II àParis Paris, août 1944. Depuis le débarquement des armées alliées en Normandie, il y a deux mois, la ferveur des Parisiens monte. La population espère une libération proche. Pourtant, l’option militaire choisie par les Alliés est d’éviter Paris considérant que la capitale ne représente pas un objectif stratégique. Les troupes anglo-américaines ont donc prévu de contourner la ville par le nord vers Mantes, et par le sud, aux abords de Melun. De son côté, le comité parisien de Libération (CPL), qui multiplie depuis juillet les appels aux manifestations patriotiques, s’organise pour déclencher une insurrection populaire. Le 10 août des grèves commencent à paralyser l’agglomération. La première est celle des cheminots : des rails sont déboulonnés, des locomotives bloquées, tous les réseaux sont touchés. Le mouvement s’étend aux postiers et aux gendarmes. Le 15 août, c’est au tour de la police parisienne. Peu à peu, à travers ces grèves à caractère insurrectionnel, les conditions d’un véritable soulèvement sont réunies. L’insurrection Le 18 août, le colonel Henri Rol-Tanguy, chef des Forces françaises de l’intérieur (FFI) d’Ile-de-France, fait afficher sur les murs de Paris l’ordre de mobilisation générale en accord avec les organes dirigeants de la Résistance. Ordre est donné à tous les Parisiens de rejoindre les FFI et « d’attaquer l’ennemi partout où il se trouvera ». Le 19 août est le jour J de l’insurrection. Vers 7 heures du matin, plus de 2000gardiens de la paix occupent la préfecture de police. Le préfet Bussière est arrêté et Charles Luizet, premier préfet de la Corse libérée, le remplace. D’autres opérations accompagnent cette initiative. Les comités locaux de Libération occupent à leur tour les mairies d’arrondissement tandis que les ministères, les commissariats, les bureaux de poste, l’Elysée tombent aux mains des résistants. Des combats acharnés se multiplient entre les forces françaises et allemandes. Au cours de la journée, les milices patriotiques s’emparent des Halles et de la poste centrale de la rue du Louvre et les FFI passent à l’attaque dans les 1 er, 11e, 13 e et 19 e arrondissements ainsi qu’à Saint-Denis, Neuilly, Vitry et Aubervilliers. Des résistants, aux brassards A partir du 22 août, sous l’impulsion du colonel Rol-Tanguy, les Parisiens dressent des barricades, comme ici à l’angle de la rue Saint-Placide et de la rue de Rennes (6 e). FFI bien visibles, patrouillent désormais dans les rues, armés de pistolets, de fusils ou de mitraillettes. Le 20 août à l’aube, une poignée d’hommes, menée par Léo Hamon du mouvement « Ceux de la Résistance », s’empare de l’Hôtel de Ville. Ils prennent possession de la maison commune au nom du gouvernement provisoire de la République française (GPRF) et pour le compte du comité parisien de Libération (CPL). Mais les insurgés commencent à manquer d’armes et de munitions. Une trêve est conclue à l’initiative du consul de Suède, Raoul Nordling auprès du général von Choltitz (nommé le 17 août par Hitler pour sa fidélité), commandant en chef du Gross Paris (Grand Paris). Les barricades La trêve est peu respectée de part et d’autre. De plus, elle suscite de violents débats au sein de la Résistance entre partisans et adversaires de cette suspension d’armes. Finalement, le 22 août, la trêve est rompue sur décision du comité parisien de Libération (CPL) et le colonel Rol-Tanguy relance l’insurrection : « Tous aux barricades ! » L’appel est entendu. En quelques heures, les Parisiens, hommes, femmes et enfants, s’affairent à rassembler sacs de sable, matelas, lits, baignoires, grilles et pavés. Près de 600 barricades de fortune sont édifiées dans Paris pour bloquer la circulation des chars allemands et paralyser les voies de communication de l’ennemi. Parmi les insurgés, Madeleine Riffaud. Arrêtée en juillet 1944 après avoir tué un officier nazi, puis torturée sans avoir parlé, elle est condamnée à mort. Libérée avant l’insurrection avec 3000 autres prisonniers politiques, grâce à l’intervention du consul de Suède, cette jeune résistante de 20 ans, rejoint son groupe de combat dans le 19 e arrondissement. « Nous tenions les barricades avec les gens de la rue qui s’étaient joints à nous, se souvient-elle aujourd’hui. La joie se reflétait dans le visage des uns et des autres. Il y avait une fraternité extraordinaire. La population venait se mettre à notre disposition et les femmes du quartier nous apportaient des brocs de café d’orge et de quoi manger. On àParis Le magazine d’information de la Ville de Paris juillet- août 2004 |