6 MERCREDI 7 JUILLET 2021 Leur préoccupation pour le sort de la planète tourne parfois à l’obsession Delphine Bancaud Les forêts en danger, la canicule, la pollution… Chaque semaine, les ados entendent parler du dérèglement climatique. Ces dernières années, la médiatisation de Greta Thunberg et les marches pour le climat ont enfoncé le clou. « Les adolescents sont très imprégnés par les discours ambiants et les informations qui sont relayées via les réseaux sociaux et les chaînes d’information », observe le pédopsychiatre Stéphane + DE 20 MINUTES PLANÈTE Le souci de préservation de la nature peut entraîner des troubles du sommeil, entre autres, chez les jeunes gens. Illustration : TheHillaryClark/Pixabay Psychologie Des ados de plus en plus éco-anxieux Clerget. Une exposition qui n’est pas sans conséquences. « Il y a une flambée des préoccupations écologiques chez certains de mes patients adolescents depuis quelques années », analyse le spécialiste. Même son de cloche pour « D’autres inquiétudes se surajoutent à cette écoanxiété. » Christine Barois, psychiatre la psychiatre Christine Barois : « La plupart du temps, cette écoanxiété se surajoute à d’autres inquiétudes. Des angoisses sont ravivées à chaque nouvelle catastrophe climatique. » Premières cibles de cette éco-anxiété : « Les adolescents des milieux socioéducatifs favorisés, qui sont les plus informés », constate Christine Barois. « Le fait qu’il n’y ait pas de moment scolaire dédié où les enfants puissent aborder avec leurs enseignants l’effondrement de la biodiversité ou le réchauffement climatique les laisse très seuls face à leurs inquiétudes », estime Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Autre facteur explicatif, selon cette dernière : « Les adolescents sont soumis à des injonctions contradictoires : d’un côté, les marques et les youtubeurs les incitent à consommer, et de l’autre, ils sont conscients de l’impact écologique de leur mode de consommation. » Parfois, cette inquiétude pour le sort de la planète prend d’énormes proportions. « Les émotions qu’ils traversent peuvent ressembler à celles que l’on éprouve lors d’un deuil : ils ont peur, se sentent impuissants, sont en colère contre les hommes politiques et les entreprises », relève Valérie Masson-Delmotte. « Cette éco-anxiété peut engendrer des troubles du sommeil ou du comportement alimentaire », complète Stéphane Clerget. « J’ai perdu confiance en l’avenir » Cette crainte sur le destin de notre planète a des répercussions sur la manière dont certains imaginent leur vie future. « J’ai perdu confiance en l’avenir, et donc en moi », déclare Jean, qui a répondu à notre appel à témoignages. Difficile aussi pour Ambroisine de se projeter : « Travailler et étudier n’a plus aucune espèce de sens. C’est comme continuer à être aveugle, à emprunter le même chemin. » Même l’angoisse d’une mort précoce taraude Auréanne : « Vais-je mourir à 50 ans d’un cancer à cause de la pollution et des pesticides ? », interroge-t-elle, avant de poursuivre : « Je ne sais pas du tout si j’aurais des enfants. Je ne veux pas qu’ils m’en veuillent de les avoir mis au monde. » L’éco-anxiété conduit même certains ados à changer leurs projets : « Ça remet en cause mon ambition d’être actrice. Car ce métier implique beaucoup de voyages », confie Auréanne. « Je veux me lancer dans la politique pour être plus à même de protéger l’avenir de notre génération et de celles du futur », déclare de son côté Marine. D’autres s’engagent. « J’ai fondé avec des amis un collectif et nous organisons des clean walks », indique Nicolas. « Certains parents se retrouvent avec des «Greta» à la maison. » Stéphane Clerget, pédopsychiatre Difficile aussi pour certains ados de se départir d’une forme de culpabilité. « Des parents se retrouvent avec des «Greta» à la maison, systématiquement en opposition avec eux », poursuit Stéphane Clerget. Face à cette écoanxiété, les parents peuvent cependant être un moteur positif. « Ils doivent apprendre à leurs ados à valoriser leurs petites actions, conseille Christine Barois. En agissant sur le terrain [associations, marches...], leur inquiétude pour la planète leur paraîtra moins anxiogène. » Une pandémie, mais de l’espoir Paradoxalement, la crise du Covid-19 a donné à certains ados des raisons d’y croire. « Pendant le confinement, nous avons vu une vraie chute des émissions des gaz à effet de serre, le retour des animaux, souligne Noémie. Ce qui prouve que c’est possible de résoudre ensemble ce problème, si l’on s’en donne les moyens. Cette crise a changé les habitudes des gens. » |