34 àParis portrait La carte de la deuxième chance Danielle Huèges dirige « Le cœur des haltes ». Destinée à l’accueil, à la socialisation et au retour à l’emploi des plus démunis, son association reçoit entre 800 et 900 personnes par jour. Danielle Huèges se bat pour un accueil inconditionnel des personnes en difficulté. Elle a le visage avenant et le sourire espiègle des grands-mères attendries, avec une inébranlable sérénité dans le regard… Et pourtant, Danielle Huèges revient de loin. D’un temps immobile entre quatre murs, derrière des barreaux. C’était l’époque où elle laissa, d’escroqueries en escroqueries, de peines en peines, quatorze ans de sa vie en prison. Profondément meurtrie, enfant, par le divorce de ses parents, elle manifesta son chagrin par des fugues à répétition. Loin de sa ville natale, Marmande, les mauvaises rencontres ont vite fait de l’enfoncer dans un monde parallèle où les hors-laloi dictent les règles. C’est peu de dire qu’aujourd’hui ce temps est révolu. Sans rien oublier de son passé de délinquance, Danielle a bâti son nouvel élan sur une prise de conscience brutale survenue une nuit de détresse dans sa cellule de la prison de Fresnes, en août 1989. « Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus de recul pour regarder mon passé, confie-t-elle de sa voix douce. J’ai réalisé que la rencontre que je croyais avoir faite cette nuit-là avec un autre être, n’avait eu lieu qu’avec moi-même. » Face à face avec sa vie et ce qu’elle allait en faire, elle a choisi de la vouer aux autres pour mieux la réussir. Une main tendue aux exclus En prenant ce virage salutaire, Danielle croyait que le monde de l’extérieur avait changé en même temps qu’elle. A sa sortie de prison, c’est la désillusion. « Avec mon diplôme de droit international des affaires obtenu en prison, je croyais que ma vie serait facile dehors mais, très vite, je me suis heurtée aux premiers obstacles. » Des épreuves dont le souvenir a beaucoup servi à l’association que Danielle fonde en 1995 autour de la notion de « premier accueil ». « Avant de repartir, les personnes démunies ou exclues doivent réapprendre à marcher, poser leur paquet de vie et faire le ménage. » D’où l’idée de la halte et le nom de l’association, « Le cœur des haltes ». Une association composée de huit structures qui tentent de répondre aux besoins des plus démunis : équipes chargées d’aller à la rencontre des personnes sans domicile, lieux d’accueil pour des hommes et des femmes en grande précarité, pour des jeunes marginalisés, espaces de socialisation et de retour à l’emploi. « Ma halte à moi s’est faite auprès de Mona Chasserio peu après ma sortie de prison. Elle venait de fonder une maison pour les femmes en grande détresse où chacune avait sa place. » Danielle aide alors Mona à fonder l’association « Cœur de femmes » et glisse peu à peu, « sans s’en rendre compte », vers un engagement total au service des autres. « Aux côtés de Mona puis dans le cadre des Haltes, j’ai compris l’importance d’un accueil inconditionnel des personnes en difficulté, loin de toute classification de sexe, d’âge ou de parcours. Il faut les sortir de leurs particularités pour leur redonner une chance. » Tellement simple et pourtant si difficile à entendre par certains, le message de Danielle Huèges tient en une maxime généreuse et humaniste : chacun a droit à une seconde chance. Et elle sait de quoi elle parle…• >Le cœur des haltes, 22, rue Paul- Belmondo, 12e, tél. 01 55 78 84 50. àParis janvier-février-mars 2005