22l. larDiere Dans quelles circonstances as-tu été amené à devenir pilote sur Air Polynésie ? Alain Bonnard : J’ai à la base une formation dans l’aéronautique car j’ai suivi les enseignements de l’enac, l’école nationale de l’Aviation civile en France, à paris en 1965. puis, de novembre 1967 à février 1969, j’ai effectué mon service militaire à tahiti dans le contrôle aérien en tant qu’offcier contrôleur de la circulation aérienne. Mais ce que je voulais était devenir pilote. Je me suis donc payé mon stage de pilotage et des heures de vol. en juin 1969, j’ai été breveté pilote privé à l’aéroclub de Tahiti-Faa’a. pour devenir ensuite pilote professionnel, j’ai passé les examens pratiques et théoriques. une fois tous les diplômes en poche, j’ai contacté air polynésie qui me connaissait déjà et qui avait promis de m’embaucher si j’obtenais toutes les qualifications requises. elle l’a fait et je suis rentré à air polynésie, le 1er avril 1974. À ce moment-là, je n’avais que 700 heures de vol à mon actif, ce qui n’était pas beaucoup je dois dire. à l’époque, le chef pilote était henri Fulachier, une des grandes figures de l’aviation tahitienne. il avait déjà une très belle carrière sur jet ; il a été ce que l’on appelle un « défricheur » de routes aériennes entre tahiti et l’extérieur, mais aussi en polynésie française. À mon arrivée, il chapeautait les pilotes d’Air polynésie mais aussi ceux basés à tahiti de la compagnie française internationale uta dont air polynésie était une filiale. il était secondé par une autre figure de l’aviation tahitienne : monsieur Dussart. ce dernier avait été mon instructeur pilote à tahiti. auprès de lui, j’ai énormément appris. J’ai été lâché (Ndlr : cette expression désigne le premier vol effectué par un pilote sur un type d’appareil) sur les trois types d’avions de la compagnie : le Britten-norman, un petit bimoteur à hélice pouvant embarquer une dizaine de passagers, le twin-otter, également un bimoteur à hélice mais plus grand, et, enfin, j’ai passé ma qualification pour les Fokker qui composaient l’essentiel de la flotte d’air polynésie. Alain Bonnard, « J’ai été un témoin privilégié de beaucoup de changements » Entré en 1974 au sein d’Air Polynésie – la compagnie qui est devenue Air Tahiti au milieu des années 1980 - Alain Bonnard a connu, en tant que pilote, le temps des avions Fokker puis celui des ATR. Assurant la fonction de chef pilote dès 1987, il sera un homme clef au sein d’Air Tahiti jusqu’à son départ en 2003. Il a totalisé 20 000 heures de vol. Un nombre qui force le respect et l’admiration. Rencontre. Propos recueillis/Interviewed by : Ludovic Lardière Les pilotes volaient sur plusieurs types d’appareils ? oui. ils passaient d’un avion à l’autre ! ils pouvaient arriver à Tahiti-Faa’a en Britten-norman et redécoller pour un autre vol sur twin-otter. aujourd’hui, il n’est plus possible de faire cela en raison des risques de confusions. à l’époque, ce n’est pas qu’on était intrépide mais c’était comme cela : on n’avait pas le choix ! un autre exemple de choses qu’on ne peut plus faire : on volait tout seul – en monopilote – en twin-otter sur des vols assez longs. nous réalisions des trajets entre tahiti et l’atoll de Takapoto dans les Tuamotu. la responsabilité était lourde pour le pilote qui transportait quand même une vingtaine de passagers. C’était courant à l’époque ce genre de pratiques ? oui. avant d’entrer à air polynésie et en tant que pilote privé au tout début des années 1970, j’avais réalisé des choses similaires pour transporter… du poisson. sur un petit avion monomoteur, le cessna 182, je partais de tahiti avec à bord tout un tas de marchandises commandées par les îliens. arrivé dans les tuamotu, à Manihi ou rangiroa, je réceptionnais le poisson. quand il n’était pas prêt, j’allais le pêcher moi-même dans les parcs à poissons des atolls avec une grande épuisette… sur le vol retour, l’avion était rempli à ras-bord de caisses de poissons. J’en avais même dans le poste de pilotage… voilà quelques exemples pour vous donner une idée de ce qui se pratiquait en ces temps là. c’est néanmoins de très bons souvenirs. Dans un sens, j’ai appartenu à la deuxième vague de pilotes qui a succédé aux pionniers de l’aviation tahitienne. c’était une époque très différente de celle d’aujourd’hui qui, pour moi, était belle. c’est le souvenir que j’en garde. Maintenant, tout est beaucoup plus strict, cadré et réglementé dans le transport aérien. |