Véronique Vincent est coordinatrice à PAC Dinant-Philippeville. Elle travaille au plus près de l’éducation permanente depuis quelques années maintenant. Inventive et créative, proche de ses publics, Véronique développe des projets porteurs de sens que nous trouvions intéressants de partager avec nos lecteurs. Rencontre avec Véronique Vincent Commençons par situer géogr aphiquement et socio-politiquement par lant la région où Véronique tr availle. Quels en sont les par ticularismes, la car te sociale, les ressources locales ? Il faut savoir explique-t-elle que Couvin et Viroinval sont deux communes frontalières situées au Sud de l’Entre- Sambre et Meuse, dans l’arrondissement de Philippeville. Jusqu’à la crise économique des années 1970, la ville de 10 Véronique Vincent vivant en région rurale dans l’isolement et l’oubli. Les CPAS sont sur le point d’exploser, les gens s’y rendent préventivement, s’informent pour être prêts en cas de coup dur, un événement imprévisible qui surgirait un jour où l’autre. D’autres ont le profil tout tracé, ils allaient déjà mal, aujourd’hui, ils sont encore plus mal. L’ar t de la débrouille Si en milieu urbain, poursuit Christine Mahy, le SDF peut très bien être défini, le non-logement c’est la rue, le squat, les asiles de nuit, la soupe populaire, les restos du cœur etc. En milieu rural, le SDF se traduit par l’installation dans une caravane, une tente, les chalets de jardin ou très souvent la voiture, les gens vivent dans leur véhicule. Le plan initial de la Région wallonne qui permettait de se loger dans des campings résidentiels, visait une solution de dépannage, limitée dans le temps en attente de relogement sur le long terme. Aujourd’hui ce dispositif est devenu « durable ! ». D’autre part pour la majorité des jeunes, l’accès à l’emploi demande souvent d’être motorisé. Payer un logement et une voiture est presque impossible. Ils restent donc plus longtemps dépendants de la cellule parentale. L’emploi durable n’existe pas, quand il y a des contrats, ce sont des emplois à temps partiel obligatoire dans les grandes surfaces, les intérims, de surcroît mal rémunérés. Les demandes de logement dans les Agences immobilières sociales crèvent les plafonds (Trop de demandes pour peu d’offres malheureusement). Le principe de ces AIS est un bon système, il permet d’éviter la ghettoïsation d’une grosse majorité d’allocataires sociaux, qui au contraire sont ventilés au cœur des quartiers les plus divers. Les AIS en termes de loyer varient entre 200 et 400 € en fonction de la taille du logement, le nombre de chambres, l’accès aux services de proximité, la qualité énergétique, l’équipement etc. On remarque explique Christine Mahy que plus de 25% des locataires enregistrent un retard d’au moins un mois de loyer ces 2 dernières années, tant dans les sociétés de logements de services publics (SLSP) que dans les logements AIS. Septembre et décembre sont des mois difficiles mais juillet et août aussi … les familles doivent faire face à des dépenses extraordinaires pour offrir des activités aux enfants durant les vacances scolaires (plaines, stages, …) Octobre et novembre sont les périodes où il faut remplir les citernes à mazout et les mois d’hiver supposent aussi des dépenses médicales. Autre constat troublant, c’est un ensemble de services sociaux, voire de biens fondamentaux désormais assurés par le milieu de l’enseignement. Les écoles sont dévolues à d’autres missions que la pédagogie, elles pallient le besoin de nourrir et vêtir les enfants des familles en grande difficulté, de satisfaire les premières nécessités. Il y a des Nismes-Couvin : un défilé précaire mois où la question du renouvellement d’abonnement scolaire se pose, si les rentrées financières ne le permettent pas, l’enfant s’abstiendra d’aller à l’école pendant quelque temps. En Wallonie, 15% de la population vit endessous du seuil de pauvreté. Un autre indicateur d’appauvrissement des familles est le nombre croissant de maisons qui sont revendues, suite à un prêt hypothécaire auquel elles ne peuvent plus faire face. Aujourd’hui même une famille avec deux revenus moyens n’a plus de coussin de sécurité, elle vit sur un flux tendu continuellement, le moindre couac la ferait basculer dans le rouge. Ce que l’on remarque également depuis quelques temps, c’est le retour à l’autarcie, le retour à la terre, aux produits maison, au petit élevage, au potager, non pas dans un pur souci écologique, mais afin de réduire le coût alimentaire. Certains d’ailleurs cultivent pour la collectivité, ils vendent aux CPAS, qui revendent les denrées moins chères aux familles, aux personnes âgées. Les CPAS deviennent une sorte d’épicerie sociale. Contrairement au milieu urbain, une grosse différence s’affiche, celle d’un manque criant de maisons médicales, de complexes de soins. Ces dispositifs sont rares, l’accès aux soins de santé s’en ressent fortement. Autre problème pointé celui des gardes d’enfants en effet, les distances sont telles qu’elles constituent un véritable casse-tête pour les parents. Il faut alors recourir d’inventivité, d’imagination, construire des solutions de débrouille, des systèmes de solidarité avec les voisins, les amis etc. Quant à l’accès à la culture, autant dire qu’il est relégué aux fins fonds de leurs préoccupations. Même l’article 27 ne suffit plus à les ramener aux spectacles. Enfin, la pauvreté en milieu rural se traduit aussi par l’isolement qui conduit à l’enfermement de soi vis-à-vis de l’autre et à se réfugier dans la spirale de l’alcool. Plus d’infos : c.mahy@rwlp.be Couvin était un centre industriel important et réputé : raquettes Donnay, fonderies et poêleries (Effel, Nestor Martin, Saint-Roch, Sony,…), menuiseries. Ces entreprises étaient pourvoyeuses d’emplois qualifiés ou non et les ouvriers venaient de l’arrondissement de Philippeville, de même que de la France. Par ailleurs, l’école normale, qui préparait des instituteurs et institutrices offrait une formation supérieure « de proximité ». Le tissu industriel s’est amenuisé au fil des années et, de restructurations en fusions, le nombre de personnes employées s’en est trouvé réduit au strict minimum. Parallèlement, à ce détricotage, l’école normale a fermé et l’offre de formation supérieure a été supprimée, obligeant les étudiants à poursuivre leurs études au plus près à Charleroi ou Namur, ce qui représente bien entendu un coût important pour des familles aux revenus limités. Actuellement, le parc industriel du bureau économique de la province (Mariembourg) attire des PME qui, si elles fournissent quelques emplois, ne peuvent absorber le nombre de personnes au chômage ou en demande de travail (personnes bénéficiant du revenu d’intégration sociale, personnes « rayées » cohabitantes, travailleurs à temps partiel, etc.). C’est donc dans cet environnement que la locale « PAC des Eaux Vives » évolue. Ce groupe à projets se réunit régulièrement depuis 2006, autour d’un thème choisi. Cette année-là, il s’agissait de l’extrême-droite : la proximité des élections communales, la présence de personnes candidates réfugiées dans la commune favorisaient les discours racistes et créaient un certain malaise. Nous avons donc travaillé le sujet, il en est sorti une affiche et l’idée d’un énorme cachet que nous aurions voulu apposer sur les affiches des partis « non démocratiques ». Faute de temps, nous n’avons pu passer à cette phase d’action. De ces réflexions sur les facteurs que le groupe ressentait comme favorisant |