Agir Par la Culture n°33 jan/fév/mar 2013
Agir Par la Culture n°33 jan/fév/mar 2013
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°33 de jan/fév/mar 2013

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Présence et Action Culturelles

  • Format : (210 x 297) mm

  • Nombre de pages : 32

  • Taille du fichier PDF : 17,4 Mo

  • Dans ce numéro : dossier... le temps des postcolonies.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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dossier QU'EST-CE QUE LA DIMENSION POSTCOLONIALE ? L'adjectif postcolonial » est utilisé de plus en plus fréquemment. Il commence à s'immiscer dans le débat public de manière plus ou moins polémique. Il concerne tout autant les traces et séquelles de la colonisation, dans les pays devenus indépendants que des problèmes qui se posent dans les anciennes métropoles coloniales depuis ces indépendances. En Europe, vivent des millions de personnes venues des anciennes colonies ainsi que leurs enfants et petitsenfants. Face aux discriminations dont ils font souvent l'objet, certaines organisations de gauche revendiquent les droits des « indigènes (de la République en France, du Royaume en Belgique) à l'égaltté. Si cette expression est paradoxale et prête parfois à la polémique (elle fatt allusion au statut d'infériorité par rapport aux Européens qui caractérisatt les indigènes " des anciennes colonies), elle est en tout cas polttiquement efficace et a le mértte de poser sous un nouveau jour des questions d'ordre social et d'introduire dans le débat public, une dimension coloniale souvent niée. Elles permettent une lecture de la société actuelle et un renouvellement des débats à gauche, là où l'antiracisme peine peut-être à prendre toute la mesure des rapports sociaux actuels. LE POINT DE VUE DES (POST) COLONISÉS Impossible de parler du postcolonial sans aborder les études postcoloniales. C'est Frantz Fanon [voir encadré) qui a posé les balises et enjeux de ce courant d'étude Deux figures de la pensée postcoloniale Frantz Fanon (1925-1 961)'-'Pour le colonisé, la vie ne peut surgir que du cadavre en décomposition du colon. Auteur des Damnés de la terre et de Peau noire, masques blancs, Frantz Fanon a consacré son œtMe aux effets de la colonisation, notamment sur le plan psychologique, et aux moyens de les dépasser. Il faut relire Les damnés de la terre que ce psychiatre et miitant martiniquais, compagnon de route de la décolonisation de l'Algérie, a rédigé comme un manifeste de la lutte anticoloniale et comme un puissant appel à l'émancipation humaine. Contre tous les le fanonisme reste une pensée vivante qui inspire encore aujourd'hui bien des penseurs comme bien des artistes. (Peaux noires, masques blancs », « Les damées de la terre). Edward Saïd (L'orientalisme 11) en est l'autre grande figure fondatrice [voir encadré). Ce courant a posé et pose un ensemble d'anases des sttuations coloniales et postcoloniales, de létat de la culture du (post)-colonisé et ses métamorphoses, des processus culturels, sociaux ou psycho-sociaux qui se sont développés et souvent ancrés lors de cette violente période qu'a pu être l'occupation et l'explottation de territoires et d'humains par des métropoles européennes. Ce courant s'est développé au sein de pays anciennement colonisés. On peut citer entre autres Stuart Hall (Jama1que), Achille Mbembé (Cameroun), Homi K. Bhaba ou encore Gayatri Spivak du sous-continent indien, territoire dont les penseurs ont permis de raccrocher les postcolonial studies aux subaltern studies [voir encadré sur la notion de subalterne). Ces penseurs ont élaboré des théories, en particulier à travers l'analyse de matériaux ltttéraires, qui ont ensutte essaimé dans le reste du monde (notamment via les universttés américaines) et arrivent depuis peu en Europe continentale et qui visent à déconstruire l'idéologie coloniale. Il s'agtt de 11 relire l'histoire en la débarrassant des œillères de la culture occidentale, de rompre son hégémonie et faire valoir le point de vue des (ex-)colonisés tels qu'ils vivent aujourd'hui la mondialisation » (Nicolas Journet). A partir de là, on peut alors débusquer ce qui dans l'ensemble des rapports coloniaux passés (mépris, domination, explottation, confins, crimes, etc.) subsiste encore actuellement dans notre société sous des formes parfois métamorphosées ou sublimées. Ainsin est-il des rappels Edward Said (1935-2003) Si nous voulons tous vivre, et c'est notre impératif, il nous faut enflammer non seulement l'imagination de notre peuple mais aussi celle de nos oppresseurs. lntelectuei palestino-américain et professeur de ittérature comparée, Edward Sa'Kl a écrtt un ouvrage majeur (L'Orientalisme n) sur la manière dont l'Occident a reconstruit l'Orient, une fabrication destinée à justifier les attitudes coloniales et néo-coloniales. Ce penseur, trés engagé en faveur du dialogue israélopalestinien, défendait la nécessité absolue de comprendre les cultures des autres en exduant toute ambition dominatrice. Sinon la barbarie triomphe. (JC)... Ill :... 0 "'4... 0 z 0 z Ill c c " Ill : 1 a z 0. z 0 J : " a "'z c Ill : z... 0 0.. Ill... 0 de la condition de subalterntté de certaines populations dans les commentaires polttiques et médiatiques qui désignent les discours comme légttimes ou illégttimes. Cela concerne également une guerre des récits à propos de la colonisation (avec pour corollaire le déni des crimes coloniaux). Mais cette dimension s'incarne aussi dans de multiples faits divers, d'actualité qui, tout d'un coup, enflamment les débats car ils se rapportent à des contentieux qui n'ont pas été traités ou pris en compte remontant à plus loin que le simple présent : " bavures" policières en banlieue, affaire Charlie Hebdo, affaire DSK. UNE DIMENSION REFOULÉE Quelques traits permettent de caractériser cette dimension. La première idée, c'est qu'il n'y a pas eu de coupure entre métropole et colonies le jour de l'indépendance. Le préfixe
ou se cachent derrière les supposés " effets positifs " de la colonisation et autres rappels de la mission " civilisatrice d'antan. Or, la reconnaissance politique du colonialisme et de ses crimes semble pourtant être la seule possibilité d'améliorer les rapports postcoloniaux et d'apaiser les tensions [voir interview d'Alain Brossat]. Certains, à l'instar de Jean-Loup Amselle, reprochent au postcolonialisme et ses avatars polltiques une ethnicisation trop grande des rapports sociaux et un risque de durcissement voire d'enfermement identitaire (notamment si on en fait l'unique facteur explicatif de la société actuelle). On peut considérer en tout cas que prendre en compte cette question postcoloniale peut devenir une nouvelle balise d'explication et d'action au côté des dimensions sociales, économiques ou culturelles au même titre que peut l'être, par exemple, la question féministe. Aurélien Berthier Gayatri Spivak : les subalternes peuvent-elles parler 7 Née en 1942 à Calcutta en Inde, Gayatri Spivak enseigne à New-York. Son texte le plus célèbre reste Les subalternes peuvent-elles parler ?. Le subalterne, concept inspiré par Gramsci, c'est le sans-voix, ou plutôt, celui dont la voix ne compte pas. Que ce soit, au fil de !'Histoire, la femme, le fou, le vieux, le prisonnier ou l"mmigré, c'est un même droit qui leur est dénë. Non pas le droit à l'expression car tous parlent, mais bien le droit à être entendu et perçu politiquement, à prendre part et participer réellement à la sphère publique. Les subalternes peuvent-elles donc parler ? Non, répond Spivak, les subalternes ne peuvent pas parler en raison même de leur position de subalternlté. Et ceux qui prétendent les entendre ne font en fait que parler à leur place. (AB) ALAIN BROSSAT CONSIDÉRER LE POSTCOLONIAL, RECONNAÎTRE LE COLONIALISME Alain Brossat est philosophe et professeur émérite à l'Université Paris 8 Saint-Denis. Son dernier ouvrage, w Autochtone imaginaire, étranger imaginé, retour sur la xénophobie ambiante balaye en différentes entrées thématiques la question de l'hospitalité et de l'hostilité à l'égard de l'étranger, celle des discours du pouvoir qui construit cette question comme centrale et pose notamment en toile de fond la question postcoloniafe. Une dimension qu'il faut songer à prendre en compte dans l'analyse et le commentaire des rapports sociaux actuels. La question de fa reconnaissance pouvant étre un début de résolution de certains nœuds de tensions intercommunautaires. Co mment prendre en compte la dimension postcoloniale dans notre société ? Il faut reconstituer des généalogies, c'est-à-dire rétablir de la profondeur là où une approche immédiatiste courante, modelée notamment par le discours polltique et le discours des médias, nous fige sur un présent extrêmement court. Vous allez avoir tout un discours proliférant qui va se consfüuer sur les quartiers excentrés : les zones de non-droit, les dealers qui font la loi, la police qui ne peut pas mettre les pieds là-dedans, les gens qui sont... au chômage, la population immigrée entassée là-bas... On va fabriquer une espèce de topos, d'espace où le discours tourne en boucle : la drogue, l'insécurité, etc. avec des jeux d'associations très étroites entre certaines catégories d'étrangers, l'immigration précaire, les clandestins... Alors que si on s'efforce de reconstituer des généalogies, on va être renvoyé à des scènes antérieures qui sont des scènes coloniales. Ce qui se joue làdedans, c'est évidemment la relation entre des points de crise dans le présent et puis le passé colonial. Le temps ne guérit donc pas les blessures ? C'est du faux bon sens de penser que plus cela s'éloigne dans le temps et plus les tensions, les drames ou les aises s'atténuent. Dans la question coloniale, si les problèmes n'ont pas été réglès, si les contentieux demeurent, alors au contraire, le temps qui passe tendrait plutôt à faire en sorte que cela s'envenime, du moins sur des points particuliers. La question de l'Algérie pour nous Français est de ce point de vue-là très marquante. Cela est notamment dû au fait que les pouvoirs, les gouvernements successifs en France n'en ont jamais pris la responsabilrré polrrique devant l'histoire : ce contentieux existe donc encore. Il va se traduire dans les choses les plus courantes et banales, dans la conduite de gamins qui sont maintenant la



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