8 VENDREDI 7 JANVIER 2022 Le film d’Adam McKay fait mouche sur Netflix, notamment auprès de scientifiques qui travaillent sur le changement climatique Fabrice Pouliquen Don’t lookup « retranscrit la folie que je vois tous les jours. » Peter Kalmus a mis à profit les vacances pour regarder le longmétrage d’Adam McKay, actuellement sur Netflix. Et qui a eu l’effet d’une claque sur lui. Au point que le climatologue américain s’est fendu d’une tribune dans le Guardian, la semaine dernière. Le pitch ? Le docteur Randall Mindy (Leonardo Di Caprio) + DE 20 MINUTES CULTURE Jennifer Lawrence et Leonardo DiCaprio jouent le rôle de deux astronomes alertant sur l’approche imminente d’une catastrophe sur Terre. Et leur message peine à passer. N. Tavernise/Netflix « Don’t lookup » Un monde aveugle face au désastre et sa doctorante, Kate Dibiasky (Jennifer Lawrence), deux astronomes, découvrent qu’une comète de 5 à 10 km de diamètre se dirige droit sur la Terre et qu’elle heurtera dans six mois selon leurs calculs. Ils se lancent alors dans une tournée médiatique pour prévenir l’humanité du danger à venir. Mais ne récoltent que sarcasmes et dénis des politiques, des journalistes et du grand public. « Don’t lookup est une satire, prévient d’emblée Peter Kalmus. Mais c’est aussi le film le plus précis que j’ai vu sur l’indifférence de notre société face à la dégradation du climat. » « Comment les scientifiques doivent-ils communiquer ?, s’interroge la paléoclimatologue française Valérie « Un message scientifique peut être instrumentalisé par les politiques. » François Marie-Bréon, chercheur à l’Afis Masson-Delmotte. Rester froids, distants, rationnels ? Sont-ils plus ou moins crédibles lorsqu’ils laissent transparaître leurs émotions ? ». François Marie-Bréon, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement et président de l’Association française pour l’information scientifique (Afis) abonde, et insiste sur la façon, bien montrée dans Don’t lookup, « dont un message scientifique peut être instrumentalisé par le monde politique, qui va l’utiliser ou pas en fonction de ses intérêts et de son propre agenda politique ». Randall Mindy et Kate Dibiasky auront en effet bien du mal à capter l’attention de Janie Orlean (Meryl Streep), la présidente des États-Unis. Mais sans jamais parvenir à la faire agir de la meilleure des façons. Et que dire de Peter Isherwell, le « généreux » milliardaire qui a fait fortune dans la tech et qui veut profiter de cette comète pour en exploiter les métaux précieux, quitte à tenter de la faire atterrir en douceur sur Terre... « Un D ni personnage gratiné », commente Valérie Masson-Delmotte, mais pas si éloigné de la réalité à l’écouter. Hollywood et les récits climatiques C’est au final toute la force de Don’t lookup pour Peter Kalmus. « Celle d’être une perspective drôle et terrifiante à la fois, parce qu’elle véhicule le reflet d’une réalité froide que les climatologues et les personnes qui comprennent toute l’ampleur de l’urgence climatique vivent au quotidien », écrit-il. Le climatologue américain voit plus loin et espère même « qu’à travers ce film, Hollywood est en train d’apprendre à raconter des histoires climatiques qui comptent vraiment ». Le parallèle entre une comète qui menace la Terre et le dérèglement climatique en cours a cependant ses limites, pointe François-Marie Bréon. « Dans le premier cas, on parle d’une catastrophe imminente qui touchera l’ensemble de l’humanité et contre laquelle, individuellement, on ne peut rien faire, rappelle le chercheur de l’Afis. C’est tout l’inverse avec le changement climatique, et la raison pour laquelle il est parfois si difficile de sensibiliser certaines personnes à cet enjeu. » |