4 VENDREDI 24 SEPTEMBRE 2021 ACTUALITÉ Pour beaucoup de jeunes Allemands, Angela Merkel est la seule cheffe de gouvernement qu’ils aient jamais vraiment connue. M. de Fournas/20 Minutes Allemagne La « génération Merkel » tourne la page À la tête du pays depuis près de seize ans, la chancelière quittera le pouvoir à l’issue des élections fédérales organisées dimanche De notre envoyée spéciale à Berlin, Marie de Fournas Queue-de-cheval impeccable et lunettes rondes sur le nez, Gloria sort de la Hertie School, l’université de Berlin où elle suit des études de politiques publiques. À 23 ans, la jeune Allemande n’a connu qu’Angela Merkel : « J’avais 7 ans quand elle est devenue chancelière ! Je ne me suis jamais demandé comment ça serait avec une autre personne à la tête du pays. » Pour elle comme pour de nombreux jeunes, la fin du mandat de la chancelière après les élections fédérales, dimanche, est avant tout un saut dans l’inconnu. Une excellente cote de popularité Un changement d’ère que la « génération Merkel » attend avec une excitation souvent mêlée d’appréhension. « Je suis content qu’il y ait de la nouveauté, mais je ne trouve aucun candidat mieux qu’elle », confie Jànosch, 20 ans. Car « Mutti » – comme les Allemands surnomment affectueusement la chancelière (« maman ») – avait quelque chose de rassurant. « Je lui ai toujours fait confiance et je la trouve compétente, poursuit Gloria. Là, c’est la première fois de ma vie que je me dis que la situation pourrait devenir instable. » Si cette génération associe Angela Merkel à la stabilité, c’est aussi en raison de la situation économique du pays, souligne le politologue allemand Erik Flügge : « La jeunesse allemande a dix années d’insouciance derrière elle. La plupart de leurs parents avaient un emploi, et le chômage des jeunes était faible. Cela leur a donné des perspectives professionnelles. Ce n’est pas le cas de la génération des 30-40 ans, qui a connu une grosse crise de l’emploi au début des années 2000 et qui, avec la crise économique de 2008, a continué de vivre avec cette crainte. » Aussi étonnant que cela puisse paraître, la cheffe de file de la très conservatrice CDU jouit donc d’une bonne cote de popularité auprès des jeunes. « J’aime bien son style, son leadership, lance Leonhard, qui suit un master « J’aime bien son style, son leadership. » Leonhard, étudiant en politiques publiques. J’aime aussi le fait qu’elle n’ait jamais mis en avant le fait qu’elle soit une femme. » « Elle est visionnaire et je pense qu’elle a été freinée par son parti, plus conservateur qu’elle », souligne Gloria. « Angela Merkel n’a jamais eu un discours conservateur, analyse Erik Flügge. Elle n’adopte presque jamais une posture politique. Elle n’est tout simplement pas perçue comme faisant partie du gouvernement. Elle arrive donc à être aimée, même si certaines personnes sont mécontentes des décisions politiques prises par l’exécutif. » Le mandat d’Angela Merkel est toutefois loin d’être perçu par les jeunes comme un parcours sans faute. La transformation numérique promise n’a pas été atteinte. « On a l’impression que l’Allemagne est restée bloquée il y a cinq ans sur ces sujets, comme l’accès à Internet dans les zones rurales », ajoute Jànosch. Une thématique qui, selon eux, devra être prise à bras-lecorps par le nouveau chef du gouvernement. Tout comme la question du climat (lire ci-contre). « Une bonne politicienne » Pour beaucoup de vingtenaires, la mesure emblématique des quatre mandats successifs d’Angela Merkel reste sa gestion de la crise des migrants en 2015. « En ouvrant les frontières, elle a pris sa propre décision et est allée à l’encontre de son parti », explique Lea, étudiante en économie de 25 ans. Pas de fanatisme néanmoins chez ces jeunes, conscients du jeu politique. « C’est une bonne politicienne, elle ne l’a pas fait par humanisme, analyse Leonhard. C’est pour moi une décision opportuniste, pour son image. » 20 « Merkel a fait beaucoup de greenwashing » Propos recueillis par M.F. Depuis le 30 août, de jeunes activistes écologistes ont installé un camp dans un quartier proche du Parlement allemand, pour mettre le climat au centre des élections fédérales. Isi, activiste de 19 ans originaire de Dortmund, soutient les six militants qui ont commencé une grève de la faim. Quel bilan climatique dressezvous du mandat d’Angela Merkel ? Pour moi, le gouvernement n’a jamais activement lutté contre la crise climatique. Angela Merkel a fait beaucoup de greenwashing. La sortie du nucléaire c’était bien, mais il y avait encore beaucoup à faire. Angela Merkel aurait pu contraindre les industries polluantes à réduire leurs émissions de CO 2. Pourquoi les jeunes présents ici ont-ils choisi de faire une grève de la faim ? Pendant le mandat d’Angela Merkel, beaucoup d’entre nous sont allés manifester dans la rue, ont multiplié les actions de désobéissance civile… Mais ça n’a rien changé. Ce n’était pas assez. On en est arrivés à un point où on ne savait plus comment faire pour se faire entendre. Faire une grève de la faim, c’est une façon de montrer à quel point les jeunes sont désespérés. Aucun candidat n’a pour l’instant accepté de rencontrer les militants. Qu’allez-vous faire ? Certains militants qui avaient commencé une grève de la faim ont dû s’arrêter, car cela devenait trop dangereux. Les autres sont vraiment très faibles. Il devient urgent que les trois principaux candidats acceptent de nous rencontrer et d’avoir un débat public. C’est le seul moyen pour stopper ça. - ASTR9d HE STOA.w4sER nos sT.-i4mAiqiu-evezen Isi, militante de 19 ans, sur le camp de grève de la faim à Berlin, jeudi. M. de Fournas/20 Minutes |