ACTUALITÉ « On est la poussière sous le tapis » Covid-19 La déprogrammation des soins est un vrai cauchemar pour les patients concernés En France, 93 000 personnes sont mortes du coronavirus depuis le début de l’épidémie. Mais ce n’est que l’un des aspects mortifères de la situation sanitaire. En raison de la saturation des hôpitaux et de l’occupation massive des lits de réanimation, la pandémie entraîne le report de nombreuses opérations pour d’autres maladies, afin de rabattre les capacités des hôpitaux sur cette seule épidémie. Des déprogrammations déjà entreprises lors de la première et de la seconde vague. « Sous prétexte qu’on ne va pas mourir tout de suite, on se fiche bien de notre sort. » Camille Techniquement, « ce sont les opérations les moins urgentes qui sont déprogrammées les premières », rassure le docteur Jérôme Marty, président du syndicat Union française pour une médecine libre. Mais à force de voir le coronavirus saturer toujours plus les hôpitaux, « on finit fatalement par déprogrammer des opérations de plus en plus importantes ». La météo en France s P.Lopez/AFP I n men ? rurr.n.fOraméldo V’là le doux printemps, on espère pour longtemps Avec l’arrivée d’un front atténué, quelques gouttes s’observent de la Bretagne au Cotentin, tandis que le ciel se voile à l’avant. Le soleil est cependant bien présent sur le reste du pays. Le temps se radoucit partout. L’impression est printanière. Prévisions ultra détaillées I -rv-wER-AppLis mettet LAC H AMRI ETEO. COM 2 Jeudi 25 mars 2021 Près de 80% des soins hors coronavirus vont être déprogrammés en Ile-de-France, afin de récupérer des lits. Pour les personnes concernées, un sentiment d’abandon domine. « On est les grands oubliés de l’épidémie, déplore Camille*, 63 ans et atteint d’un cancer. Aujourd’hui, dans la cinquième puissance mondiale, on ne peut pas soigner tout le monde, et on met des gens de côté. » Elle dit comprendre le calcul : les malades du coronavirus en réanimation mourront assurément sans prise en charge, tandis que, pour elle, il y a un espoir, même en cas de report de l’opération. Il n’empêche, elle redoute un énième report, après ceux de la première et de la seconde vague : « Il y a un pari fait sur notre santé pour soigner celle des autres, plus urgentes. Je veux bien essayer de le comprendre, mais ça reste inacceptable et inadmissible. » La peur envahit la séxagénaire de plus en plus : « La nuit, je cauchemarde sur mes tumeurs qui augmentent et se développent, elles qui auraient dû être traitées dès avril 2020 et ne l’ont été qu’en juin. Résultat, métastases deux mois plus tard. On devient fous à penser à tout ce temps perdu sur la maladie. » En plus des soins, c’est un abandon politique et médiatique que ressentent ces patients. « On est la poussière cachée sous le tapis, souffle Camille. Sous prétexte qu’on ne va pas mourir de suite, on se fiche bien de notre sort. » Elle s’interroge : pourquoi ne La troisième vague s’accompagne d’un rajeunissement des patients Réanimation Depuis quelques jours, l’épidémie de Covid- 19 accélère et les chiffres ne cessent d’augmenter en services de réanimation. A l’orée de cette troisième vague, qui pèse très lourd sur les hôpitaux français, nombre de médecins notent un rajeunissement des patients en réa. « Dans la situation actuelle, l’épidémie a un visage un peu différent, avec des patients plus jeunes dans les services de réanimation », note le P r Djillali Annane, chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (AP-HP). Alors que les 60-75 ans occupaient ces unités lors de la première vague, depuis le 16 juillet, cette moyenne a baissé : la tranche d’âge des 50-60 ans représente désormais 53% des patients. pas mettre le nombre d’opérations annulées ou reportées dans les bilans de Santé publique France, pourquoi si peu de politiques mentionnent cette problématique, pourquoi une telle inconsidération ? Impossible aujourd’hui de mesurer pleinement la catastrophe sanitaire de ces déprogrammations, tant leur nombre comme leurs conséquences sont difficiles à estimer – a fortiori avec la troisième vague qui va encore les multiplier. Pour Jérôme Marty, « on en mesura la portée que dans plusieurs années, avec un fort ressentiment à ce moment-là ». Jean-Loup Delmas *Le prénom a été changé Et ce « glissement » s’accélère ces dernières semaines. « En octobre, l’âge médian des patients était aux alentours de 65 ans, rappelle-t-il. Il est actuellement de 60 ans. » Et les plus jeunes ne sont pas épargnés : « Si on prend les cinq derniers jours, la tranche des 20-40 ans représente 10% des patients en réanimation au niveau national. » Pourquoi un tel changement ? Outre l’augmentation du nombre de cas, l’autre explication, selon le P r Annane, se trouve dans l’apparition du variant britannique « qui représente plus de 90% des formes graves en Ile-de-France. Très clairement, il entraîne une forme plus sévère que la forme originelle. Elle va provoquer davantage de formes symptomatiques graves, y compris chez les sujets jeunes. » Lucie Bras |