44 À l’époque, l’examen dit « théorique » était composé de 14 certificats. dès lors qu’on échouait à l’un d’eux, on était obligé de repasser l’ensemble. Dans cette formation, je me suis retrouvée au milieu d’une flopée d’hommes ! il n’y avait pas une seule femme. heureusement, nous formions un groupe assez soudé avec les autres élèves-pilotes venant de tahiti. J’ai réussi ma formation et je suis devenue offciellement pilote. en 2007, à mon retour à Tahiti, j’ai dû cependant reprendre mon travail d’hôtesse de l’air faute de poste disponible. puis, un jour, air tahiti a lancé un appel à candidatures pour le recrutement d’un pilote sur atr. J’ai postulé et j’ai été retenue. c’était en mai-juin 2007. Étais-tu la seule femme à ton arrivée en 2007 ? non, il y avait déjà estelle Vierling, qui est maintenant pilote à air Tahiti nui, ainsi que deux autres femmes copilotes. Aujourd’hui, nous sommes 4 femmes parmi la quarantaine de pilotes air tahiti : anne Merlet, hélène arlery, Mahea reid, la plus jeune, et moi-même. Le chemin semble encore long pour parvenir à la parité, c’est-à-dire le même nombre d’hommes et de femmes, pour employer ce terme dans l’air du temps… oui c’est sûr ! mais un chemin important a déjà été fait ! en terme d’acceptation aussi. lors de mes tout débuts au sein de la compagnie, un certain machisme vis-à-vis des femmes pilotes pouvait se faire sentir… Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. les mentalités ont évolué. D’après toi, le fait d’être une femme influe-t-il sur ta manière d’exercer ce métier ? oui forcément, je pense.comme la jeune mécanicienne teanavai hellouin-sanford l’a dit dans son interview (voir Air Tahiti Magazine n°96 de octobre à décembre 2017), je trouve que nous sommes plus précises et plus rigoureuses. par contre, concernant le terme « sérieuses », je dirais que tous les pilotes, hommes ou femmes, le sont. La principale diffculté du métier selon toi ? pour l’instant, je n’ai pas eu à faire face à des situations critiques mais je dirais que le plus diffcile est sans doute d’avoir la capacité à garder son sang-froid et de prendre très rapidement les bonnes décisions. quand les conditions de vol sont bonnes, ce n’est pas stressant. Mais parfois, on est confronté au mauvais temps, voire à des pannes. tout se complique alors, et, dans ce cas, j’aurais tendance à dire que les femmes savent peut-être mieux gérer le stress que les hommes. Je dis bien « tendance » … Qu’en est-il maintenant de l’aspect physique… dans des conditions que je qualifierais de normales, ce n’est pas un métier physiquement éprouvant. Mais cela peut davantage le devenir quand les conditions météorologiques se dégradent avec de la pluie et/ou du vent de travers sur les pistes. ces mauvaises conditions nécessitent encore plus de vigilance, la fatigue peut alors se faire sentir. cela dépend aussi des caractéristiques des vols réalisés. par exemple, nous pouvons être amenés à effectuer des itinéraires comptant 6 étapes aux iles sous-le-Vent avec, en conséquence, une multiplication du nombre d’atterrissages et de décollages qui sont les phases les plus délicates du vol. Souhaites-tu évoluer en devenant commandant de bord ? oui, cela constitue une évolution normale dans la carrière des pilotes. on souhaite « passer à gauche du cockpit ». nous utilisons cette expression car le commandant de bord est toujours placé sur la gauche – en entrant – du poste de pilotage. il faut savoir que pilotes et copilotes savent faire les mêmes choses mais la différence est que la prise de décision finale revient au commandant de bord. il est aussi le responsable du vol avec une autorité qui s’exerce sur les autres personnels naviguant ainsi que les passagers. Penses-tu que la féminisation du métier va se poursuivre ? pas plus que les chiffres que nous avons aujourd’hui, je pense. ce métier ne semble pas interpeller les femmes plus que cela… ce que je trouve dommage. Quel regard portes-tu sur les évolutions du métier de pilote telles que les raconte Alain Bonnard qui a commencé sa carrière en 1979 sur les antiques Fokker d’Air Polynésie et l’a terminée au début des années 2000 en tant que chef pilote sur Air Tahiti… Je trouve qu’ils ont de la chance d’avoir connu toutes ces évolutions. ils ont commencé et appris leur métier dans des conditions d’exercice plus diffciles, avec des avions beaucoup moins faciles à piloter. à mon sens, cela les a forgés pour la suite quand ils sont passés sur des avions plus automatisés et confortables. Aujourd’hui, nous sommes aux commandes de la dernière génération d’ATr, les 600. le cockpit, entre autres, a considérablement évolué, avec plus d’informatique, de systèmes automatisés et d’écrans. cela rend le travail moins fatigant. néanmoins, cette informatisation a certes de bons côtés, mais elle peut poser des problèmes nouveaux par ailleurs. notre métier a donc beaucoup évolué et évolue encore. certains évoquent même le remplacement de l’homme par la machine… ceci dit, avant que des passagers acceptent de monter à bord d’un avion sans pilote… beaucoup d’eau aura coulé sous les ponts… |