10 VENDREDI 17 DÉCEMBRE 2021 Films de Noël Les regards se portent plus vers les personnes LGBT+ + DE 20 MINUTES CULTURE P.Bosse/Netflix Les longs-métrages inclusifs se multiplient, portés par des succès cinématographiques ces dernières années Clément Boutin Le protagoniste hétérosexuel n’est plus le seul à tenir le haut de l’affiche. Ainsi, dans Que souffle la romance, la comédie romantique de Netflix labellisée « film de Noël », Peter (Michael Urie) est un quadra, éternel célibataire et ouvertement homosexuel. Il décide de ramener Nick (Philemon Chambers), son colocataire, lui aussi gay, dans le New Hampshire, pour passer la fin de l’année avec sa famille. Comme dans toutes les meilleures œuvres du genre, les deux amis se rendent finalement compte qu’ils se sont toujours aimés. « Une communauté reconnue » Ce long-métrage arrive un an après Ma belle-famille, Noël et moi, autre film du genre du studio Sony avec, en vedette, un couple de femmes lesbiennes. Certaines chaînes américaines (Lifetime, Hallmarck Channel…) ont elles aussi ouvert leurs portes, depuis un an, à des personnages principaux LGBT+ avec The Christmas Setup, The Christmas House et Under the Christmas Tree. VOTRE VIE VOTRE AVIS Témoignage Le mot « romantique » a compté double pour Cyril Avant les fêtes, nos lecteurs racontent leur plus belle histoire d’amour. Dans ce deuxième épisode, l’équivalent du Scrabble a permis à Estelle et Cyril de se rencontrer en ligne V Pierre Cloix ous connaissiez le jeu Wordox sur Facebook ? Nous, non, du moins pas avant que notre protagoniste ne nous en parle. En résumé, il s’agit d’un équivalent du classique Scrabble en ligne et, il y a dix ans, Cyril passe pas mal de temps sur cette application. Il enchaîne les mots compte double, triple et les petits mots à lettres chères (qui n’a jamais placé un « ay » ou un « wu » ?) Ah, et il y a une petite différence avec le jeu de société classique : on est sur Internet. Donc, forcément, il y a un tchat. C’est là que Cyril commence à discuter avec Estelle, tout en jouant. Neuf ans passent… Pendant près d’un mois et demi, nos deux joueurs échangent les bons mots et… parlent de leurs vies respectives, de leurs « vies de couple vacillante ». Très vite, ils deviennent « des amis, des confidents », mais « sans jamais se voir », précise notre personnage principal. On aurait pu croire que la machine était lancée, mais non. Le dernier tirage n’avait pas (encore) donné les bonnes lettres. Les échanges dureront ainsi un an, mais comme c’était « impossible à cette époque », selon Cyril, Estelle et lui s’éloignent. Puis, ils finiront par refaire leur vie chacun de leur côté, et le temps passe… Et quand on dit que le temps passe, il passe vraiment. Neuf ans pour être précis. Nous sommes en décembre 2019, et Cyril est à nouveau célibataire. Il partage alors un montage Facebook avec un père Noël, en demandant que ce dernier lui « apporte la femme de sa vie ». Bouteille à la mer ou trait d’humour, cette publication se situait certainement quelque part entre les deux. En tout cas, Cyril a été bien inspiré ce jour-là. Vous ne devinerez jamais qui lui a envoyé un SMS après avoir vu le post. Enfin si, il s’agit quand même d’une belle histoire de Noël, donc vous vous doutez bien que ça ne pouvait être qu’Estelle. À cet instant, ils sont tous les deux célibataires. Ils discutent donc à nouveau et décident de se rencontrer pour la première fois, le 12 janvier 2020 à Clermont-Ferrand (Puyde-Dôme), à mi-chemin entre leurs lieux d’habitation, Montpellier (Hérault) pour lui et la Nièvre pour elle. -I n Cu Pourquoi ce virage inclusif des films de Noël ? Pour Caroline San Martin, maîtresse de conférences en écriture et pratiques cinématographiques à la Sorbonne, c’est parce qu’il existe aujourd’hui « une reconnaissance de la communauté LGBT+ dans la société ». « Un film peut être catégorisé selon la manière dont les spectateurs se reconnaissent en lui, en tant que classe sociale ou culturelle, poursuit-elle. Ces derniers temps, la catégorisation se fait par reconnaissance d’une communauté dans un long-métrage. » Et si les plateformes et studios se mettent au film de Noël inclusif, c’est aussi parce que les œuvres cinématographiques LGBT+ récemment sorties ont fonctionné. À l’image de Call Me By Your Name, succès de 2017, ou de Love Simon, qui a eu un joli écho chez les ados et jeunes adultes en 2018. Faut-il pour autant sacrifier la naïveté guimauve de ces films pour instaurer une pincée de réalisme ? Pour Caroline San Martin, « ça permet non pas de conduire un récit réaliste, mais de mettre en avant la possibilité de la seconde chance dans le réel. La fiction peut influencer le réel. » Cette représentation, même un peu optimiste des personnes LGBT+ et de leur entourage, peut ainsi être vue comme une bouffée d’air frais pour les spectateurs. S’ensuivent trois autres rencontres. Ils avaient « prévu de se voir une fois par mois » dans la « capitale auvergnate », se souvient Cyril, mais, vous devez le savoir, une pandémie leur est tombée sur le coin du museau. Ce qui a accéléré un poil le processus. Estelle est venue s’installer à Montpellier, et c’est ainsi que deux personnes qui ne s’étaient vues que quelques fois, et qui s’étaient parlé en ligne pour la première fois il y a dix ans, se sont mises à « vivre ensemble tous les jours, d’un seul coup » : « On a béni le confinement. » Cette fois, c’est bon, on a tous nos éléments pour une belle comédie romantique de Noël dans la vraie vie. Et si ça ne vous suffisait pas, sachez qu’Estelle et Cyril se sont mariés en avril. Ils partent de loin, mais comme le dit notre protagoniste : « C’est le destin, il fallait que ça arrive. » Romantique, mot compte double, 36 points. Rauschenberger/Pixabay |