24 PORTRAIT Après avoir longuement côtoyé « la saloperie de la vie » comme médecin humanitaire, Louis Schittly a trouvé son ultime refuge dans sa ferme de Bernwiller, convaincu que le plus grand malheur de l’homme est de n’avoir pas su rester fidèle à la terre. Ils étaient tous là l’été dernier dans son verger-jardin, au milieu duquel trône une petite chapelle orthodoxe aux proportions parfaites, à le fêter pour son 80 e anniversaire. Tous ceux du moins, Bernard Kouchner en tête, à avoir échappé aux bombes et aux mines lors de leurs innombrables missions humanitaires. Car Louis en aura perdu des amis, fauché par une rafale de mitraillette ou une roquette, au Biafra, au Vietnam, en Afghanistan… Le jeune médecin-chercheur à l’Institut Pasteur de Lille savait-il ce qui l’attendait le soir où il lut et aussitôt répondit à une annonce de la Croix-Rouge française ? « Même si j’exècre la violence, je dois avouer une certaine fascination pour la guerre. Probablement parce qu’il est impossible d’y tricher et que je voulais savoir ce que je valais face à la mort ». Au Biafra, la situation dépasse l’imaginable toutefois. Entre 1967 et début 1970, cette guerre civile fera entre 1 L’HOMME DEBOUT Louis Schittly EN 4 DATES 1938 Naissance à Altkirch 1969 Premier séjour humanitaire au Biafra 1982 Epouse Erika. 2 enfants naîtront, Jean-Baptiste et Martha 1999 Le prix Nobel de la Paix est décerné à Médecins Sans Frontières et 2 millions de morts dont d’innombrables enfants morts de faim. « Nous étions six médecins aidés de quelques autochtones rapidement formés aux soins infirmiers. En six mois, grâce aux moyens mis à notre disposition par la Croix-Rouge, nous avons remis sur pied 6 000 gamins. » De cette nouvelle forme d’aide humanitaire qui utilise la médiatisation du conflit et défend l’idée d’une ingérence directe pour venir en aide aux victimes, va naître le Groupe d’Intervention Médico-Chirurgical d’Urgence, qui prendra en 1979 le nom de Médecins Sans Frontières. Mais Louis Schittly ne sera pas là pour la naissance de l’ONG. Il était reparti au Vietnam sans avoir pu au préalable « évacuer » les images de cadavres d’enfants, ceux morts de faim et ceux déchiquetés par les mines et les bombes. |