70 Certains mots de langue polynésienne sont passés dans le vocabulaire de langues européennes, comme tapu (qui a donné tabou) ou tatu (qui signiie « marquer » ou « inciser » et qui a donné tatouage). Le mot mana a aussi été adopté et conservé en français, anglais et espagnol. Au départ utilisé dans les milieux culturels ayant à faire avec le monde polynésien, il peut être aujourd’hui associé de manière générale à une certaine forme de force spirituelle, de charisme ou d’autorité. On dira ainsi de telle personne qu’« elle a du mana ». On trouve même ce terme dans certains jeux de rôle et jeux vidéo pour désigner l’énergie magique d’un personnage… Mais, utilisé dans le contexte d’une société christianisée et moderne, il est alors loin de représenter les caractéristiques particulières et complexes qu’il avait dans le cadre de la société traditionnelle polynésienne jusqu’au début du XIX e siècle. Ainsi, un site sacré comme un marae, caractérisé par un mana puissant, ne pouvait être approché indiféremment par n’importe qui à n’importe quel moment. Il était l’objet d’un tapu qui, s’il était transgressé, pouvait entraîner la mort de l’impie ou de l’imprudent. Inversement, un chef porteur de mana ne pouvait fouler un sol sans que ce dernier ne devienne sa possession. C’est pourquoi, dans certaines circonstances, il ne se rendait sur un lieu que transporté sur les épaules d’un homme. Une force émanant de l’univers surnaturel De Tous TeMPs, eT DAns TouTes les cIVIlIsATIons, LES FORCES Du CIEL, souVenT consIDéRées coMMe De la MAGIe, onT GéNéRé à LA FOIS DES cRAInTes, De l’ADoRATIon eT Du ResPecT/siNCe The BegiNNiNg oF TiMe, ANd iN All CivilizATioNs, ForCes FroM ABove, oFTeN ThoughT To Be MAgiCAl, hAve geNerATed FeAr, AdorATioN ANd respeCT. PHoTos : P.BAccHeT Le mot mana viendrait-il de la racine sanscrite (ancienne langue indo-européenne) « man » (penser), transmise au il des générations lors des migrations qui ont amené les ancêtres des actuels Polynésiens depuis les rives de l’Asie du Sud-Est jusqu’aux îles du Paciique oriental ? Toujours est-il qu’on le retrouve également chez les Mélanésiens avec qui certains de ces voyageurs établirent des contacts quelques siècles avant notre ère. Pouvoir spirituel et exceptionnel, le mana s’attache « à des divinités spéciiques, des esprits, des individus, des rites et des objets », selon l’ethnologue E.S. Handy, auteur de l’ouvrage Polynesian Religion, dans les années 1920. Le grand psychologue CarlGustav Jung le voit comme une force « partout présente et qui est comme le centre de toutes choses », qui se traduit chez les objets par un pouvoir magique, et chez les êtres par une énergie psychique. Bénéique ou maléique, il est en tout cas l’expression d’un pouvoir, d’une supériorité qui était crainte et respectée, et qui se traduisait dans la structure sociale des communautés polynésiennes d’autrefois. |