W4 27-29 novembre 2015 Légende Tom Hardy dans la peau des frères Kray Dans Légende de Brian Helgeland, Tom Hardy incarne les frères Kray, deux gangsters qui ont semé la terreur à Londres dans les années 1950 et 1960. – Isabelle Hontebeyrie, Agence QMI Mais ce n’est pas du tout ce qui était prévu au départ ! Dans le Londres des années 1960, Ronald et Reginald Kray sont des criminels célèbres. Les jumeaux, qui frayent avec Frank Sinatra ou Judy Garland, font aussi dans la magouille, les braquages et les meurtres. Fantôme qui hante cette histoire Pour présenter les deux gangsters, le cinéaste a effectué un choix inhabituel, celui de faire raconter l’histoire d’outre-tombe par Frances Shea (Emily Browning), femme de Reggie qui s’est suicidée en 1967, qu’il a qualifiée de « fantôme qui hante cette histoire ». De plus, ainsi qu’il l’a souligné : « le fait qu’il s’agisse de personnes ayant existé, couplé au fait que ce qu’ils ont fait semble incroyable m’a intéressé. » Avant de commencer à écrire le scénario, il a lu ce qui avait été écrit sur les frères Kray, sans se limiter à la lecture afin de s’imprégner de leur vie. En double… Si le choix d’un même acteur – en l’occurrence Tom Hardy – pour incarner des jumeaux peut sembler, aujourd’hui, évident, ce n’est pas du tout ce que Brian Helgeland avait l’intention de faire au début du projet. « Je ne connaissais pas Tom, mais je l’avais vu dans un film appelé Guerrier (2011). Le personnage qu’il y incarne est beaucoup moins subtil que Reggie, mais j’ai immédiatement trouvé qu’il avait des points communs avec lui. J’ai donc envoyé le scénario à Tom, pensant que Reggie allait être le personnage principal du film et qu’il fallait donc que je commence par attribuer ce rôle. » Reggie et Ronnie « Nous avons soupé ensemble, et il est devenu évident que Tom était attiré par Ronnie [ndrl : le second frère], alors que je souhaitais qu’il soit Reggie. Nous avons dansé autour du sujet pendant tout le repas et, à la fin, Tom m’a dit qu’il me donnait Reggie si je lui donnais Ronnie. Et c’est ainsi que tout s’est décidé et que nous avons commencé à nous concentrer sur la manière d’éviter que ce double rôle ne prenne des allures de caricature. » Ronnie étant un psychopathe, c’est tout naturellement ce personnage qui a tout d’abord fasciné Tom Hardy. « Pour être tout à fait honnête, je voulais les jouer tous les deux, je ne pouvais pas voir l’un sans l’autre. En lisant le scénario, je les ai tout de suite vus comme indissociables. » « Mais si j’avais dû n’en choisir qu’un seul, alors ça aurait été Ronnie. Le personnage est beaucoup plus coloré. En fait, il a toutes les caractéristiques d’un personnage de bouffon, tout en donnant la possibilité de l’ancrer dans un réalisme intense. Il est comme un clown tragique », a détaillé l’acteur. Les deux frères sont physiquement différents et Tom Hardy a débuté sa transformation 10 semaines avant le début du tournage de Légende. Différencier « Il fallait que le public puisse différencier les jumeaux, donc certains éléments passent par les costumes, le maquillage, etc. De plus, Ronnie était plus enrobé que Reggie, nous avons donc décidé que j’allais prendre du poids d’autant, qu’en vieillissant, il est devenu plus gros, son visage était plus bouffi. » Mais, pour des raisons de contraintes budgétaires, Tom Pas facile de montrer la démence d’une personne âgée de manière légère et fine. C’est pourtant le tour de force que réussit le réalisateur et coscénariste Philippe Le Guay dans cette adaptation de la pièce de théâtre Le père de Florian Zeller. Claude Lherminier (Jean Rochefort, magistral) a 80 ans. Comme bon nombre de personnes de son âge, il a quelques petits ennuis de santé. Il a des trous de mémoire fréquents, des souvenirs Hardy n’a pas tourné ses deux rôles l’un à la suite de l’autre, mais simultanément ! « Reggie avait des dents de travers. Pour Ronnie, nous avons changé son visage avec les maquilleuses. Pour les costumes de Ronnie, ils possédaient tous deux couches de tissu afin de le faire paraître plus large que son frère. Les chaussures avaient des semelles compensées pour qu’il soit plus grand. » Aspect pratique Quant à embrouillés des dates, des événements et des gens qui l’entourent. Bref, il n’est plus tout à fait autonome, et c’est pourquoi Madame Forgeat (Edith Le Merdy) s’occupe des tâches ménagères et l’aide à effectuer certains gestes de la vie quotidienne. Lubies floridiennes Claude possède également des lubies – il est obsédé par la Floride – au point d’en devenir désagréable avec son entourage. Exit donc Madame Forgeat à laquelle sa fille Carole (Sandrine Kiberlain) trouve une remplaçante en la personne d’Ivona (Anamaria Marinca). » Pour l’aspect pratique du tournage, Brian Helgeland a précisé qu’il commençait « avec le personnage qui menait la scène et, généralement, c’était Reggie donc nous débutions avec lui », plutôt que de faire faire la navette entre les deux frères à Tom Hardy. « Mais nous répétions chaque Floride Jean Rochefort, magistral être tout à fait honnête, je voulais les jouer tous les deux, je ne pouvais pas voir l’un sans l’autre. En lisant le scénario, je les ai tout de suite vus comme indissociables – Tom Hardy Peu à peu, la démence de Claude devient envahissante au point que Carole et son amoureux Thomas (Laurent Lucas) songent à le placer dans une maison spécialisée. Humour et légèreté Comme je le disais au début, le sujet de la vieillesse et de la sénilité n’est pas facile à aborder. Heureusement, le scénario mise sur l’humour et la légèreté, plutôt que de s’appesantir sur toute l’horreur de la situation montrée. Autre prouesse des scénaristes, celle d’avoir brouillé la réalité avec les scène avant de la tourner, et Tom enregistrait les répliques de Ronnie afin de se les passer pour qu’il puisse s’entendre interagir avec Reggie pendant qu’il l’interprétait. Je crois que le plus dur pour Tom a été de ne pas avoir d’acteur avec qui jouer, même s’il y avait une doublure qui tenait le rôle de l’autre jumeau », a également précisé le metteur en scène. Légende arrive dans les salles obscures dès le 4 décembre perceptions de Claude. Cela donne un film qui, non seulement semble ne pas être linéaire, mais parvient à donner au spectateur une idée de ce que peut ressentir une personne atteinte de démence. Sans jamais se résoudre à utiliser les clichés habituels, Philippe Le Guay – aidé par Jean Rochefort et Sandrine Kiberlain, livrant tous deux un jeu impeccable et parfaitement nuancé – nous donne, avec Floride, un long métrage particulièrement émouvant et magnifiquement humain. À voir. 4/5 – Isabelle Hontebeyrie, Agence QM PHOTOS COURTOISIE |