10 VENDREDI 26 NOVEMBRE 2021 20 MINUTES AVEC Le contexte : La chanteuse Angèle sort un documentaire sous forme de journal intime, disponible ce vendredi sur Netflix, puis le 10 décembre paraîtra son nouvel album intitulé Nonante-Cinq. Dans ces deux œuvres, elle apparaît plus tourmentée qu’à l’époque de Balance ton Quoi. Angèle sourit, mais son album est sombre. M. Obadia-Wills Angèle chanteuse « Je n’imaginais pas faire un documentaire aussi intime » Propos recueillis par Benjamin Chapon Un documentaire sur Netflix, disponible dès ce vendredi. Puis un second album, qui sortira le 10 décembre. L’un et l’autre sont l’œuvre d’Angèle. La chanteuse se livre à l’exercice du documentaire sous forme de journal intime, mais elle s’en sert pour donner des clés de lecture aux chansons de son nouvel album, Nonante-Cinq. Ses fans découvriront les dessous de son succès, et la manière dont celui-ci a abîmé la jeune femme. Faut-il avoir vu le documentaire pour comprendre vos chansons ? Je n’imaginais pas faire un docu aussi intime. Je pensais qu’on allait raconter mon début de carrière, mais ça avait déjà été fait. Quand on a commencé à s’intéresser au fait que j’écrivais dans des carnets, avant même d’écrire des chansons, ça s’est enclenché. Je découvre ces carnets devant la caméra, et là, je plonge en arrière, dans des sentiments que j’avais oubliés… Vous y écrivez votre sentiment d’étouffer… Pensez-vous avoir fait une dépression ? Une angoisse, en tout cas. Avant de faire ce film, je n’avais pas pris conscience de ce qui n’allait pas. Ça a été thérapeutique. Vous répétez souvent vouloir rester sincère et vraie. L’écriture, c’est votre vérité ? Les mots qu’on écrit, c’est plus fort et plus vrai que les vidéos. À l’écrit, la pensée pure est gravée. Inconsciemment, j’écrivais tout ça pour ne pas oublier. Et dans l’écriture des chansons, y a-t-il cette même vérité ? Je triche toujours un peu dans les chansons. J’arrondis les angles avec mes sentiments, et j’utilise des métaphores pour ne pas parler des sujets de manière trop directe. Vous parlez de vos angoisses dans le documentaire, et ce deuxième album est assez… Triste ? Sombre… Ces chansons sont peut-être à l’image de ces dernières années, donc un peu C7 ru plus tristes. Pas seulement pour moi, mais aussi du fait de l’angoisse qui régnait dans nos vies à toutes et tous. Aviez-vous prévu de composer durant cette période ? Pas du tout ! Le confinement m’a permis de m’arrêter. S’il n’y avait pas eu le confinement, je pense que j’aurais voyagé, j’aurais… fui. Je n’aurais pas eu l’occasion de réaliser pourquoi je fais ce que je fais. Le confinement m’a obligée à me retrouver face à mes envies. C’est dans ce contexte que vous avez composé cet album introspectif. On est très loin de Balance ton quoi… Cette chanson a été écrite à un moment de ma vie où j’étais assez peu déconstruite. Les chansons féministes de ce nouvel album sont plutôt dures et ne sont pas des chansons pop. D’ailleurs, à part Bruxelles je t’aime, qui est la chanson la plus légère de l’album, les autres ont toutes un grain plus triste, ou lié à quelque chose de plus dark. Dans le docu, vous dites que vous vous êtes fait voler votre comingout et que vous avez manqué de modèle de femmes lesbiennes. Êtes-vous prête à incarner ce modèle ? C’était important de pouvoir en parler dans le documentaire, de dire que ce n’est pas chouette d’avoir été prise en photo avec ma copine à notre insu, mais aussi de se poser la question de savoir si ça peut rendre service que, moi, j’en parle. Je pense que ça peut être utile, oui, si ça arrive au moment que j’ai choisi. Ce moment est-il venu ? Je l’ai fait quand ça me semblait plus confortable, avec une photo sur Instagram. Dans vos chansons d’amour, sur cet album, les adjectifs s’accordent au féminin... « Entre les lignes, la chanson Solo parle de l’obligation sociale qu’il y a à être hétéro. » Oui, c’est discret... Il y a aussi la chanson Solo, qui, entre les lignes, parle de l’obligation sociale qu’il y a à être hétéro. Finalement, dans toutes les chansons, j’infuse un peu de ça. C’est ma façon d’en parler. Moi, je n’avais pas envie de cacher quoi que ce soit, mais quand on touche à des sujets qui font autant parler, on risque de ne plus parler de ma musique. Plein de gens vous suivent aussi pour ce que vous représentez... Je sais. Mais je ne sais pas si c’est une bonne chose. Les gens voient de moi une image qui n’est pas ce que je suis réellement. Il y a une part que le public n’a pas forcément besoin de connaître, que je ne veux pas donner. Mais il faut en donner tout de même assez pour être sincère... Oui. C’est compliqué. |