12 Avec les yeux de... Marie Jourdain T.CHASSEPOUX Pigments de vie Ses fresques colorées donnent un supplément d’âme au patrimoine rural. dr T. Chassepoux À Chevagny-sur-Guye, charmant petit village en pierre entre Mâcon et Montceau-les-Mines, le bestiaire imaginaire de Marie Jourdain s’expose fièrement sur les façades. Ici, entre les branchages d’une glycine, on peut apercevoir un singe penseur, une paire de lunettes à la main. Là, ce sont des oiseaux qui déplient leurs ailes colorées et majestueuses. Plus loin, sur les murs du pont-bascule de Saint-Marcelinde-Cray, des chèvres facétieuses dansent avec des renards. Pour la jeune artiste, tout est source d’inspiration, dont la nature, indéniablement. Blotti au creux du bocage charolais, Chevagny-sur-Guye est cerné de vallons, de pâtures et de vieilles pierres. La sérénité qui se dégage de ce paysage si particulier est « indispensable », dit-elle, pour puiser des émotions au fond de soi et créer. Marie Jourdain se nourrit aussi d’histoires — celles du festival régional Contes givrés dont elle imagine le logo et les affiches depuis des années — mais aussi de l’Afrique où elle a grandi, de mythologie, d’art médiéval, de bande-dessinée… entre autres ! À l’écouter, on comprend vite que l’art est partout, du plus petit bout de bois jusqu’au crépi d’une maison. En sculptant, en dessinant, en peignant, elle dit « créer du lien ». Et c’est vrai ! Quand elle réalise des fresques dans un village, il n’est pas rare que des habitants ou des gens de passage lui rendent visite pour la féliciter, la questionner ou simplement discuter. Elle se souvient qu’un jour, un agriculteur est descendu de son tracteur pour parler peinture avec elle. Ces réactions chaleureuses sont à la fois un moteur et un but. Elles sont aussi la signature de notre belle région, affirme-t-elle. Marie Jourdain aime poser ses pigments naturels dans tous ces lieux qui font partie du patrimoine mais que l’on finit par ne plus regarder. Une façade enlaidie par le temps, un mur décrépi, une ancienne bâtisse… elle adore ! Ses personnages empreints de vie et de poésie suffisent à leur redonner vie. Elle peint toujours en harmonie avec le paysage. Jamais de couleurs criardes, mais toujours des teintes naturelles, en respect avec la chromatique environnante. Entre deux fresques, la plasticienne dirige aussi des ateliers. Au collège Jean-Moulin de Montceau-les-Mines, elle montre aux adolescents comment l’art peut donner confiance en soi et aider à se construire. Dans son atelier ou en maison de retraite, elle accompagne des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer qui, grâce à l’art plastique, parviennent à recomposer le puzzle de leur propre vie dont certains aspects, pourtant, leur échappent. Marie Jourdain n’est pas une artiste recluse dans son atelier, elle se tourne volontairement vers les autres, pour apporter « de la lumière, de l’ouverture, de l’échange ». Pour elle, les rencontres sont autant de petites graines, « certaines pourrissent, mais d’autres donnent de beaux arbres ». un lieu La chapelle de Saint-Quentin Elle est construite sur des menhirs, au sommet d’une colline. Un paysage surprenant qui force au recueillement, selon l’artiste. une date 1989 Marie Jourdain quitte le Mali où elle a grandi. Elle atterrit à Saint-Marcelin-de-Cray en Saône-et-Loire. T. Chassepoux un objet L’hippopotame Cette boîte en bois sculpté lui a été offerte par un artiste malien. Le symbole de la générosité africaine ! N°45• février 2013• Le journal du Département de saône-et-loire