6 VENDREDI 1er OCTOBRE 2021 20 MINUTES AVEC Le contexte : Charline Vermont vient de publier Corps, amour et sexualité (éd. Albin Michel). Elle a par ailleurs collaboré avec Netflix à l’occasion de la sortie de la saison 3 de Sex Education, en coorganisant des meet-up pour « lever les tabous » dans 31 villes de France, de Suisse et de Belgique. Propos recueillis par Marion Pignot En 2019, Charline Vermont a quitté son job de « manageuse dans une boîte très sérieuse » pour lancer le compte « Orgasme et moi », sur Instagram. Depuis, elle « éduque à la sexualité » plus de 530 000 abonnés. Entretien avec une « geekette qui permet à la parole de se libérer dans un cadre « safe » et surtout drôle ». Selon un sondage de « 20 Minutes » auprès de sa communauté #MoiJeune, 90% des jeunes ont conscience de l’importance du consentement… C’est génial. Aujourd’hui, une nouvelle génération prend le temps de s’éduquer. Il y a une vraie charge mentale d’éducation à la sexualité. On s’éduque bien au zéro déchet, alors on peut s’éduquer au consentement. Pour cela, on se sort les doigts du cul et on prend le temps de lire des contenus éducatifs. Comme votre livre… Oui (rires) ! J’ai écrit ce livre parce qu’il n’existait pas d’ouvrage transgénérationnel sur la sexualité. Un peu comme lors des lectures du soir avec mes enfants, je voulais qu’il permette de créer un espace « safe » pour lancer des discussions saines autour de la sexualité. Il faut que les enfants puissent poser leurs questions aux adultes de référence, plutôt que d’aller les poser ailleurs. À Google, par exemple ? Aujourd’hui, quand les enfants se posent une question et qu’ils n’ont Charline Vermont compte plus de 530 000 abonnés à son compte consacré à l’éducation à la sexualité, créé en 2019. Albin Michel Charline Vermont créatrice du compte Instagram « Orgasme et moi » « Une nouvelle génération prend le temps de s’éduquer à la sexualité. C’est génial » pas la réponse, ils ou elles vont taper « sexe » dans les barres de recherche. C’est la cata. Ils tombent sur des plateformes de porno. Donc, vous pouvez décider que la première fois que votre enfant sera confronté à une forme de sexualité, ce sera via le porno, ou vous pouvez lui donner un cadre et les mots pour comprendre que ces films ne sont pas la vraie sexualité. Le 8 octobre, la justice décidera justement du blocage ou non des sites pornos facilement accessibles aux mineurs… Le support pornographique est un support d’excitation, masturbatoire. À aucun moment, le porno mainstream en accès gratuit ne peut servir de support éducatif. Le problème, c’est que les plus jeunes s’en servent de cette façon en l’absence d’alternatives crédibles C7 ru « Netflix met à disposition un contenu qui parle de vaginisme, de transidentité, etc. Je suis ravie de bosser avec une entreprise qui fait le travail que l’on serait en droit d’attendre de nos institutions. » répondant à leurs questionnements. La question des dangers du porno est une invitation à nous, adultes, à repenser l’éducation à la sexualité. Comment faire évoluer l’éducation à la sexualité ? En créant de nouvelles normes ? La sexualité est une matière vivante. Il ne faut rien imposer ou normaliser. Il faut déconstruire, réinventer. Il est possible d’éviter les générations formées à YouPorn et, donc, hétérocentrées sur le plaisir des propriétaires de pénis. Il faut sortir de ce schéma-là. Vous semblez optimiste sur la question… Totalement. Depuis 2010, il y a eu autant d’études médicales sur la santé sexuelle que pendant les cinquante années précédentes. Il y a plein de choses qui se jouent maintenant, et particulièrement depuis #MeToo. Et on n’est pas prêts pour la génération qui arrive. Par exemple, la conscience qu’ont les enfants de la différence entre sexe et genre est exceptionnelle. Peut-être parce qu’ils ont grandi avec #MeToo, « Orgasme et moi » ou Sex Education… On est quelques dizaines de personnes en France à tenir des comptes d’éducation à la sexualité et à faire un boulot monstre de santé publique, car éduquer à la sexualité, c’est moins de grossesses non désirées, moins d’IST ou de MST et moins d’agressions sexuelles. Et là, je vois arriver une espèce de bulldozer qui s’appelle Netflix et qui met à disposition un contenu qui parle de vaginisme, de transidentité, etc. Je suis ravie de bosser avec une entreprise qui fait le travail que l’on serait en droit d’attendre de nos institutions. La Californie veut rendre illégal le retrait du préservatif sans consentement (le stealthing), alors que le Texas légifère sur l’avortement. La sexualité, c’est de la politique ? L’intime est politique. J’ai dernièrement reçu un message dénonçant un stealthing… Concernant ces actes, en France, il y a tout à faire. Ne serait-ce que parce que la notion de consentement n’intervient pas dans la définition du viol. La sexualité est politique parce qu’elle bouscule l’ordre établi : sexiste et patriarcal. Et puis, il faut aussi voir qui légifère sur l’avortement, la PMA, etc. Je serais curieuse de voir les réactions si les femmes légiféraient sur la castration chimique ou la contraception masculine. |