r2 Né en France puis adopté par le Conseil de l’Europe dans la seconde moitié du XX e siècle, le concept d’Éducation permanente recouvre, aujourd’hui, en Belgique, des acceptions diverses et s’inscrit dans un champ de pratiques relativement contrasté : enseignement postscolaire, formation professionnelle continuée, éducation populaire, activités socioculturelles... propres aux différents contextes où elles sont nées. Ceci n’est pas anodin dans la mesure où les distinctions qu’elles opèrent traduisent des choix de société différents. Au niveau européen, c’est désormais le terme de « long life education » qui prévaut dans une définition aussi large qu’ambiguë, intégrant « toute activité d’apprentissage, entreprise à tout moment de la vie, dans le but d’améliorer les connaissances, les qualifications et les compétences dans une perspective personnelle, civique, sociale et/ou liée à l’emploi » 1. Cette conception de l’Éducation tout au long de la vie insiste sur le critère d’employabilité dans la perspective de faire de chacun un « entrepreneur de soi ». Cette approche semble aujourd’hui dominante dans les politiques impulsées par les Régions wallonne et bruxelloise. C’est aussi celle-là que l’on retrouve le plus souvent dans les programmes des Universités et des Hautes Écoles. Parallèlement, l’Éducation permanente telle que définie par le décret de juillet 2003, décrit bien différemment les missions des associations et mouvements reconnus et subventionnés par la Communauté française : s’adressant aux citoyens critiques, participatifs et actifs, elle poursuit des visées clairement émancipatrices en travaillant à « sortir » individus et collectifs des positions assignées ou induites par la société. éducaTION permaNENTE C’est la même conception qui anime l’esprit des décrets relatifs aux organisations de jeunesses, aux bibliothèques et aux centres culturels, révélant ainsi sa dimension transversale. Les différences conceptuelles entre Communauté française et Régions s’expliquent à la fois par la spécialisation actuelle de leurs compétences et par l’histoire des pratiques syndicales et associatives qui combinent complémentarités et contradictions. La confusion entre les deux conceptions de l’Éducation permanente, qui se révèlent parfois complémentaires mais souvent divergentes, est actuellement source de difficultés, aussi bien par rapport aux objectifs, au déroulement du processus que par rapport à l’évaluation des actions menées : « L’objectif d’assurer à tous une "employabilité » n’est sans doute pas condamnable dans une situation de chômage, mais on doit garder à l’esprit que l’éducation permanente repose sur une autre conception de l’individu. Ce n’est pas à l’« entrepreneur de soi » qu’elle s’adresse mais au citoyen critique, participatif et actif. » 2 « Ce flou entretenu sur le public ne permet i pas de rendre compte des réalités des rapports de domination, d’aliénation et d’exploitation. » n°35 - AUTOMNE 2013 - 26 ÉDUCATION PERMANENTE, PARCOURS D’INTÉGRATION ET/OU CHEMINS D’ÉMANCIPATION ? Au moment où, plus que jamais, la désaffiliation sociale et le rejet du politique se manifestent par un sentiment grandissant d’impuissance et alors que de nouveaux transferts de compétences pourraient être négociés entre Fédération Wallonie-Bruxelles et Régions, quelle sera demain la place de l’Éducation permanente ? Diversement comprise, serat-elle condamnée à se marginaliser de plus en plus, faute de pouvoir briser les barrières dans lesquelles on tente de l’enfermer ? Jean-Luc Degée et Nancy Hardy, Formateurs à Peuple et Culture Parce que l’une des deux semble actuellement vouloir s’imposer à l’autre, l’Éducation permanente devient enjeu de société et il est aussi important qu’urgent de pouvoir débattre des orientations européennes et régionales pour éviter que ne se généralise le malaise, notamment au sein des associations subventionnées par la Communauté française. ÉDUCATION PERMANENTE : SPÉCIFICITÉS ET AMBIVALENCES DE LA BELGIQUE Selon son projet politique et ses pratiques dominantes, l’Éducation permanente va se décliner différemment en France et dans la Belgique francophone. En France, le terme est généralement employé au sens de formation professionnelle hormis dans le monde associatif qui continue à privilégier le terme d’Éducation populaire. En Belgique, l’Éducation permanente a repris, en les modifiant cependant, les finalités, démarches et publics caractéristiques de l’Éducation populaire en cherchant à se spécialiser, en collaboration avec les associations, dans une démarche de citoyenneté active. C’est ainsi qu’on retrouve dans les décrets de 1976 et 2003 qui en définissent le champ d’action, un certain nombre de valeurs héritées des conceptions de l’Éducation ouvrière puis populaire véhiculées par les piliers associatifs chrétiens et socialistes ainsi que des éléments de la culture laïque et écologiste. Cela est particulièrement repérable dans les objectifs et les finalités énoncés : « Développement de la citoyenneté active et exercice des droits sociaux, culturels, environnementaux et économiques dans une perspective d’émancipation individuelle et collective » d’une part et « Perspective d’égalité et de progrès social en vue de construire une société plus juste, plus |