12 MERCREDI 17 NOVEMBRE 2021 Ça va faire du fruit ! C’est à un jeu de massacre réjouissant et politiquement incorrect que se livre Jean-Christophe Meurisse avec « Oranges sanguines » Q Caroline Vié uel drôle de film culotté, qui mêle des personnages aussi divers qu’un politicien, un couple de danseurs de rock et une jeune fille innocente. À la fois comédie potache et sociale, film d’horreur, tragédie romantique et thriller politique, Oranges sanguines malmène joyeusement le public. « C’est un état des lieux de la France actuelle, explique à 20 Minutes son réalisateur, Jean-Christophe Meurisse. D’où le titre, lisse comme un fruit bien mûr, mais saignant à l’intérieur. » « La première image à laquelle j’ai pensé était une paire de couilles passée au micro-ondes, s’amuse le réalisateur. Cela m’a été inspiré par un fait divers où une femme a fait manger ses testicules à l’homme qui l’avait violée. » Cette idée gastronomique n’est pas la seule à avoir germé dans le cerveau de cet homme de théâtre, fondateur de la troupe Les Chiens de Navarre et réalisateur d’Apnée (2016). La gymnaste Nastya Budiashkina est la révélation du film d’Elie Grappe. Point Prod/Cinema Defacto Une ola pour « Olga » Elle a tout d’une grande. Nastya Budiashkina est la révélation d’Olga, d’Elie Grappe. Ce beau film évoque les épreuves d’une gymnaste ukrainienne de 15 ans réfugiée en Suisse pendant les manifestations violentes de l’Euromaïdan en 2013. Il n’est pas facile pour l’adolescente de rester concentrée sur les compétitions quand elle sait que sa mère, journaliste restée au pays, se trouve au centre des affrontements. « Ce qui m’a intéressé chez ces jeunes sportives, c’est l’écart entre leur idéal de perfection et ce qu’elles sont en dehors de leur pratique : « Comme spectateur, j’aime les changements de ton, précise le cinéaste. Je pense que, plus que le contenu du « Le fait que le spectateur ne sache jamais sur quel pied danser peut le dérouter. » Jean-Christophe Meurisse, réalisateur CINÉMA film, c’est cela qui peut déranger dans Oranges sanguines. Le fait que le spectateur ne sache jamais sur quel pied danser peut le dérouter. » Hors celles de Blanche Gardin et de Denis Podalydès, on croise peu de têtes connues dans ce jeu de massacre. « J’essaie de trouver de l’humour dans les choses les plus graves, ce qui ne veut pas dire que je ne les prends pas au sérieux », déclare le cinéaste. Suicide, viol, corruption et justice sommaire font partie des thèmes qu’il aborde frontalement. Avec une férocité qui fait osciller entre rire gêné et écœurement. « J’estime que la réalité est moins sombre que notre fiction : on est tous des oranges sanguines », insiste celui qui dit « ne pas chercher à choquer, mais à provoquer ». Sa vision acide choquera quand même, mais elle réjouira aussi un public friand de films atypiques, pour peu qu’il n’ait pas froid aux yeux. Le long-métrage aborde frontalement, mais avec acidité, des thèmes comme le suicide. The Jokers des adolescentes pétries d’émotions », déclare le cinéaste. Nastya Budiashkina, actrice non professionnelle mais véritable gymnaste, se montre naturellement douée, tant pour des scènes de sport à couper le souffle que pour les séquences de dialogues dans lesquelles Elie Grappe lui a permis de trouver ses propres mots pour communiquer le malaise ressenti par son personnage. Entre documentaire et fiction, le film fait découvrir la vie quotidienne d’une jeune fille pas tout à fait comme les autres. « Nastya est la clé de l’émotion du film », précise le cinéaste, qui l’a choisie au sein de la réserve de l’équipe nationale ukrainienne. Olga est un beau portrait féminin, soulignant la fragilité, le courage et la résilience de son héroïne.C.V. Le rap et la liberté d’expression raisonnent « Haut et fort » S on film a fait rapper Cannes puis Angoulême. Avec Haut et fort, Nabil Ayouch signe une chronique marocaine pleine d’espoir, qui donne envie de chanter avec les jeunes d’un centre culturel de Casablanca. Le réalisateur du controversé Much Loved donne la parole à des adolescentes et des adolescents coachés par un ancien rappeur. « Haut et fort est un hommage à la culture et à tout ce qu’elle peut apporter, qu’on la crée ou qu’on la reçoive », explique Nabil Ayouch à 20 Minutes. Valeurs universelles Une énergie permanente se dégage de cette œuvre qui souligne la force de la jeunesse et les menaces que subit sa liberté d’expression. « On s’est entourés de filles et de garçons dynamiques qui avaient beaucoup de choses à dire sur leur vie et leur pays », insiste le cinéaste. Ces non-professionnels emportent le morceau, les morceaux même, tant ils ne se laissent pas intimider au moment de rapper leur révolte. Haut et fort se déroule au Maroc, mais les valeurs que le film défend sont universelles. « Il est indispensable de 2" Nabil Ayouch met en scène de jeunes Marocaines et Marocains coachés par un rappeur. Ad Vitam donner de l’argent aux lieux de culture qui permettent d’apprendre à penser », estime le réalisateur. Ce film social dresse un tableau d’une ville et de ses habitants engagés pour trouver leur place dans la société. « Je crois que tout le monde a déjà vécu cela, insiste Nabil Ayouch. Cela a été mon cas. » Son film touche ce moment plein de promesses et d’angoisses, celui où tout est encore possible.C.V. |