90 Enfin, une autre source qui semble sur le point de se tarir, qui l’est peut-être déjà, est l’ivoire végétal, celle des graines de tagua : celles-ci proviennent de palmiers ayant été introduits en Polynésie française à la fin du XIX e siècle par les Allemands, qui en eurent le quasi monopole en Amérique du Sud (Colombie, Équateur), jusqu’au percement du canal de Panama en 1914. Ils en avaient planté aux Samoa et dans leurs exploitations à Moorea et aux Marquises (domaines saisis dès le début de la guerre de 14-18, ces rares palmiers étant ensuite tombés dans l’oubli). Les collectionneurs à l’affût Aujourd’hui, des dents de cachalot circulent bien entendu « sous le manteau », provenant parfois d’animaux échoués et morts dans telle ou telle île, parfois de commerce sans doute moins légal. L’importation de tagua, compte-tenu des risques phytosanitaires, est interdite, sauf conditions spéciales***. Malgré toutes ces contingences, il n'est plus permis de douter que l’ivoire a fait son grand retour ; il suffit de se rendre dans les galeries de Papeete pour s’en convaincre. Les pièces qui ne font souvent qu’y passer sont d’une exceptionnelle beauté, les amateurs et collectionneurs toujours à l’affut de la rareté, s’en rendant très vite acquéreurs****. Mieux que leurs aïeux ! L’un de ceux-ci, qui conserve jalousement plus de 150 pièces, nous a ouvert, sous le sceau de la confidentialité, sa collection d’où nous avons tiré quelques-unes des photos illustrant cet article. Tagua, cachalot, phacochère, toutes les pièces sont amoureusement gardées, le travail de sculpture étant le fait d’une demi-douzaine d’artistes, tous Marquisiens. À Ua Pou, à Nuku Hiva, à Ua Huka, à Hiva Oa, jusqu’à Fatuiva, mais aussi et surtout à Tahuata, des doigts experts s’emploient, en s’inspirant des pièces collectionnées dans les musées, à restaurer cet art du travail de l’ivoire qui avait disparu dans l’éclatement de la société marquisienne au milieu du XIX e siècle. Force est de reconnaître qu’en se libérant des motifs strictement traditionnels et des seules copies de pièces anciennes, les artisans d’aujourd’hui surpassent désormais leurs aïeux, en création comme en habileté. Daniel Pardon *** L’importation de graines de tagua (Phytelephas aequatorialis ou P.Macrocarpa) doit faire l’objet d’un permis d'importation et d’un certificat phytosanitaire répondant à des normes précises. **** L’exportation de pièces en ivoire, notamment de cachalot, ne peut se faire qu’après l’obtention d’un permis CITES. FIiR TFINi Ti i e |