12 INTERVIEW DANIEL FONTANA UN SUPPLÉMENT THÉMATIQUE DE SMARTMEDIA Daniel Fontana « En Suisse on apeur du succès, peur de le rechercher ouvertement » Daniel Fontana, pourriezvous vous présenter en quelquesmots ? Je suis quelqu’un qui aime la musique, l’humour et les gens, tout simplement. D’ailleurs, je ne me prends pas au sérieux. En qualité d’être humain, je fais de mon mieux pour accueillir le public de façon optimale et éviter la jalousie, typique du milieu de la musique.En tant que programmateur,jeconçois que les habitudes, la technologie et les goûts évoluent au fil dutemps, alors je m’adapte. Dans ce métier,jecrois qu’il faut être capable de capter la sensibilité des gens. R&B, Pop, Rock, etc. : En matièredemusique,le monde aime lesétiquettes. Comment définiriez-vous la musique dite « alternative » ? Pour moi, la musique alternative sedéfinit avant tout par sa profondeur.C’est un son travaillé qui demande aux gens de chercher,détecter et comprendre les messages cachés ou la position politique d’un artiste.Elle demande aussi une écoute soutenue,au-delà de la façade et d’un refrain entraînant qui nous ferait dire « Ah,çac’est un super groupe ! ». La musique alternative appelle àune certaine patience et c’est une question de philosophie,plutôt que de style musical. D’ailleurs la folk, le rap, le punk et tous les genres ont leur facette alternative ! C’est aussi de la musique qui fait un peu mal, parfois. En bref,selon moi, ce courant rassemble les gens disposés àaller au fond des choses, les gens qui veulent transcender les clichés. Cela signifie aussi que la musique alternative n’est pas forcément faite pour tout le monde. Justement, àquoi devrait s’attendrequelqu’unqui se rend àson premier concert de musique alternative ? Le plus important est la rencontre, l’envie de découvrir etd’apprendre une « nouvelle langue ». Et puis venir àunconcert de musique alternative, c’est découvrir qu’on Niché au cœur de la campagne fribourgeoise, unpetit diamant de festival s’est taillé une renommée internationale : le Bad BonnKilbi Festival, écrin singinois des musiques alternatives. D’une rare et authentique humilité, leco-fondateur et programmateur Daniel Fontana livre ses pensées franches sur la scène musicale alternative etles talents de Suisse. est tous égaux, finalement. Le fait qu’on aime ou pas ce qu’onécoute n’est même pas la question. L’essentiel est dans cette ambiance si particulière créée par les artistes, l’énergie qui circule entre eux et le public. Je crois que,lorsqu’onserend àunconcert demusique alternative, il faut tout simplement faire confiance. Et selon vous, quelle estlagrande plus-value d’un festival par rapportàunconcertstandard ? Le festival permet de jouer avec les styles de musique et casser des barrières entre ces deux mondes. Le spectateur profite de plusieurs univers, de l’artiste émergent qui nous bouleverse en première partie Interview Natacha Mbangila Photo Adrian Moser de soirée,àla tête d’affiche qui joue à23heures. Mais ce concept de « tête d’affiche » ne me plaît pas beaucoup : c’est surtout la magie de l’instant qui compte. Normalement, le montant du cachet détermine l’heure depassage des artistes : plus le cachet est gros, plus on joue tard. Mais, pour ma part, en tant que programmeur,jefonctionne plutôt au feeling.La plus-value,c’est également l’atmosphère et la dramaturgie propre àunfestival où les artistes, eux aussi, ont l’occasion de faire partie du public ! Encore une fois, cela permet des rencontres inédites. Parlons desartistes : la Suisse regorge de talents FOCUS.SWISS qui semblent avoir du mal às’exporter.Pourquoi ? Avant toute chose,cen’est pas une question dequalité : nous avons desuper musiciens et musiciennes ! Certains talents suisses parviennent às’exporter mais, même dans ces cas-là, ils sont surtout bons auprès des publics de niche. Et puis, je crois qu’enSuisse on apeur du succès, peur de le rechercher ouvertement. Il yacomme une culpabilité autour de la réussite alors que,dans d’autres pays,on la célèbre allègrement. Ailleurs, les gens sont fiers lorsque l’un des leurs réussit alors qu’ici, on dira plutôt « Celui-là ne cherche pas la gloire etletapis rouge : c’est louable ! ». Je le vois aussi aux réponses timides que donnent certains artistes lorsqu’ons’intéresse àeux : « Moi je fais de la musique expérimentale », avouentils du bout des lèvres et en baissant la tête.Toutefois, c’est aussi possible que la jalousie engendre unpeu de fausse modestie... En définitive, je crois qu’il faut oser.Sionaune grande présence scénique,sionadore faire leshow, il faut tout simplement foncer et faire lastar ! Dans la musique alternative, j’aime aussi les personnalités qui ne se prennent pas pour n’importe qui, en bref,les vraies Divas. Ça fait partie du spectacle. Si j’étais une chanson je serais... une chanson d’amour comme Je t’aime,deBirkin et Gainsbourg. Le compliment qui m’afait le plus plaisir c’est... « Grâce àtoi, j’ai retrouvéfoi en la musique », venant d’un artiste. L’objet dont je ne peux pas me passerpendant 24hc’est… mon téléphone. Ce qui m’ennuie le plus c’est… la routine ! Le monde abesoin de plus… d’écoute. |