14 NOVEMBRE 202 1 « Il est temps d’inclure vraiment les sourds dans la société » Julien Compan est élu à l’urbanisme à la mairie de Massy. En France, ils ne sont que sept élus sourds. La faute à une politique peu inclusive, explique-t-il cg) D Élodie Hervé evant la mairie trône le drapeau de la langue des signes. Julien Compan, 31 ans, élu à l’urbanisme, le montre avec beaucoup de fierté. À ses côtés, Elodia Mottot interprète ce qu’il signe. Julien Compan est l’un des sept élus sourds en France. Lui est à Massy, en région parisienne (Essonne). « Quand le maire, Nicolas Samsoen, est venu me chercher pour que je sois sur sa liste, je ne voulais surtout pas être l’élu «handicapé» que l’on met en avant pour vendre un programme. Je ne voulais pas être un étendard. Ça n’a pas été le cas et, aujourd’hui, je m’occupe de ce qui correspond à mes études, à savoir l’urbanisme. » Ce Marseillais a fait ses études à Aixen-Provence. Un BTS en bâtiment, puis une licence comme dessinateur-projeteur avant de s’envoler pour Paris. « Il y a très peu d’interprètes en France et, surtout, des problèmes de budget dans les établissements publics. Résultat, pendant mes études, c’était des AVS [auxiliaires de vie scolaire] qui prenaient des notes pour moi pendant les cours. » Si l’inclusivité des personnes sourdes est à la traîne en France, c’est principalement à cause du congrès de Milan de 1880, qui a banni l’usage de la langue des signes pour les sourds au profil de l’oralité. « On a un siècle de retard » « On a un siècle de retard, continue cet élu. Aux États-Unis, des sourds sont avocats, médecins ou autres. Il existe même une université pour les sourds. » Pour les élus, Julien Compan explique É.H. Pour un rendez-vous médical ou pour un renouvellement de carte d’identité, les personnes sourdes se retrouvent souvent dans une situation délicate. « On a de gros soucis pour communiquer, explique Sabrina. La plupart du temps, quand c’est possible, on passe à l’écrit. Là où ça coince surtout, c’est à l’hôpital. Quand il faut raconter des actes intimes. » Depuis la loi de 2005, les lieux publics ont l’obligation DIALOGUER Julien Compan, atteint de surdité, a célébré un mariage civil en juillet. Une victoire symbolique. B. Guigou que c’est à la municipalité de choisir de mettre en place ou non un budget accessibilité. « On est considérés comme des sous-citoyens, on dépend des municipalités et de leur budget pour savoir si l’on va pouvoir travailler sur nos dossiers en cours au même titre que les autres élus. » Alors, avec le maire de Massy, ils ont écrit à trois ministères pour tenter de porter l’idée d’un budget neutre qui ne dépende pas des municipalités, mais de l’État. « Il est temps d’inclure les sourds et les élus sourds dans la société ! » de rendre leurs démarches accessibles aux personnes sourdes. « Certaines mairies jouent le jeu, d’autres non, raconte Élise Guillon, cofondatrice de la plateforme de réservation d’interprètes Vouloir dire. La plupart du temps, c’est aux personnes sourdes de réserver une interprète et d’avancer les frais. » Pour apporter une solution pérenne, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière (Paris), un pool d’interprètes est là pour tous les rendez-vous médicaux. À Meaux (Seine-et-Marne), l’association Les exemples où il a été mis de côté, il ne les compte plus. Comme cette fois où une équipe en campagne le contacte peu avant les élections régionales. « Ils voulaient que l’on travaille ensemble sur plusieurs dossiers. Sauf que, le jour de la réunion, aucun interprète n’avait été prévu. Ils m’ont dit : "On vous recontacte". Cela fait bientôt un an et j’attends. » Qu’importe. En juillet, il a célébré un mariage civil avec une interprète à ses côtés. Une victoire symbolique, en attendant une égalité réelle. À l’hôpital ou en mairie, la loi tarde à être appliquée Getty Images Signes et paroles a signé l’intégralité des démarches pour aider les personnes sourdes à avoir accès à l’information. « La plupart des personnes qui signent dans ces vidéos sont sourdes ou malentendantes », raconte la présidente, Thi-My Gosselin. Mais tout cela relève d’initiatives individuelles. En attendant que la loi soit appliquée, Sabrina se débrouille : « Quand vraiment je ne trouve pas d’interprètes, je demande à jr ; mes enfants de signer. » De la couleur sur les rampes É.H.nnr u SECONDES 2^ u En ville, se déplacer en fauteuil peut virer au rallye. Entre les trottoirs trop hauts, les panneaux publicitaires placés au mauvais endroit ou les transports en commun pas toujours accessibles, les personnes à mobilité réduite doivent s’armer de patience pour acheter du pain. Face à ce constat, Rita Ebel, une Allemande de 63 ans, a eu l’idée des constructions de rampes en Lego en 2019. L’idée : rendre accessibles les magasins et interpeller les passants sur ses difficultés. Côté français, son idée a séduit la délégation APF France handicap des Ardennes, qui a rebaptisé le projet « RampEgo ». « Personne ne passe à côté d’une rampe multicolore sans jeter un coup d’œil », souligne Richard Perotin. Ce bénévole, qui se déplace en fauteuil, s’est emparé du projet l’an dernier pour accompagner les commerçants dans leur application de la loi de 2005. La première rampe construite à Charleville-Mézières a coûté plus de 1000 € en achat de Lego. « Clairement, c’est plus cher qu’une rampe en bois ou en métal, souligne Richard Perotin. Mais cette démarche sensibilise à l’accessibilité. » Photo : APF France handicap Un livre sans tabou pour parler grossesse. Comment porter un enfant quand on est en situation de handicap ? Comment s’en occuper ? À ses interrogations, l’autrice Lula Dawn répond par un compte Insta (@luladawn_ecrivaine_) et un livre (Tribulations d’une handimaman). La marque française Caval s’est associée au street artist The Blind pour créer deux modèles de sneakers marquées en braille. Sur la semelle, on peut ainsi lire « humanité » et « inclusion ». Pour chaque paire vendue, 40 € seront reversés à Handicap International. Prix de vente : 149 € . |