8 MERCREDI 8 DÉCEMBRE 2021 Une structure géante capable de recevoir 498 000 t de lisier, fumier et autres sortes de biomasse agricole est en projet en Loire-Atlantique Fabrice Pouliquen « On reproduit ni plus ni moins ce qui se fait à l’intérieur d’une panse de vache », assure Guillaume Loir, directeur exécutif de Nature Energy France, devant la vue aérienne d’une usine de méthanisation que le groupe danois exploite à Videbæk. Venus des exploitations agricoles alentour, 600 000 t de lisier, de fumier et de cultures intermédiaires entrent par un bout du site, chaque année. Direction les digesteurs, ces cuves verticales où, privée d’oxygène et grignotée par des bactéries, elles vont libérer un mélange gazeux composé de CO 2 et de méthane (CH 4). « Il reste à séparer les deux éléments dans des purificateurs jusqu’à + DE 20 MINUTES PLANÈTE Méthanisation en France Des usines bientôt taille XXL ? 9 000 La perspective de 9000 méthaniseurs de 40000 t en France, en 2050, inquiète vivement. Nature Energy envisage d’ouvrir en 2024 une usine à Corcoué-sur-Logne, en Loire-Atlantique, proche de l’envergure de celle déjà opérationnelle à Videbæk (photo), au Danemark. Nature Energy récupérer le méthane à une qualité suffisante pour pouvoir l’injecter dans les réseaux gaziers », reprend Guillaume Loir. Chauffer des bâtiments, produire de l’électricité ou du carburant bioGNV… Les applications sont multiples. Ce sont les mêmes que le gaz naturel, mais ce dernier est fossile, et la France doit s’en détourner d’ici à 2050. Loin de faire l’unanimité À Corcoué-sur-Logne (Loire-Atlantique), Nature Energy et la coopérative d’Herbauges, qui regroupe 210 agriculteurs locaux, portent le projet d’un méthaniseur XXL comparable à celui de Videbæk. Il traiterait 498 000 t par an, « essentiellement du lisier et du fumier », indique Guillaume Loir, qui espère sa mise en service en 2024. Mais le projet est loin de faire l’unanimité. Des riverains et des élus locaux s’y opposent. Pourtant, la méthanisation agricole fait sens à plus d’un titre. Elle ne permet pas seulement de produire du gaz renouvelable, mais aussi de récupérer le digestat, soit ce qu’il reste des matières organiques en sortie de digesteur. Elle offre également aux agriculteurs la possibilité d’accroître leurs revenus en vendant le biogaz et/ou le digestat. Est-ce juste un début ? La méthanisation est encore loin d’avoir atteint le potentiel attendu en France. Mais la perspective française de 9 000 méthaniseurs de 40 000 t en 2050 effraie Daniel Chateigner et « En Allemagne, les champs servent à faire pousser du maïs à des fins énergétiques. » Claude Cellier, de la Confédération paysanne du Grand-Est Claude Cellier, représentants de la Confédération paysanne dans la région Grand- Est. « Cela voudrait dire un tous les 10 km environ, calculent-ils. Comment les ‘‘nourrir » sans entrer en concurrence avec les cultures alimentaires ? » L’inquiétude est donc de basculer dans le modèle allemand. _ni, LU « On y compte déjà 10 000 méthaniseurs alimentés en grande partie par des cultures dédiées et dites « principales », décrit Claude Cellier. En clair, les champs servent principalement à faire pousser du maïs, non plus à des fins alimentaires, mais énergétiques. » Malgré des garde-fous présents en France, comme le décret du 8 juillet 2016 qui instaure un seuil maximal de 15% par exploitation de cultures principales à pouvoir être méthanisées, Jérémie Priarollo, responsable « ingénierie méthanisation » à Solagro, association qui accompagne les projets de transition écologique dans l’agriculture, prône « la nécessité de bien encadrer cette filière et de trouver un modèle français ». À Solagro, on propose, tout simplement, de ramener le seuil à zéro. La Confédération paysanne demande, elle, un moratoire sur les projets de méthaniseurs, afin de prendre du recul sur le développement de la filière. |