Expression -Tribune libre réservée au groupe de l’opposition départementale Un risque bien varois La répétition des incendies de forêt (41 sur plus de 50 ha ces trente dernières années), l’ampleur prise par certains d’entre eux (26 000 ha brûlés en 1990 dont 8 400 dans le massif des Maures ; 18 000 ha brûlés en 2003 dont 14 000 dans le massif des Maures), de 1986 à 2006, plus de 85 000 ha brûlés pour 7 400 départs de feu, des blessés et 27 victimes dont 24 sapeurs pompiers et pompiers du ciel, ont rendu évident qu’il s’agit bien d’un risque majeur pour le Var. Par contre, l’émotion passée, le risque inondation peine lui à être pris au sérieux et plus encore à déboucher sur l’affirmation d’une politique de prévention. Ce n’est pas faute de catastrophes dévastatrices. Celle de juin 2010, focalisée sur 40 à 50 km² autour de Draguignan, a causé 25 victimes, et 1,2 milliard d’euros de dégâts ; celle de novembre 2011, sur un territoire bien plus vaste, 4 morts et entre 500 millions et 800 millions d’euros de dégâts. Si la première, brutale, se déployant selon un procès inconnu des modèles de prévision, désorganisatrice des communications et des services de secours, a eu un caractère très exceptionnel, ce n’est déjà plus le cas de la seconde qui s’est déroulée selon un processus parfaitement connu. Mais, tout autant que l’ampleur des catastrophes, ce qui frappe c’est leur caractère répétitif et leur distribution sur l’ensemble du Var. De 1959 à 2009, la chronique varoise a retenu au moins 15 années d’inondations, plus ou moins importantes. Aucune commune ou partie de commune ne peut raisonnablement se croire à l’abri d’une mauvaise surprise. Ainsi, en juin 2010, c’est le village de Figanières, réputé non inondable, qui fut le plus touché quand le quartier réputé l’être le fut moins et surtout moins dangereusement. De quoi rendre moins péremptoire dans la détermination administrative des zones inondables. Et puis, comme l’ont bien montré, après l’inondation dracénoise de 2010, les tragiques évènements de La Garde (octobre 2012) et d’une certaine manière ceux encore plus récents du Golfe et de la basse vallée du Gapeau, aux risques classiques liés à la présence de cours d’eau comme la Nartuby ou l’Argens, liés à la surcote marine, aux débordements du moindre Riou sous l’effet de précipitations soudaines, est venu s’ajouter le ruissellement urbain insuffisamment pris en compte par des réseaux, souvent sous-dimensionnés. Aujourd’hui la ville inonde la ville. Même l’ampleur de la catastrophe de juin 2010, doit plus à une étrange amnésie collective qu’au réchauffement climatique et aux caprices du ciel. Ainsi pouvait-on lire dans un rapport du Conseil général des ponts et chaussées du 5 avril 1989, rédigé après la catastrophe de Nîmes, que « si le concours de circonstances paraît exceptionnel, il peut se reproduire en tout ou en partie dans d’autres villes et (qu’il) convient donc d’examiner si certaines d’entre elles ne sont pas particulièrement menacées ». Suit une cartographie des zones météo sensibles sujettes à des précipitations intenses et concentrées ainsi qu’une liste des villes susceptibles d’être menacées. Pour le Var : Toulon, Bandol, Sanary, Hyères, Saint-Tropez, Sainte-Maxime, Saint-Raphaël, "Cavalaire (avec un caractère assez aigu) et peut-être Draguignan" (p. 56) Faute de prise de conscience de l’importance du risque inondation dans le Var, les "retours d’expérience" sur les évènements de juin 2010 ont montré d’incontestables carences en matière d’élaboration, de mise en place et de mise à jour des outils réglementaires prévus pour y faire face, en matière de connaissance du comportement des fleuves côtiers et d’équipement de suivi, en matière de prévention des crues, de connaissance et de suivi du ruissellement urbain ; que le département est particulièrement en retard dans la mise en place des établissements publics de coopération susceptibles de porter la politique collective de prévention de l’inondation tant en matière d’investissements que d’entretien. Ce qui ne signe pas pour autant une "exception varoise", cette situation ayant été celle des autres départements méditerranéens avant qu’une ou plusieurs catastrophes majeures ne les amènent à réagir. Même l’installation de centres de secours en zone inondable, de centres pénitentiaires ou de préfectures dans le lit majeur des rivières et des fleuves, n’est pas une spécialité varoise, tant s’en faut ! Mais depuis ces départements ont réagi. La conclusion est simple : il nous reste à les suivre et à doter le Var des établissements publics- "des" parce que cela ne concerne pas seulement le bassin de l’Argens- qui seuls pourront assurer la coordination des actions de protection, porter, dans le cadre des Programmes d'Actions de Prévention des Inondations (PAPI), les investissements, réaliser les entretiens nécessaires. Indispensables, les PPRI ne sauraient suppléer le manque de ces instruments de gouvernance et une prise en compte sérieuse du ruissellement dans les aménagements urbains. Dans un département aussi urbanisé que le Var, mieux vaudrait en tenir compte le plus rapidement possible ● Pierre-Yves Collombat, sénateur, président du Groupe des élus de la gauche varoise 22 - janvier 2013 - VarMag’187 |