24 TERRITOIRE 25 ÉCONOMIE Depuis 15 ans, les deux frères étudient la terre, la culture de céréales et de légumineuses pour faire évoluer leurs pratiques. Gaec Thibault Le bio en toute connaissance Marc Thibault se souvient des étés passés à aider sur l’exploitation familiale, avec son frère Franck. Après leurs études, ils décident de s’associer et fondent un Groupement agricole d’exploitation en commun (Gaec), en 1991. À l’époque, rien ne les distingue des techniques de cultures dites conventionnelles qui sont développées tout autour d’eux. Ou plutôt si, ils se distinguent déjà en pratiquant le « sanslabour, c'est-à-dire en travaillant la terre superficiellement, sans la matraquer. Il y a une expression qui dit : on retourne la terre, on cache la misère. » Ils réduisent également les doses de produits phytosanitaires. Leur conversion au bio dans leurs cultures de céréales et de légumineuses va se faire dix ans plus tard. Les deux frères possèdent 230 hectares de terres, à Michery et dans les environs, dans le périmètre d’un captage d’eau. Un relevé montre alors un taux de nitrates de 52 mg tandis que le maximum est de 50. Pour eux, c’est un choc qui va décider de leur passage en bio. « Nous avons réussi à redescendre à 34 mg. Mais nous avons vu partout des captages fermer parce qu'au-dessus de la norme. » Marc Thibault s’inquiète : « Le bio devrait être un choix de vie. J’ai peur que certains utilisateurs finissent par être obligés d’y passer pour ne pas être malades… » Une conversion très simple sur le terrain – « il suffit d’arrêter de répandre des produits ! » –, mais compliquée sur le papier : « Ça nous a pris deux ans. Il faut se battre pour obtenir les aides promises. Quand on commence à comprendre comment ça fonctionne, les règles changent et il faut tout reprendre. » Là où en agriculture conventionnelle poussent essentiellement du blé, de l’orge et du colza, Marc et Franck Thibault suivent une rotation précise d’une douzaine de cultures différentes. Ils utilisent également l’association vertueuse de végétaux et le « couvert végétal », capable de lutter contre l’érosion des sols, certaines pollutions, la repousse de végétaux non désirés, ou de produire de l’engrais. Cultivés et transformés à la ferme Ils s’estiment gagnants économiquement : « Il y a beaucoup de travail mais il est étalé tout au long de l’année. Nous avons beaucoup moins de dépenses en achat de produits ou de matériels donc un besoin de trésorerie qui n’est pas aussi important. En cas de mauvaise météo et donc de rendements faibles, nous serons moins impactés que des exploitations où il faut, quoiqu’il arrive, tout acheter et rembourser d’une année sur l’autre. » Il est pourtant un domaine dans lequel les producteurs bio sont très inquiets : les semis. « Nous nous battons pour faire connaître les semences bio. En 2011, des coopératives ont créé l’Union bio semences. Nous devons partir des semences inscrites sur la liste officielle, mais nous réalisons la multiplication dans nos exploitations certifiées bio, ce qui permet ensuite de fournir les agriculteurs qui peuvent retrouver le contrôle sur leurs semences et leurs pratiques. C’est essentiel, que l’on parle de santé ou d’économie ! » Leur développement, les frères Thibault le voient dans la valeur ajoutée induite par la transformation de leurs produits. Après les farines, les pains, un projet d’atelier de pâtes au blé dur, ainsi que d’autres spécialités, pourrait voir le jour. Nathalie Chappaz natali.cha@free.fr Gaec Thibault, 31, rue des Anciens Combattants d’AFN, 89140 Michery. Tél. : 06 15 75 70 26. E-mail : franckthibault@wanadoo.fr Vente en circuits courts Les différentes céréales et légumineuses produites au Gaec Thibault sont transformées sur place en autant de farines, dans un moulin en bois. Soit une production annuelle de 10 tonnes de farine de blé et 3 tonnes d’autres farines, de l’épeautre à la lentille. La vente se fait à la ferme, en magasins bio, en Amap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne) ou via le Drive fermier sénonais. Le Gaec fournit également des cantines de collèges de la région en lentilles, farines et pâtes. Au fil de l’Yonne - novembre 2016 # 132 |