02 n°91 sep/oct/nov 2019
02 n°91 sep/oct/nov 2019
  • Prix facial : gratuit

  • Parution : n°91 de sep/oct/nov 2019

  • Périodicité : trimestriel

  • Editeur : Association Zoo galerie

  • Format : (210 x 297) mm

  • Nombre de pages : 92

  • Taille du fichier PDF : 9,6 Mo

  • Dans ce numéro : les frères Quistrebert.

  • Prix de vente (PDF) : gratuit

Dans ce numéro...
< Pages précédentes
Pages : 44 - 45  |  Aller à la page   OK
Pages suivantes >
44 45
4 Interview Sylvain Darrifourcq 2 une recherche avec le chorégraphe catalan Toméo Vergès que j’ai découvert à travers sa pièce Anatomia Publica qui donne à voir de façon théâtrale des gestes du quotidiens parcellisés, répétés jusqu’à apparaître surréalistes. Justement, j’ai vu que Liz Santoro collaborait aussi à FIXIN… Oui, sur ce projet, elle fait du conseil chorégraphique en ce qui concerne la dimension performative. J’admire beaucoup le travail qu’elle mène avec Pierre Godard autour des biais perceptifs. La question de l’efficacité vous intéresse-t-elle particulièrement ? Elle fait partie de mes intérêts, oui. Une des choses qui me fascinent le plus en musique live, c’est l’anticipation du geste, les gens dont les intentions sont très claires  : leur geste est très clair, l’émission du son est très claire, ça m’impressionne toujours. Et qu’il s’agisse d’un interprète de musique écrite ou de quelqu’un qui improvise. Mais je trouve qu’il y a, dans l’improvisation, quelque chose d’inefficace. Certaines musiques improvisées sont une réunion de gens qui n’ont pas forcément les mêmes langages, qui ne travaillent même pas forcément sur les mêmes esthétiques, qui n’utilisent pas leur instrument de la même façon et qui, parfois, ont même des rapports au temps complètement différents, qui font des concerts ensemble. Alors pendant quarante-cinq minutes, c’est très ennuyeux, parfois même mauvais, et puis tout à coup, il y a cinq minutes qui émergent comme une pépite. Après avoir adhéré à ce dogme de la liberté de l’improvisation contre la contrainte de l’écriture ; à force d’en écouter et d’en faire moi-même, je me suis rendu compte que ce qui est intéressant pour tout le monde, ce sont ces cinq minutes là. Comment supprimer le reste ? En réinstaurant des contraintes, et c’est entre l’ultra contrainte et le degré zéro de contrainte que se trouvent ces cinq minutes. C’est bien évidemment un lieu commun mais la liberté ne se pense qu’au travers de la contrainte. Dans le milieu de l’improvisation qui est historiquement très politisé et situé très à gauche (du free jazz américain que l’on peut grossièrement amalgamer aux revendications politiques des Noirs américains, aux musiques improvisées européennes apparues dans les années 1960-70), il y a cette idée de liberté sans contrainte qui rejoint une forme d’anarchisme politique. En tant qu’artiste, je suis imprégné de ces histoires et il me faut m’en défaire car elles conditionnent mes choix. Pour moi, commencer un geste ouvertement et m’arrêter net, ça a vraiment une valeur d’efficacité. L’information que j’envoie est directe. Tout ce vers quoi je tends ces dernières années, c’est exactement ça  : une émission, une intention très claire. D’où ce rapport à l’informatique, à la rationalité, que je mentionnais. Ces questionnements sont nés de ma pratique d’improvisateur et d’un certain agacement envers ces quarante-cinq autres minutes. Et donc pour FIXIN, la musique est écrite, il n’y a aucun moyen que ça se dérègle, que ça déraille ? Effectivement. Mais je vais donner l’illusion qu’il y a des choses qui déraillent, du moins dans la version performée. Je travaille en parallèle sur des ramifications du projet  : une version installation pure et une version sonore délestée du dispositif lumière. L’une comme l’autre intègreront des modules plus souples où l’aléatoire aura une place plus importante. Pour revenir un peu en arrière, la genèse de ce projet s’est faite avec d’autres prototypes — ceux que j’ai utilisés avec Zimoun—, fabriqués par un autre artiste, Florent Colautti. Pour cette version j’utilisais une banque de sons que je m’étais fabriquée et qui me permettait d’improviser avec les moteurs. Via TouchOSC et mon téléphone, je commandais les moteurs à distance et en direct, tout en jouant de la batterie, mais toujours dans ce rapport on/off. Alors que là, non… Là, non, pas du tout. Au départ du projet les possibilités m’ont semblé infinies. Il a fallu que j’appréhende toutes les contraintes techniques en même temps que je précisais les contours artistiques. L’aléatoire faisait partie des données qui me séduisaient en tant que musicien mais ne me semblaient pas pertinentes quand j’imaginais l’interaction lumière/moteurs/humain. Je pense qu’avec une certaine façon d’écrire, je peux donner l’illusion que j’interagis en direct avec les moteurs et le dispositif lumineux. C’est du moins le défi que je me suis lancé. La limite communément attribuée à l’écriture est la répétition du même et l’ennui qui pourrait en découler, en tant qu’interprète. Pourtant la solution est simple  : changer d’écriture, assouplir le dispositif… Rien d’effrayant finalement. Vous parlez d’un « homme-machine », d’un prolongement de votre corps par le système motorisé  : étiez-vous déjà, en tant que musicien, dans une relation prosthétique avec votre instrument ? Oui, depuis longtemps finalement. L’expérience de l’orchestre a aiguisé ma sensibilité aux alliages de timbres. Être compositeur, c’est finalement organiser dans le temps ces possibilités qui aujourd’hui peuvent être infinies avec l’électronique. Depuis mes vingt ans — âge où j’ai commencé à travailler avec des compositeurs issus des mouvances acousmatiques —, j’ai été fasciné par les possibilités que permettait l’agrandissement de mon set de batterie. Cela s’est fait dans deux directions  : l’une via des micros posés sur ma batterie qui repassaient dans des pédales d’effet ; l’autre clairement acoustique mais dans une sorte de mimétisme à l’électronique  : pour cela, j’ai dû inventer des gestes particuliers à certains objets de récupération (souvent de cuisine) mais aussi aux petits moteurs de sex toys, très faciles et rapides à manipuler. Le but étant de dépasser les limites et les paradoxes de mon instrument pour devenir un homme-orchestre, si ce n’est un homme-machine.
Sylvain Darrifourcq, FIXIN, 2019. Extraits du teaser réalisé par Romain Al’l/Still from the video teaser directed by Romain Al’l. 4 Interview Sylvain Darrifourcq 3



Autres parutions de ce magazine  voir tous les numéros


Liens vers cette page
Couverture seule :


Couverture avec texte parution au-dessus :


Couverture avec texte parution en dessous :


02 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 2-302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 4-502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 6-702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 8-902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 10-1102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 12-1302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 14-1502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 16-1702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 18-1902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 20-2102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 22-2302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 24-2502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 26-2702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 28-2902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 30-3102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 32-3302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 34-3502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 36-3702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 38-3902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 40-4102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 42-4302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 44-4502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 46-4702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 48-4902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 50-5102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 52-5302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 54-5502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 56-5702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 58-5902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 60-6102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 62-6302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 64-6502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 66-6702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 68-6902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 70-7102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 72-7302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 74-7502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 76-7702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 78-7902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 80-8102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 82-8302 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 84-8502 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 86-8702 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 88-8902 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 90-9102 numéro 91 sep/oct/nov 2019 Page 92