10 MERCREDI 25 JANVIER 2023 Une (belle) histoire de famille Caroline Vié Alain Ughetto rend hommage à sa famille dans Interdit aux chiens et aux Italiens, réalisé en stop motion (animation image par image), doublement récompensé au festival d’Annecy. C’est une plongée au début du xx e siècle, dans le nord de l’Italie, pour faire découvrir comment les siens ont survécu à la misère. « J’ai mis neuf ans à monter le projet, explique le réalisateur à 20 Minutes. L’idée m’est venue quand j’ai découvert que tout ce qu’avait fait ma famille avait disparu du village d’Ughettera, dont nous sommes originaires. » Alain Ughetto raconte la vie pauvre, mais heureuse, de ses grandsparents et de ses parents, venus s’installer en France dans l’espoir de bénéficier d’une meilleure vie. Avec pudeur et tendresse, il donne l’impression au spectateur de faire partie de leur environnement chaleureux. « En faisant entendre la voix des miens, c’est à tous les migrants que je donne la parole, précise-t-il. Mon film est CULTURE Deux partitions sans fausse note dans les salles Heureux hasard du calendrier. « Divertimento », de la Française Marie-Castille Mention-Schaar, et « Tár », de l’Américain Todd Field, tous deux au cinéma ce mercredi, traitent d’un sujet peu porté à l’écran jusqu’à présent, celui des femmes cheffes d’orchestre C’est une belle histoire que raconte Marie-Castille Mention- Schaar dans Divertimento  : comment Zahia Ziouani est parvenue à embrasser une brillante carrière de cheffe d’orchestre tandis que sa sœur jumelle, Fettouma, jouée par Lina El Arabi, devenait une violoncelliste réputée. « Être l’héroïne d’un biopic est une expérience étonnante, confie Zahia Ziouani à 20 Minutes. Et être incarnée par Oulaya Amamra est encore plus merveilleux. » « Elle a travaillé comme une brute » La comédienne, révélée dans Divines et vue récemment dans Fumer fait tousser, et la cheffe d’orchestre ont travaillé en binôme pour que l’évolution de la jeune femme soit crédible. Et cela fonctionne parfaitement. « C’est un métier très physique, reconnaît Oulaya Amamra. Je ne savais pas lire la musique, mais j’ai appris à mettre toute l’énergie nécessaire pour diriger l’orchestre, même si c’était impressionnant d’avoir tous ces musiciens devant moi. » Sa performance Oulaya Amamra (à g.) et Zahia Ziouani. G. Ferrandis/Le Pacte emporte le film, qui est aussi plaisant à regarder qu’à écouter. « Elle a travaillé comme une brute pour apprendre les morceaux. Les musiciens finissaient par oublier qu’Oulaya n’était pas réellement cheffe d’orchestre », s’amuse Zahia Ziouani. Le talent de la comédienne permet d’appréhender comment une jeune femme de Pantin (Seine-Saint-Denis) s’est battue jusqu’à parvenir à créer l’orchestre Divertimento, qui rend la musique classique accessible au plus grand nombre. « Le film montre que tout le monde peut apprécier la grande musique, et que des jeunes issus de la diversité peuvent réussir dans ces professions, comme je l’ai fait moi-même, insiste Zahia Ziouani. C’est ce pour quoi je me bats depuis mon plus jeune âge, et Marie-Castille Mention-Schaar passe bien le message. » On apprend beaucoup sur le métier de cheffe d’orchestre dans ce biopic qui prône l’idée qu’on peut réussir à condition de s’accrocher. Cet optimisme contribue au plaisir que provoque ce divertissement réussi. Caroline Vié Elle est magistrale. On ne voit pas d’autre adjectif pour qualifier la prestation de Cate Blanchett dans Tár, de Todd Field. Un avis partagé par le jury de la Mostra de Venise et les votants des Golden Globes, qui l’ont sacrée meilleur actrice. La comédienne impressionne en cheffe d’orchestre autoritaire, qui va être emportée dans une spirale terrifiante, malgré le soutien de son assistante (Noémie Merlant). De la gloire au cauchemar « Si Cate avait refusé le rôle, le film n’aurait jamais vu le jour, insiste Todd Field. Cela faisait des années que j’avais envie de raconter comment quelqu’un qui a tout donné pour concrétiser son rêve voit sa réussite professionnelle tourner au cauchemar quand elle est accusée de harcèlement au point de finir par tout perdre. » Cette femme est emportée dans une spirale de jeux de pouvoir, où la musique ne trouve aucune place, et passe, en un temps record, du statut de star adulée à celui de paria abandonnée de tous. « C’est évidemment un personnage militant dans la façon dont il fait écho au monde d’aujourd’hui. » Les mains du cinéaste apparaissent régulièrement dans le champ pour manipuler les objets. L’émotion est intense quand c’est la marionnette de son père qu’il fait bouger. « Il était important pour moi d’apparaître ainsi, précise-t-il. C’est ma façon de rendre hommage à mon père et mon grand-père, qui travaillaient de leurs mains. » À VOIR AUSSI Vidéo Ce film est le coup de cœur de notre journaliste Cate Blanchett est sublime dans Tár. Focus Features/LLC purement imaginaire », assure Todd Field. N’en déplaise à la cheffe américaine Marin Alsop, qui prétend s’être reconnue dans ce personnage tyrannique et s’être sentie « offensée en tant que femme, en tant que cheffe d’orchestre et en tant que lesbienne ». Réaction de Cate Blanchett sur la radio anglaise ClassicFM  : « Je n’ai basé le personnage de Lydia Tár sur personne en particulier. Elle est cheffe d’orchestre, mais aurait pu être architecte ou patronne de banque. » L’actrice australienne balaie aussi l’accusation de lesbophobie  : « C’est un film très provocateur, mais c’est un examen de la nature corruptrice du pouvoir institutionnel qui affecte tout le monde, peu importe votre orientation sexuelle. » Aussi bien dans la gloire que dans la descente aux enfers de son personnage, dans les discussions avec ses musiciens que dans sa relation avec son épouse et leur fille, Cate Blanchett est sublime. De quoi la placer en favorite pour un troisième Oscar, après ceux reçus pour Aviator (2005) et Blue Jasmine (2013).C. V. Billie Eilish à Rock en Seine. Pour ses 20 ans, le festival, qui se déroule en août aux portes de Paris, s’offre Billie Eilish, star planétaire de 21 ans. Deux tableaux ont mystérieusement disparu de la collection du Kunsthaus de Zurich (Suisse). « Un vol ne peut plus être exclu », a précisé le musée, qui a mis sur pied une cellule de crise.