Agir Par la Culture n°29 jan/fév/mar 2012
Agir Par la Culture n°29 jan/fév/mar 2012
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°29 de jan/fév/mar 2012

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Présence et Action Culturelles

  • Format : (210 x 297) mm

  • Nombre de pages : 32

  • Taille du fichier PDF : 51,5 Mo

  • Dans ce numéro : dossier... précarité, une valeur en hausse.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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dossier « IL Y A DE PLUS EN PLUS DE GENS INUTILES AU MONDE… » David Praile et Denisuvier, respectivement coordinateur et animateur de solidarités nouvelles, posent un regard lucide mais glaçant sur l’état de la grande précarité. et si Charleroi, épicentre de leur s actions, accumule les problèmes, le constat vaut aussi pour l’ensemble de la Wallonie. Il est gr and temps, estiment-ils, de réinventer la collabor ation avec des instances publiques tentées par des politiques de plus en plus sélectives… Rencontre. David, tu peux nous r appeler l’objet de l’asblsolidarités nouvelles ? David Pr aile : C’est une association d’éducation permanente centrée sur la question du logement, organisée autour de la mobilisation des habitants dans une logique de défense des droits des locataires. on intervient avec les habitants des logements sociaux, les personnes mal logées dans le privé, les habitants des campings, des parcs résidentiels, et puis les habitants de la rue ici à Charleroi. L’objectif c’est que les habitants aient une meilleure maîtrise de leur situation, qu’ils puissent faire valoir leurs droits, qu’ils puissent devenir des acteurs de changement social. Denis, tu es animateur de r ue pour solidarités nouvelles mais tu es aussi à l’o- ri gine du pr oj et commun autai re et bénévole « Pose ton sac. » Tu peux nous en dire plus ? Denisuvier : J’ai toujours dit « donnez-moi un bâtiment et je vous montrerai qu’on peut faire du social autrement. » on cloisonne trop le social aujourd’hui. on est dans un système de statistiques et de réussite. faire de la réussite, c’est comme faire une équipe de football : on prend les meilleurs, les autres on les jette ! on crée de l’exclusion… Alors, si je ne peux pas faire avec le social, je me démerde, c’est ça « Pose ton sac. », ouvrir des perspectives d’actions différentes, c’est un peu ce qu’on fait au « château » (une maison à Couillet que j’appelle le château) : tu poses ton sac et on voit ce qu’on peut faire avec toi. un parcours où on essaye de trouver des solutions. DP : Denis est pionnier là-dessus au sein de solidarités nouvelles. C’est un projet différent, à la croisée des chemins de l’éducation permanente et d’un travail social davantage axé sur le collectif : mettre des solutions en place en ouvrant des portes plus qu’en en fermant. Aujourd’hui, dans le fonctionnement des institutions sociales, il y a une tentation de travailler pour le plus grand nombre, pour ceux qui peuvent se conformer, les autres n’ont qu’à s’adapter… Autrement dit, s’il y a de moins en moins à partager, partageons avec les plus méritants, ceux qui se conforment le plus. or il y a de plus en plus de gens qui ne se retrouvent pas dans les mécanismes d’aides proposés, qui n’ont pas envie ou qui n’ont pas de raisons de s’adapter. Vos criti ques des ins tit utions social es visent aussi le fonctionnement des CPAs ? DP : Tout le monde doit balayer devant sa porte, institutions publiques ou associations. Il y a des travailleurs d’institutions qui font un boulot remarquable, heureusement qu’ils sont là. sans ça la situation serait bien plus dramatique. A Charleroi en particulier où les institutions publiques comme le CPAs sont en pointe sur des projets novateurs. Mais ce n’est pas toujours à la hauteur des réalités de terrain. La difficulté pour certaines personnes en décrochage c’est de rentrer dans le moule. C’est l’évolution sociale ça, des gens de plus en plus jeunes, à la rue, sans parcours scolaire ou d’insertion 14 fabienne Denoncin socioprofessionnelle, rétifs à se conformer à une série de contraintes dont ils ne voient pas le sens : procédures administratives inextricables, empilement des réglementations où plus personne ne s’y retrouve même les juristes… Parfois le remède est pire que le mal. exemple : les fermetures de logements insalubres alors qu’il n’y a pas de mesures de relogement efficaces. Les gens sont deux fois victimes de leur situation. on produit l’inverse de ce qu’on veut. on est dans une situation de gestion de la pénurie : énormément de demandes et très peu d’offres. Alors on responsabilise à outrance les gens pour rechercher un emploi, on sait qu’ils ne vont pas en trouver mais il faut qu’ils en cherchent. Le parallèle est évident avec le logement : trouver un bon logement c’est comme trouver un bon emploi, c’est chercher ce qui n’existe pas… Du : Des institutions comme le CPAs par exemple, à Charleroi, elles ont le monopole de la pensée. on travaille donc dans ce monopole. finalement je me bats contre mon propre « social. » on a une liberté de dire mais on est cloisonné par des structures qu’on s’est battu pour mettre en place. Je voudrais que ces structures écoutent plus les travailleurs, qu’on accompagne plus les mecs qui vont dans les squats pour voir les gens dans quel état ils sont. on essaye de travailler autrement mais ce n’est pas la seule solution, il faut de nouvelles formes de collaborations.
Les chômeurs en première ligne Les chômeurs –c’est-à-dire des travailleurs privés d’emploi- subissent une triple peine. 1) Ils sont fortement stigmatisés, perçus comme seuls responsables de leur sort (dédouanant au passage le rôle des politiques économiques), voire comme des « assistés », des fainéants qui coûtent chers aux « vrais » travailleurs (ce qui accentue la concurrence entre ces deux groupes). 2) Ils sont sommés de tout côté de trouver du travail et subissent notamment pour ce faire un contrôle accru et des pressions à multiplier les démarches de recherches d’emploi qui peuvent s’avérer inutiles en période de chômage de masse. 3) Ils vont voir leurs conditions financières se réduire à moyen terme avec la dégressivité des allocations et la limitation des allocations chômage dans le temps. L’assurance chômage, c’est-à-dire la garantie pour un travailleur de savoir que subsistera un revenu s’il perd son emploi est pourtant un maillon essentiel de notre système social et d’une condition de vie moins précaire. Ni la (faible) part de fraude, ni le nombre grandissant de chômeurs ne l’invalide. Ces thématiques sont traitées de manière approfondie par le Collectif pour la solidarité, contre l’exclusion : www.asbl-csce.be (Aurélien Ber thier) Vos avis sur la situation à Char leroi aujourd’hui ? DP : on a fait des choses, les réseaux de travail social sont beaucoup mieux organisés, plus ouverts, prospectifs et, osons le terme, plus performants qu’il y a dix ans. Chapeau au boulot accompli, mais ce n’est pas à la hauteur de la situation. Avant il y avait la loi du silence, on ne parlait pas de ce qui se passait. Maintenant on est dans une autre loi du silence, Charleroi va mal, Charleroi est une ville presque violentée dans l’inconscient collectif, tu sens qu’il y a un malaise et dès lors, il ne faut plus dire du mal de Charleroi… Mais il suffit de faire le tour du centre-ville pour voir le nombre de logements et d’immeubles abandonnés ou inoccupés, c’est invraisemblable ! Les aménagements urbains, ce sont des processus lourds et lents, mais on voit bien aussi qu’on a du mal à reprendre la maîtrise de la ville, à mettre sur pied un vrai projet de ville. où les personnes les plus précarisées auront aussi une place. La ville s’appauvrit et le réflexe c’est de dire : faisons venir des classes moyennes… Personne ne va revendiquer le fait qu’il faut se débarrasser des plus pauvres mais ça arrange tout le monde s’ils disparaissent de la circulation. C’est compliqué à dire, parce que que tout le monde fait du bon boulot, tout le monde se démène et du coup on ne peut plus être critique… Du : Les squats à Charleroi, ce n’est pas uniquement des maisons, il y aussi des tentes dans les bois, des tentes dans des maisons squattées, des caves, des souterrains… Aujourd’hui, des gens vont même squatter des maisons à vendre ! on ne se rend pas compte de tout ça et on s’étonne que les gens se détournent du social, moins de gens vont dans les centres. Connaît-on les c hiffr es exacts de la gr ande pauvreté à Char ler oi ? en Wallonie ? Du : Non. Pour les sDf notamment, les seuls qui sont reconnus comme tels sont ceux qui ont une adresse de référence au CPAs. Mais il y a un quota à ne pas dépasser… sans oublier qu’il y a beaucoup de gens avec un logement qui sont très malheureux… est-ce qu’on sous-évalue les problèmes ? DP : Il y a une forme de déni de la réalité. en partie compréhensible : à une époque où on dit que la Wallonie doit se relever, ça fait mal de voir ce qui ne va pas. Ce n’est pas simple d’avoir des données fiables. on sait qu’il y a 32.000 demandes de logement social en Wallonie, sans compter ceux qui ne demandent plus ; 10 ou 12.000 personnes qui logent dans des caravanes ou des chalets à l’extérieur des centres urbains, et puis on sait que d’après les études 2006 de la Région, un locataire sur cinq habite dans un logement en mauvais état. en 15 dossier LIFIFINLIFT fabienne Denoncin matière de lutte contre l’insalubrité, globalement la politique menée est bonne et donne de bons résultats. Le problème c’est à la marge, avec les personnes dans les situations les plus difficiles. A nouveau on perçoit une tendance à nier la réalité, un manque de confiance dans ces personnes. en général, on vient sanctionner la débrouille. exemple : la cohabitation. Tout le monde sait que c’est plus facile de s’en sortir en logeant ensemble, et bien non ça ne va pas ! Ce n’est pas l’objectif de la réglementation ! Dès que les gens tentent de s’organiser eux-mêmes, on leur coupe l’herbe sous le pied ? DP : Tout à fait. on n’est pas contre la fermeture des logements insalubres, mais les gens se débrouillent avec les moyens qu’ils ont. une travailleuse sociale me disait récemment : notre seul recours ce sont les marchands de sommeil, il n’y a que chez eux qu’on peut envoyer les gens… C’est interpellant. on n’est pas contre la fermeture, le problème ce sont les conséquences pour les habitants dans la mesure où ils ne sont pas relogés. De marchand de sommeil en marchand de sommeil, on fabrique des sans abris... effarant. on voit don c gr ossi r une masse de gens… hor s cadr e ? DP : Il y a de plus en plus de gens inutiles au



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