6 LUNDI 6 SEPTEMBRE 2021 « Ils risquent d’entendre des choses violentes » Parmi les victimes des attentats du 13-Novembre, certaines se préparent à témoigner, pendant que d’autres hésitent encore à livrer leur récit à la barre G D Hélène Sergent epuis le 13 novembre 2015, Vincent s’est plusieurs fois imaginé la scène : « Je vois ce moment où j’aurai fini de parler. Je vais tourner le dos à la cour et partir. » Pour ce trentenaire, partie civile au procès des attentats du Bataclan, des terrasses parisiennes et du Stade de France, il ne s’agit pas seulement de « témoigner », mais également de « déposer » : « C’est comme se délester d’un paquet, le donner à la société et pouvoir se dire, après, « la vie continue ». » Victime de l’attentat commis par Brahim Abdeslam au Comptoir Voltaire (11 e), ce Parisien est désormais sûr « à 90% » de témoigner. Comme lui, près de 1 800 victimes des attaques terroristes de Paris et Saint- Denis seront représentées au procès CRÉATION 3 SEPTEMBRE – 17 OCTOBRE, 21H J’HABITE ICI TEXTE ET MISE EN SCÈNE JEAN-MICHEL RIBES RÉSERVATIONS 01 44 95 98 21 — THEATREDURONDPOINT.FR ACTUALITÉ qui doit s’ouvrir mercredi. Pour les entendre, la cour d’assises spéciale a prévu cent cinquante heures d’audition (soit près de 300 témoignages), entre septembre et novembre. « Pas tout blanc ou tout noir » Vincent a longuement réfléchi à ce qu’il souhaitait dire à la cour : « Je compte raconter ce que j’ai vécu ce soir-là, évidemment. Mais aussi les conséquences de l’attentat sur ma vie, positives et négatives, parce que ce n’est pas tout blanc ou tout noir. » Au début de l’été, le jeune homme a informé ses proches de sa volonté de témoigner. Depuis, il a tenu à les préparer : « Ils risquent d’entendre des choses violentes, que je ne leur ai jamais dites. Jusqu’à présent, j’ai mis des filtres sur certains pans de mon histoire, mais je ne compte pas le faire pendant mon témoignage. » Malgré le travail de préparation des associations (lire l’encadré), beaucoup hésitent encore à témoigner. « Les victimes qui ont perdu un proche mais qui n’étaient pas sur place le soir des attentats s’interrogent sur l’intérêt de leurs témoignages », confie Philippe AVEC OLIVIER BROCHE MANON CHIRCEN ROMAIN COTTARD CHARLY FOURNIER ANNIE GRÉGORIO JEAN JOUDÉ ALICE DE LENCQUESAING PHILIPPE MAGNAN MARIE-CHRISTINE ORRY STÉPHANE SOO MONGO Duperron, président de l’association 13onze15. D’autres, explique Arthur Dénouveaux, président de Life for Paris, ont le sentiment d’avoir déjà tout dit à l’occasion de reportages ou d’interviews accordées à la presse. Pour autant, Arthur Dénouveaux le sait, ce moment est aussi très attendu parmi les victimes des attentats : « Il y a des personnes qui n’ont jamais témoigné jusque-là et qui vont y aller. Parce que ce témoignage à la barre, dans l’enceinte judiciaire, c’est le témoignage le plus « pur ». » La menace terroriste islamiste reste élevée en France À Thibaut Chevillardlla fin de l’été 2015, des combattants djihadistes expérimentés quittent la Syrie et empruntent la route des Balkans en se faisant passer pour des réfugiés. Quelques semaines plus tard, le 13 novembre, le commando sème la mort dans les rues de Paris et de Saint-Denis au nom de Daesh. Aujourd’hui, avec le déclin du groupe terroriste, ce que les spécialistes qualifient de « menace projetée » a « considérablement diminué », explique une source sécuritaire. Toutefois, la menace terroriste islamiste reste élevée, comme l’ont rappelé les derniers attentats survenus Des groupes terroristes n’ont pas renoncé à frapper l’Occident. sur le territoire : six en 2020, un en 2021. Leurs auteurs sont « sans lien avec les organisations terroristes mais, sous l’effet de la propagande, décident de passer à l’acte », a résumé le directeur de la DGSI, Nicolas Lerner, lors d’un point presse. Mais ces attaques n’ont pas été conçues et élaborées depuis la Le risque d’attaque sur le territoire a diminué, mais il existe toujours. P.Dejong/AP/Sipa 2G1 Le procès se tiendra à partir de mercredi dans cette salle construite pour l’occasion, à Paris. T. Coex/AFP Une phase de préparation Pour faciliter les prises de parole, les associations de victimes ont multiplié les initiatives à destination de leurs adhérents. « On fait des points réguliers pour leur expliquer qui fait quoi dans une cour d’assises, explique Arthur Dénouveaux. L’année dernière, on a aussi emmené des volontaires au procès des attentats de janvier 2015. » Au cours de l’été, des visites de la salle d’audience, construite pour l’occasion au palais de justice de l’île de la Cité, à Paris (1 er), ont été organisées. zone irako-syrienne, comme cela avait été le cas entre 2014 et 2016. Même si le risque est moindre, les services de renseignement n’excluent pas que des terroristes puissent être à nouveau envoyés en France pour commettre une attaque. Il reste dans la zone irako-syrienne des groupes terroristes qui n’ont pas renoncé à frapper l’Occident. Parmi eux, estiment les services de renseignement, un contingent de Français a fait le choix de ne pas se rendre. |