Action Armes & Tir n°128 mars 1990
Action Armes & Tir n°128 mars 1990
  • Prix facial : 32 F

  • Parution : n°128 de mars 1990

  • Périodicité : bimestriel

  • Editeur : Régi'Arm

  • Format : (205 x 279) mm

  • Nombre de pages : 72

  • Taille du fichier PDF : 75,5 Mo

  • Dans ce numéro : Las Vegas Shot Show 90.

  • Prix de vente (PDF) : 1 €

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D ans notre série d'interviews sur les grands champions, nous nous étions, involontairement, limitésaux pistoliers. Aujourd'hui, nous vous présentons un représentant du monde des carabiniers. Tous les carabiniers vont dire : « Enfin ! » et, du moins je l'espère, se précipiter sur cet article. Et tous les pistoliers vont consciencieusement sauter ces trois pages pour reprendre leur lecture plus loin. Là, ces pistoliers vont faire une erreur. Dominique Maquin est un tireur passionné. Il vous parle du tir et de la carabine comme d'autres vous parlent de course automobile. Avec lui, le tir est un monde en mouvement. Et les pistoliers peuvent aussi profiter de ses paroles. Action-Guns : Comment êtes-vous venu au tir ? Dominique Maquin : Ca m'est tombé dessus sans trop prévenir. Mon père m'a fait tirer pour voir à quoi çà ressemblait. J'ai aimé. En 76, j'ai participé sans savoir ce que c'était à une sélection pour l'équipe de France Junior. Et il est certain que j'aurais tiré beaucoup plus mal si j'avais su ce dont il s'agissait. Je suis rentré dans l'armée en 75, mon père était membre de l'équipe de tir. Il a été dans la présélection pour Mexico. Ca m'a certainement donné le virus. Mon père était pistolier et c'est sans doute, un peu, par esprit de contradiction que je suis devenu carabinier. En 77, je suis entré à l'équipe de tir de la Base Aérienne de Rochefort. J'ai de suite percé. Ce qui m'a ferté sérieusement, le déclic, ça a été le 200 mètres dans l'armée de l'air. J'ai fait les régionaux Air et j'ai fini 4e. Là, mon père m'a dit :'A mon époque, avec un point comme ça, le colon te prenait par la peàu du cul et t'emmenait boire le champagne au mess. » Puis, au national Air, j'ai fait premier. Puis les interarmées, et là, l'équipe de l'E.I.S. n'y était pas. Mon père m'a dit que c'était la seule fois où je pourrais gagner. J'ai gagné, avec le record de l'armée de l'air à un malheureux 540 et des brouettes. Je suis entré en 78 à l'E.I.S., et j'ai gagné l'interarmée, avec, cette fois-ci, tout le monde présent. En 79, J'ai participé aux Championnats du Monde civils d'arbalète. En 81, j'ai fait deuxième par équipe aux Championnats du Monde 10m, contre les Allemands. Et surtout mon premier titre individuel de vice-champion d'Europe à 10 mètres, en Bulgarie, en 85. Là, j'avais vraiment l'impression que j'y étais arrivé tout seul. Quand je suis arrivé ici, il y avait un gars qui s'appelait Yves Prouzet et qui, pour moi, a toujours été l'idole. Un grand Monsieur, il a été Champion du Monde militaire à 576, en 76, à Fort Benning. ACTION GUNS N'128 Et je me disais : « si un jour je pouvais tirer comme lui ! » Sans même penser à faire mieux que lui. Je me suis rapidement trouvé à tirer à son niveau. Je l'ai dépassé. Le plus beau titre que j'ai eu est quand même le dernier. Celui de double Champion du Monde militaire, au Chili, en 1989. J'ai réussi à gagner la vitesse militaire, à 562, et la précision, à 583, en laissant le second à 577. Je désire d'ailleurs dédier ce double titre de Champion du Monde militaire à Yves Prouzet qui a été ma locomotive et qui m'a beaucoup apporté. Au niveau civil, j'ai eu tous les records de France à la carabine. Et mon rayon, c'est vraiment le 300 mètres. Là, il n'y a qu'un record qui ne m'appartienne pas. A.-G. : Justement, le 300 mètres, comment ça se passe ? D.-M. : Tout bêtement comme le 50 mètres. Il y a un match anglais, un 3X20 et un 3X40. Pour le 3X20, le record de France est à 584. Record du Monde à 587. Pour le 3X40, au Grand prix de Suisse à 300 mètres, le seul vrai Championnat du Monde, avec tous les meilleurs du Monde. Après onze ans de tir, j'y ai établi le record de France, record du Monde et meilleure performance mondiale à 1174, et ça n'a pas pu être homologué. Mais je sais que je l'ai fait et c'est le principal. Et jusque là, il n'y a que deux autres qui l'ont fait. Et ce jour là, j'ai battu Monsieur Malcolm Cooper. Les conditions de tir étaient dégueulasses : vent et pluie. Et, ce jour là, Malcolm Cooper m'a appelé « Boss » en montant sur le podium. Ce mec est le dieu du 300 mètres, et, ce jour là, je l'ai battu. Le 300 mètres est comme le 50 mètres, mais là, les conditions météo sont primordiales. Elles sanctionnent tout. Enfin, depuis quelques années, je rapporte une médaille, au moins, à chacune de mes sorties. A.-G. : Vous êtes arbalétrier, c'est jusque là un sport méconnu. Comment avez-vous commencé à le pratiquer ? D.-M. : J'ai commencé le tir en 76. Si on part du principe qu'il faut 4 ans pour former un tireur au niveau national et environ 10 ans pour l'international. Je suis arrivé ici, à l'E.I.S., en 78. En 79, mes premiers Championnats d'/Europe et du Monde, à Linz en Autriche. Mais, comme je n'étais pas bon à l'époque, je n'ai rien fait. A l'arbalète je n'ai pas rapporté grand chose, ça n'a pas été mon jardin. Si, à part une cinquième place, debout, je n'ai rapporté que des places par équipes. Et les places par équipe, ça n'a pas vraiment de valeur pour le tireur. L'arbalète est un truc ultra-précis, mais comme ici, à l'E.I.S., on doit faire pas mal de choses et qu'on est censé le faire bien, j'ai dû laisser tomber l'arbalète de 81 jusqu'à 87. Depuis 2 ans je m'y suis remis avec môn épouse qui est une arbalétrière de haut niveau. Jusqu'à maintenant à 10 mètres et je compte reprendre le 30 mètres cette année. Je me situe actuellement au niveau du Championnat de France, mais sans grande prétention. A.-G. : Et l'interaction carabinearbalète, ça se passe comment ? D.-M. : Dans le sens arbalète-carabine. L'arbalète demande beaucoup plus de travail que la carabine. Ca tient au projectile. Le trait a une trajectoire courbe, en cloche. Alors que le plombest gyrostabilisé et a une flèche plus plate. Une erreur de dévers en carabine, ça sort pas trop du dix. La même erreur en arbalète, ça vous envoie dans les choux. Une erreur de devers ou de lâcher en arbalète, ça vous envoie joyeusement au 7. L'arbalète est hyper pointue au niveau précision pure et toute l'expérience acquise profite pour les autres armes. La France se tient bien dans cette discipline. Nous avons ici le Champion du Monde. Et comme on peut espérer voir cette discipline figurer aux J.O. de l'an 2000, au même titre que la vitesse 4,5, avec des armes comme le dernier Feinwerkbau à 5 coups. Ce sont les disciplines de l'avenir, elles sont peu gourmandes en place, ne font pàs de bruit, la distance dangereuse de tir est minime et l'inertie des prôjectiles est faible. On peut installer un stand dans un stade. Et surtout, c'est télégénique. On pourrait peut-être voir un jour les gens regarder ça à la place de Roland- Garros. Mais l'arbalète est encore un sport cher : 5000 F pour une arbalète 10 mètres et 8000 F pour une trente mètres. Mais on peut toujours se débrouiller avec des armes de prêt ou de location. Encore que, quand on est gaucher, toutes les armes de compétition atteignent des prix inabordables. Gaucher, la tare fondamentale. Ca emmerde tout le monde, comme au tennis. A.-G. : Tiens donc ? Les gauchers, même au tir, ça gêne 7 D.-M. : Mais oui Imaginez ce qui se passe dans la tête du gars qui tire face à moi : « Mince, il est gaucher ! Je vais devoir le regerder durant tout le match, en plus il est moche, il est barbu ! » C'est parfois très utile. Et, sans entrer dans les comportements anti-sportifs, j'en use quand je suis face à, un Allemand. Il existe une très grande rivalité entre les équipes françaises et allemandes en armes d'épaule. Et comme à mon premier Championnat du Monde à 10 mètres, je me suis fait étaler par les Allemands, après réclamations, nous avons perdu le titre. Si on veut être vache, un gaucher peut pas mal emmer- 55
der un droitier. A.-G. : La carabine, ça fait beaucoup voyager ? D.-M. : Oui. Comme dit l'autre : ça déforme les valises. En effet, ça fait pas mal voyager, et c'est compréhensible quand on sait quelle est la petite part qu'on fait, en France, pour le 300 mètres. Il n'y a que trois stands en France et la Suisse, cas particulier dans ce domaine, comporte trois mille stands fédéraux. Toujours est-il que le carabinier voyage avec beaucoup de matériel. Je pèse 70 kg et je porte 70 kg de matériel. Et, quand une équipe de natation voyage avec seulement ses maillots et ses serviettes, une équipe de tir, c'est : des armes, des munitions, avec des problèmes douaniers, des tenues volumineuses... C'est le foutoir. On est toujours en excédent de bagages. C'est un boulot phénoménal. A.-G. : Comment êtes vous sorti de la masse pour entrer à l'E.I.S ? D.-M. : En 78, le Capitaine Wack, qui dirigeait alors la section tir de l'E.I.S, m'a fait venir, après que j'aies fait mon premier podium en Championnat de France. Tout m'est vraiment tombé dessus sans que je sache vraiment pour quoi. J'étais encore junior, et comme tout le monde, j'ai stagné pendant mon passage en sénior. Ce n'est qu'en 85 que je n'ai vraiment repris le dessus. J'ai maintenant quinze ans de tir, quinze ans d'armée et onze ans d'E.I.S. Et je viens d'arriver au sommet des Championnats militaires, j'ai gagné sur ma dernière passe à genoux, en assurant un barrage d'enfer. A.-G. : On sent que vous êtes passionné par la carabine. D.-M. : En effet. Sinon, je ne tirerais pas. Mais je comprends votre réaction. L'apparence extérieure du carabinier est XXIX CAMPLONATO MUNDIAL DL'I t MI LIT 11i. parfois bizarre. On se dit que ces gars la ne boivent pas, ne fument pas et se dipensent aussi du reste. Mais les carabiniers savent s'éclater, mais après les épreuves. Nous avons besoin de toute notre concentration pour le jour du match. A.-G. : Et le trac ? D.-M. : La peur n'engendre que des effets bénéfiques si on ne se laisse pas submerger, mais aussi si, on ne la contre pas. Bon qu'est ce qui se passe, la poussée d'adrénaline. A part l'augmentation du rythme cardiaque, qui a un peu tendance à nous gêner, tout le reste est bon. Hyperventilation, augmentation de la pression systolique : le coeur pulse plus, charrie un sang plus riche en oxygène, apporte un surcroît d'énergie aux cellules et déblaie leurs déchets plus vite. Vasodilatation, ça aussi c'est bon ; augmentation du taux de coagulation, ça on s'en fout. Diminution du temps de réaction. Le mec réagit plus vite, se rend beaucoup plus vite compte s'il fait une erreur, s'il est décentré ou pas. Augmentation du seuil de vigilance, augmentation des échanges atmosphériques, dilatation pupillaire, apport immédiat de réserve. Que demander de mieux. Mais c'est normal, le gars arrive sur un match, dans des conditions, un lieu auquel il n'est pas habitué : réaction d'autodéfense classique : « qu'est ce qui va me tomber sur la gueule ? » Celui qui ne sait pas gérer ça va chercher à contrer la peur et va cafouiller. La peur c'est pas monstrueux, il faut faire avec. Le gars qui n'a pas peur, va lâcher son plombà côté sans s'en rendre compte. La peur amplifie nos erreurs : je me vois hyper largué hors de la mouche, je rectifie automatiquement et je tire quand c'est bon. A notre niveau, nous avons assimilé les sensations internes du tir correct, la peur amplifie nos sensations, et la correction se fait sans passer par nos centres conscients. Je me vois très à droite, alors que je ne le suis que peu, j'ai rattrappé avant de m'en apercevoir. J'ai lâché le coup, mon annonce est pessimiste, à droite, mais je suis plein centre. Mon organisme a court-cicuité la prise de conscience. Egalement, par rapport au débutant : dans sa tête, il énonce tous les points importants : position, prise de visée, lâcher du coup, et, après avoir tout vérifié, il tire. Et c'est trop tard : entre temps, la position n'est plus parfaite. Alors que moi, je prends ma position et je me laisse bouger. Je bouge, peu, mais je bouge quand même. Tout à coup, dans le mouvement, j'ai la position parfaite. Mon oeil transmet à mon cerveau : « Waow ! Le truc génial, j'ai déjà l'image », et, avant même que je n'ai analysé la situation, j'ai déjà tiré, avant que la situation ne soit plus parfaite. Nous avons des'images dans notre subconscient, genre : la visée parfaite ou la position, et cette image est le déclencheur réel, qui court-circuite la réflexion. Sur une bonne balle, il faut garder en mémoire tout ce qui en a fait une bonne balle. Sur une mauvaise, il faut éliminer tout ce qui est mauvais et ne retenir que les bons éléments. A.-G. : Vous entraînez-vous de cette façon ? D.-M. : Pas vraiment, sauf pour l'entraînement compétition. Sinon c'est plutôt analytique : pendant tant de jours, on va travailler le lâcher, parce que je sais que le lâcher est le point faible à ce moment. Quand le lâcher est bon, on travaille autre chose. Jusqu'à ce que tout soit parfait. A.-G. : Et le tir parfait, c'est quoi ? D.-M. : Le tir parfait, c'est l'immobilité totale, la photo. Par moments, on y arrive, le tireur reste absolument immobile pendant une seconde complète. Je vois le plombrentrer dans le mille. C'est le temps qui s'arrête. J'envoie la cible, je la regarde méchamment, parce que je vais lui en mettre plein la tête. Et je vois le plombdécouper le carton. Je n'ai même pas à ramener le carton, je sais que c'est centré. Pour moi, le tir parfait, c'est la maîtrise complète de tout mon tir, ne pas être mis devant le fait accompli. A.-G. : Et la différence entre carabine et pistolet ? D.-M. : Je ne suis pas réfractaire au pistolet, d'ailleurs, si je devais me reconvertir, je choisirais une discipline pistolet qui bouge un peu. Peut-être le parcours de tir... Je dis qu'il faut tout essayer avant de porter une critique. Il n'y a pas vraiment de différence entre le pistolet et la carabine. Les éléments importants sont toujours : prise de position, prise de visée, respiration, lâcher du coup. Bon, effectivement, le carabinier a plus de sensations avec la détente. Elles sont plus fines. Mais les bases, les principes et les erreurs sont les mêmes. Le carabinier se débrouillera correctement beaucoup plus vite au pistolet que l'inverse. La carabine 10. mètres est un bon début pour tout, que l'on passe au pistolet après ou que l'on reste à la carabine. Mais si l'on me demande de changer d'univers, je prendrai quelque chose de plus mouvant, de radicalement différent. A.-G. : C'est étonnant. D'habitude les carabiniers sont irréductibles. D.-M. : C'est vrai, le carabinier c'est l'ermite. A peu de spécimens près, ils fument pas, ils boivent pas, ils draguent 56 ACTION OMS N. 128



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