Agir Par la Culture n°27 jui/aoû/sep 2011
Agir Par la Culture n°27 jui/aoû/sep 2011
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°27 de jui/aoû/sep 2011

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Présence et Action Culturelles

  • Format : (210 x 297) mm

  • Nombre de pages : 32

  • Taille du fichier PDF : 65,4 Mo

  • Dans ce numéro : publics de la culture... comment les décrire, les construire, les faire participer ?

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

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portrait culturel Tu as un r appor t bien par ticulier à l’Italie, non ? C’est un peu le hasard, mais c’est aussi lié aux voyages avec mes parents quand j’étais enfant, puis adolescent. J’y suis retourné seul, puis avec des amis. Il y a des choses difficilement explicables, comme ces endroits sur terre où tu te sens incroyablement bien. Pour moi, c’était l’Italie et ça l’est toujours d’ailleurs. La région dont je suis tombé amoureux, c’est l'Émilie-romagne, la « terre rouge ». Cette région, aujourd’hui encore, est restée très politique. Ce n’est pas la belle Italie des cartes postales avec les vallons toscans que je trouve magnifiques, c’est la plaine du Pô, c’est Bologne, ferrare… Il y fait un peu plus âpre, on y mange divinement bien, les villes et les filles sont subliment belles. et en Belgique, t u as un aut eur, un romancier favori ? emile Tissier. C’est un très beau témoignage de ce qu’est le parcours d’un intellectuel à gauche dans les années 30, si difficiles. On lui doit cette très belle expression pour tous les acteurs intellectuels de la gauche : « Je suis un membre honoraire du prolétariat ». On ne sera jamais un prolétaire quand on est un dirigeant, mais on peut l’être quand même, d’une certaine manière, en tant que « membre honoraire ». et dans le cinéma ou l’ar t belge, les frèr es Dardenne par exemple ? Je ne suis pas un fana de belgitude. et ceux qui me frappe le plus, je le reconnais, sont flamands. Ce n’est pas fort dans l’air du temps de dire cela, mais je viens de lire le livre de Tom Lanoye et celui de Dimitri Verhulst qui viennent, tous les deux, d’être traduits en français. Ce sont là, à mon sens, deux magnifiques romans : « De Helaasheid der Dingen », mal traduit en français « La merditude des choses », et « spraakeloos » de Tom Lanoye, un portrait sur sa mère qui a perdu l’usage de la parole. Un peu à l’instar d’Hugo Claus qui a fait un portrait de la Belgique profonde. Ce n’est pas un portrait flamand, mais bien plus de la Belgique. D’ailleurs, les deux romanciers sont très antinationalistes et ouverts à la culture française. et dans le cinéma, c’est aussi du côté flamand, me semble-t-il, qu’il y a un dynamisme. rundskop, « Tête de bœuf », film qui vient de sortir sur le trafic, les mafias des hormones, est un film vraiment marquant avec une belle prestation d’acteurs. en revanche, je ne suis pas un grand fan des films des frères Dardenne je l’avoue, même si je les ai tous vus. Je trouve qu’ils ont eu une période assez magique autour de « rosetta », « Le fils » et « L’enfant ». « La Promesse », j’aimais moins car il y a un côté donneur de leçons, rédempteur, qui est revenu avec « Le silence de Lorna » et « Le Gamin au Vélo ». J’ai eu l’occasion de le leur dire, donc j’assume parfaitement. « rosetta », « Le fils » et « L’enfant » sont trois films durs, bruts, qui sont dans la vraie tradition du réalisme social, un peu à l’italienne avec en plus cette caméra épaule, expérimentale. C’est parfois un peu dur, mais leur caméra glisse sur les choses avec discrétion, avec délicatesse, et elle cerne des aspects de la vie qui sont peu mis au grand jour, sans jugement aucun. Tandis que dans les derniers il y a toujours le sauveur, le rédempteur, c’est un thème moral avec lequel j’ai un peu de mal. Calvino disait justement « Dans les arts, on ne doit jamais représenter la vertu ». Je trouve qu’il a raison. On ne demande pas ni à la littérature ni au cinéma de représenter le bien, on doit représenter les dilemmes et c’est à chacun ou aux lecteurs de se faire sa propre leçon. 6 Quelle est ta période préférée de l’histoir e ancienne et de l’histoire contempor aine ? Ce que je trouve fascinant dans l’histoire ancienne, c’est que les périodes que l’on trouve être des périodes formidables ne le sont pas du tout en réalité. Nous sommes occupés à le redécouvrir. Par exemple, j’ai été longtemps fasciné par la rome républicaine, au Ier siècle avant notre ère, parce qu’il y avait le génie architectural et urbanistique, beaucoup plus que philosophique (il y a peu de poètes, de philosophes à cette époque-là, même s’ils mettent tout leur génie en œuvre). C’est un peuple composé de juristes et d’ingénieurs, et cela paraît captivant. et puis, quand on relit l’histoire aujourd’hui, on se rend compte qu’il s’agissait de civilisations horribles, violentes, machistes, brutales, meurtrières. La série télévisée « rome », de ce point de vue-là, est remarquablement bien faite en ce qu’elle remet en mémoire toute cette dureté de rome. Dans le très beau livre sur l’histoire des villes de Lewis Mumford, celui-ci fait toute l’apologie de la ville étrusque en disant qu’elle était aussi belle que la ville romaine, mais beaucoup plus propre, plus aérée. C’est exactement la même chose pour la renaissance et le Moyen-Âge. Nous avons une vision enjolivée de la renaissance avec l’arrivée de la perspective, de l’architecture, de florence et la Galerie des Offices, des grands peintres… Pour autant, la renaissance est une période terriblement brutale, violente. elle représente la peste, les maladies, les meurtres, les villes pestilentielles. De même, la fin du Moyen-Âge présente dans nos imaginaires est généralement identifiée à une période horrible, alors qu’elle est en fait la période où l’on redécouvre Aristote, les textes grecs, où le village médiéval est un village beaucoup plus ouvert, où les classes sociales se mélangent, etc. en fin de compte, je n’ai pas une période préférée, Vincent Chiavetta
Vincent Chiavetta mais je considère que certaines périodes sont mythiques. Paradoxalement, la rome antique, la renaissance, la révolution française ne sont pas forcément les plus belles d’entre elles. Tu évoques beaucoup l’architecture. Quel est ta ville préférée de ce point de vue ? J’adore des tas de villes européennes. Je trouve que Turin est un musée d’architecture à ciel ouvert extraordinaire, qui n’est pourtant pas la ville la plus connue. Mais il est infiniment plus passionnant de passer un week-end à Turin qu’à florence par exemple. en espagne, Grenade est une ville sublime. De plus, c’est une ville à la fois très catholique, à l’espagnole, mais aussi une ville juive et une ville musulmane, dotée d’une richesse architecturale – l’Alhambra est un joyau absolu - une ville très agréable, la magie de l’Andalousie. Quel est ton r appor t à la musique ? Je l’ai apprise, car mes parents ont voulu qu’on ne laisse rien de côté. J’ai donc fait 5 ans de solfège, du saxophone. Je n’étais pas très doué et je n’ai pas persévéré, mais j’ai un frère qui joue magnifiquement bien du piano et qui touche à tous les instruments qu’on lui met entre les mains. Je reste quand même persuadé que cela reste une question de don. si tu ne l’as pas, ce n’est pas la peine d’insister. et tes goûts musicaux ? extrêmement éclectiques. Ma première grande fascination est sans hésitation Gainsbourg que je continue à écouter très régulièrement. Bashung aussi. Moins ferré, Brassens ou ferrat. eux, ce sont mes parents. Il s’agit d’une autre génération. J’aime Aznavour, mais, en fin de compte, je ne suis pas un grand fan de la chanson française. Je trouve qu’il y a un appauvrissement terrible dans la chanson française à part Katerine. et la musique classique ? J’en écoute pas mal. J’avais la chance quand j’étais étudiant à Bruxelles d’assister aux spectacles quasiment tous les soirs, gratuitement le plus souvent. en cherchant bien, il existe des tas de possibilités. Ainsi, on pouvait, en tant qu’étudiant, se rendre à l’opéra à La Monnaie pour 10 euros. Dans la même veine, Ars Musica et les Beaux-Arts pratiquaient aussi des tarifs bon marché. Aujourd’hui je continue, j’assiste à des concerts à Bozar ou au Conservatoire, avec toutefois une prédilection pour la musique française du début du XX ème siècle : ravel, saint-saëns, Debussy. Côté rock alor s ? Le rock belge ? deUs est un très grand et bon groupe de rock’n’roll. J’écoute moins Ghinzu, même si je dois le reconnaître, c’est un grand mélodiste. Le rock doit être un peu âpre, et Ghinzu manque d’âpreté. Avec des groupes comme Vismets, Puggy, nous sommes toujours dans la même déclinaison, la même répétition. deUs, lui, a vraiment donné un son, une tonalité belge, anversoise, flamande. Il se passe vraiment quelque chose quand on écoute les disques de deUs. Ils ont presque 20 ans aujourd’hui et ils n’ont pourtant pas pris une ride. Il existe une vraie recherche musicale propre à Tom Barman, le chanteur du groupe. J’ai découvert, récemment, romano Nervoso, du rock’n’roll louviérois, un rock brutal. J’aime assez. 7 portrait culturel Changeons de r egistre, pour finir, si tu veux. Quelles sont les figur es intellectuelles qui inspirent ton action politique aujourd’hui ? rousseau, Marx, Jaurès, Gramsci. Je lis beaucoup de choses, mais je n’ai pas un maître à penser en particulier. Je trouve néanmoins – même si ce n’est pas quelqu’un pour qui j’ai une immense affection à titre personnel – que Pierre rosanvallon a créé une école française vraiment remarquable. Tous les livres de la collection de la république des idées sont vraiment excellents. Il s’agit d’une véritable génération de chercheurs dans le domaine des sciences sociales. A une époque, il y avait des maîtres à penser comme sartre, foucault, Lévi-strauss, Claude Lefort. Aujourd’hui, il n’y a plus de maîtres à penser, et ce n’est pas plus mal. Pierre Bourdieu était peutêtre le dernier dans le domaine des sciences sociales françaises. Ce qui n’empêche pas, donc, énormément de jeunes chercheurs de réaliser un superbe travail. Comme le livre de Thomas Piketty sur la réforme fiscale que je lisais hier. Les conférences d’edgar Morin sur la ghettoïsation bien plus prononcée en france qu’en Belgique (bien qu’à Bruxelles elle reste très prononcée), sont extrêmement intéressantes. Le travail qu’a réalisé Louis Chauvel sur le fossé entre les générations, aussi. C’est ce qu’on a appelé la « nouvelle critique sociale » : il s’agit-là de sciences sociales engagées qui touchent à de nouvelles problématiques sociales dont on parle peu, mais qui nourrissent véritablement la Gauche. Propos recueillis par sabine Beaucamp, Aurélien Ber thier, Jean Cor nil, Denis Dargent et Yanic samzun. sélection des questions : sabine Beaucamp et Jean Cor nil retrouvez l’intégr alité de l’inter view sur notre site www.agir par laculture.be



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