114 Boussoles à la page Les makers prennent le monde en main Plus que bricoleurs ou bidouilleurs, pas forcément hippies ou hipsters, ces adeptes du fait main local insuffent un esprit collaboratif à de nombreuses capitales. Incursion dans les anciens entrepôts réhabilités de Brooklyn, où ces trentenaires partagent ateliers, outils et une même philosophie de vie. TEXTE François Simon PHOTO Félix Dol-Maillot VOIR LA DÉO VI Aujourd’hui, sur Brooklyn, l’air du large balaie les quais de Red Hook. De méchantes grues raclent le sol pour le nouveau terminal de ferries. Ici, dans d’immenses docks, s’affairent tous les métiers de la terre. Une sorte d’arche de Noé avec ses céramistes, assembleurs de crus, tanneurs, modistes. On les appelle les makers. Dans le bâtiment 325 B, plusieurs compagnies travaillent le bois. Elles partagent d’immenses tables de sciage, alignent fraiseuses, toupies, raboteuses, dégauchisseuses, scies à ruban... La troublante odeur du bois se mêle à celle de la winery d’en dessous. On se croirait basculé dans un siècle dernier. Du reste, c’est ici même que somnola la statue de la Liberté. New York refusait de fnancer le socle, c’est fnalement Brooklyn qui s’y colla et la Liberté retrouva la position verticale. Greg, 31 ans, et Ian, 30 ans, ont lancé il y a quatre ans Fort Standard. Ce sont des designers formés à l’école de Brooklyn. Tout normalement, ils ont décidé de s’installer ici, de partager le loyer et de pondre régulièrement des collections alliant la pierre, le cuir et le bois. Ils progressent paisiblement, dégagent maintenant des bénéfces qu’ils réinvestissent tout de suite dans de nouveaux produits. Pas de lueurs folles dans leurs yeux, ni de belles montres au poignet, ils ont cette calme assurance des artisans, rieuse et goguenarde. Pas dupes. C’est sans doute l’esprit des makers de Brooklyn, comme en réaction à Manhattan, ses hommes pressés en costume, ses immeubles et leur ivresse de verre. Brooklyn, c’est un peu le contre-pied |