fortes », témoignait André Vézinhet lors de l’inauguration de Pierresvives. Zaha Hadid semble en effet une femme de poigne. Pas étonnant lorsqu’on parvient comme elle dans le cercle très fermé des stars de l’architecture mondiale. « Elle est d’un tempérament extrême, confirmait son attaché de presse. Elle peut être vraiment très dure mais aussi extraordinairement gentille. » Question : « On s’habitue ? » Il hésite mais acquiesce. Arrivée en retard lors de l’inauguration, Zaha Hadid quittera plusieurs fois la conférence de presse, laissant près de cent personnes à leur perplexité. Déjà, en 2009, elle avait exaspéré une équipe de France3 qui faillit renoncer à son reportage ! Ce jour-là, alors que Mme Hadid, nonchalante, enfilait les poncifs pour décrire son œuvre – « un arbre couché irriguant de ses branches le bâtiment ; transparent comme la démocratie et l’institution commanditaire de l’ouvrage » – Je l’avais questionnée : « Par la photosynthèse, les arbres captent le gaz carbonique de l’air et restituent de l’oxygène. Votre bâtiment captera-t-il l’énergie solaire ? Sera-t-il à énergie positive ? » D’une moue dédaigneuse, la star esquiva la question, laissant son collaborateur évoquer, peu convaincu, l’hygrométrie des salles d’archives. Le 13 septembre dernier, elle fut plus conciliante : « Votre bâtiment tourne le dos au centre-ville et fait face à la Paillade, est-ce un choix d’ouverture vis-à-vis des habitants ? Etait-ce dans le cahier des charges ? » Réponse de Zaha Hadid : « Ni l’un ni l’autre, le choix a été déterminé par rapport au terrain naturel, et aussi par rapport à la route. » Question : « L’enjeu écologique n’a pas été intégré à votre projet, pourquoi ? » Réponse : (hésitation) « Il aurait fallu le faire dès le départ, c’est à ce moment que c’est possible. (silence) Il faut l’intégrer dès la conception du projet. Tout le bâtiment doit être pensé en fonction de cela. » Renseignement pris, Zaha Hadid érigerait son premier bâtiment à énergie positive à Riyad, Arabie Saoudite, l’an prochain. n Fabrice Massé 12 |