20 PORTRAIT Il ne cessait de répéter que sa vie était un conte de fées peuplé de monstres. De ses névroses, Tomi Ungerer qui vient de nous quitter à l’âge de 87 ans avait fait le terreau d’une œuvre foisonnante, géniale et universelle. EN 5 DATES Comment diable un même artiste peut-il exceller dans des registres aussi variés que l’affiche publicitaire, le dessin érotique, le livre pour enfants ? De ses ouvrages pour adultes jugés sulfureux en leur temps, jusqu’aux Trois brigands et au Géant de Zeralda, chefs-d’œuvre absolus de la littérature enfantine, Tomi Ungerer excella dans tous les genres. Un génie éclectique qui beaucoup dérangea, certains déniant même à l’auteur de « Fornicon » le droit de faire des livres pour enfants. Son goût pour l’érotisme, Tomi l’assuma pleinement : « Tout comme la mer, c’est pour moi une libération ». Mais pour le reste, ses détracteurs n’avaient-ils pas vu que l’artiste y dénonçait la mécanisation du sexe et par là-même l’artificialisation des rapports humains ? « Ce long échalas méphistophélique » selon les mots de l’écrivain Bernard Clavel Tomi Ungerer LE MORALISTE INQUIET 1931 Naissance de Jean-Thomas dit Tomi Ungerer à Strasbourg 1940-1945 Subi l’endoctrinement nazi dans son école à Colmar 1956 Part pour New York avec 60 dollars en poche 1998 Prix Hans-Christian-Andersen, le Nobel du livre pour enfants 2019 Mort à Cork en Irlande est assurément un diablotin et un agent provocateur qui a fait de la bravade son arme favorite pour mener à bien son combat contre la bêtise, le racisme et l’intolérance. Mais bien plus encore, Tomi Ungerer aura été un homme inquiet, angoissé, marqué à jamais par le totalitarisme, ce mal absolu qu’il a côtoyé au cours de son enfance. « J’ai eu droit à un embrigadement intellectuel sans pareil. Pendant ces 4 années, j’ai été conditionné comme un chien de Pavlov. Ce lessivage de cervelle m’est resté comme une tache indélébile dont je n’ai jamais réussi à me débarrasser ». Très tôt, Tomi prend conscience de la relativité de toute chose, de l’omniprésence du mal, des démons prêts à resurgir dès que les esprits s’endorment. Alors, pour ne jamais baisser la garde, il s’est inventé une devise : « don’t hope, cope ! ». N’espère pas, agis. « Finalement le grand truc dans la vie, c’est de tourner la merde en engrais. C’est ce que j’essaye de faire ; donner un terrain fertile au sourire ». |