6 VENDREDI 10 SEPTEMBRE 2021 ACTUALITÉ Mercredi à New York, au mémorial des attaques sur le site du World Trade Center. Le 20 e anniversaire de l’attentat aura lieu samedi. A. Behar/Sipa 11-Septembre Un deuil éternel Plus de 3 000 enfants ont perdu un parent dans les attentats qui ont frappé le World Trade Center et le Pentagone en 2001 A De notre correspondant en Californie, Philippe Berry shley Bisman avait 16 ans quand elle a vu, sur un téléviseur de son lycée, un avion percuter la tour nord du World Trade Center. Son père, Jeff Goldflam, travaillait pour une banque située au 101 e étage, audessus de la zone d’impact. Comme elle, 3 051 enfants ont perdu un parent lors des attentats du 11 septembre 2001. Parmi eux, 105 sont nés dans les mois qui ont suivi et n’ont donc jamais connu leur père. Tous sont aujourd’hui de jeunes adultes. Pour beaucoup d’entre eux, le 20 e anniversaire des attaques, samedi, « représente une date particulièrement redoutée, avec un deuil personnel à jamais associé à une tragédie nationale », explique Terry Sears, directrice de Tuesday’s Children, une organisation de soutien aux enfants et aux familles touchées par les attentats. Après le drame, les psychologues étaient en grande partie dans l’inconnu : « Ils ne savaient pas quel À VOIR AUSSI Récit d’une journée qui a changé l’histoire serait l’impact, sur le long terme, de la destruction, reprend-elle. Le 11-Septembre est un événement horrifique qui a changé le monde, avec des images terrifiantes à absorber à un jeune âge. C’est difficile de se sentir en sécurité en grandissant sans son père [lire l’encadré] dans un monde où l’inimaginable peut se produire. » Perdre un parent à un jeune âge est une épreuve sans fin. « L’absence est éternelle et se fait particulièrement sentir lors des grandes étapes de la vie, comme une remise des diplômes, un mariage », souligne Terry Sears. Mais le deuil des enfants du 11-Septembre Cette semaine, les 1 646 e et 1 647 e victimes ont été identifiées, mais l’espoir s’amenuise au fil des années. est rendu encore plus difficile par des circonstances hors norme. Les plus jeunes n’ont aucun souvenir d’un parent transformé en figure quasi mythique. Plus de la moitié des familles n’ont pas reçu de restes des défunts, avec 22 000 membres et fragments de corps collectés dans des conditions rendant les analyses ADN difficiles. Cette semaine, les 1 646 e et 1 647 e victimes ont été identifiées, mais l’espoir s’amenuise au fil des années. Dans ses mémoires (Chasing Butterflies, Stone Tiger Books), Ashley Bisman raconte qu’elle espérait que son père ait miraculeusement survécu à l’effondrement de la tour. Jusqu’à ce qu’une de ses cartes de crédit ne soit retrouvée dans les décombres. À chaque anniversaire du 11-Septembre, impossible ou presque d’échapper aux images de la tragédie. Selon Terry Sears, face à cette épreuve, « certains vont à Ground Zero [le site des tours jumelles du World Trade Center] pour la lecture des noms des victimes. D’autres préfèrent le calme d’une randonnée en forêt, ou vont dans le restaurant favori de leur parent défunt. Chaque famille crée ses traditions. » « La résilience est un motif d’espoir » Pour la directrice de l’organisation, « la résilience dont font preuve les enfants est un motif d’espoir ». Certains se dirigent vers des carrières dans la diplomatie ou la résolution de conflits, pour combattre les racines du terrorisme. Plusieurs dizaines de fils et de filles de pompiers décédés ont par ailleurs décidé de marcher dans les pas de leurs parents et ont revêtu l’uniforme. Selon Terry Sears, c’est un thème récurrent : « Espérer que leurs parents, où qu’ils se trouvent, soient fiers d’eux. » Davantage d’hommes victimes Si la directrice de Tuesday’s Children insiste sur l’absence du père, c’est parce que près de 80% des 2 977 victimes décédées le 11 septembre 2001 étaient des hommes. Ils travaillaient pour l’essentiel dans la finance – dont 658 rien que dans la banque Cantor Fitzgerald – ou les assurances, auxquels il faut ajouter 400 pompiers, policiers et secouristes tués, et 125 membres du Pentagone. L’Afghanistan, un « sanctuaire terroriste » ? Thibaut Chevillard 2" Vingt ans après le 11-Septembre, les attentats les plus meurtriers jamais perpétrés, les talibans sont de retour au pouvoir en Afghanistan. « Cela fait craindre un retour d’Al-Qaida, qui avait été chassée de son sanctuaire afghan [par les États-Unis] en 2001 », alerte Jean-Charles Brisard, président du Centre d’analyse du terrorisme. Selon lui, l’Afghanistan pourrait ainsi devenir « un sanctuaire terroriste ». L’hypothèse est d’autant plus forte que « ces dernières semaines, les talibans ont libéré un certain nombre de détenus, dont des membres d’Al-Qaida, des cadres », observe Jean-Charles Brisard. Mais les nouveaux maîtres de l’Afghanistan n’ont pas oublié que les attaques du 11-Septembre, orchestrées par le groupuscule terroriste, leur avaient coûté le pouvoir. Pour Alain Rodier, auteur d’Al-Qaida, les connexions mondiales du terrorisme (éd. Ellipses), les talibans vont, au moins pendant un temps, veiller à ce que des combattants d’Al-Qaida « ne viennent pas en Afghanistan pour préparer des actions à l’étranger » : « Pour le moment, leur problème, c’est de faire vivre ce pays. » « Émulation » dans la djihadosphère Reste que la prise de contrôle des talibans « a créé dans la djihadosphère une émulation évidente qui peut contribuer à renforcer la menace terroriste », note pour sa part Jean-Charles Brisard : « Elle est d’une telle force symbolique qu’elle peut inspirer des passages à l’acte. » Une menace prise d’autant plus au sérieux qu’Al-Qaida a diffusé le 15 juillet une vidéo visant à « condamner le blasphème incarné par les caricatures de Mahomet », dans laquelle la France est « vilipendée ». La prise de pouvoir des talibans fait craindre un retour d’Al-Qaida dans le pays. M. Asif Khan/AP/Sipa |