> 42 ENSEMBLE NOTRE HISTOIRE L’albâtre était le matériau préféré des sculpteurs du Moyen Âge et de la Renaissance. L’ALBÂTRE DE NOTRE-DAME-DE-MÉSAGE NE LAISSE PAS DE MARBRE L’extraction de l’albâtre, version noble du gypse, a marqué l’histoire de Notre-Dame-de-Mésage, au sud de Grenoble. Des chefs-d’œuvre de la sculpture du Moyen Âge et de la Renaissance, conservés dans les plus grands musées du monde, en témoignent. Le 3 février 2016, Robert Aillaud, historien amateur de Notre-Dame-de-Mésage et créateur des Amis de l’histoire du pays vizillois, redécouvre le retable de l’autel royal de Saint-Antoine-l’Abbaye, au terme de quinze ans de recherches. « Cet autel a t coan par le roi Charles (1338-1380) et offert aux Antonins. Il est sculpté dans l’albâtre de Notre-Dame-de- Mésage, comme en témoignent huit contrats d’extraction, de transport et de sculpture datés de 1378 à 1383, conservés aux archives départementales de l’Isère », raconte-t-il. La mise au point d’un procédé d’identification de l’albâtre par le Laboratoire de recherche des monuments historiques a récemment permis de confirmer l’importance de ce gisement dans l’Europe du Moyen Âge et de la Renaissance. Ces carrières ont probablement été exploitées dès l’époque gallo-romaine, même si les premières mentions officielles ne datent que du XI e siècle. D’abord destiné à un usage local – église paroissiale de Notre-Dame-de-Mésage, prieuré de izille, l’albâtre isérois franchit les frontières du Dauphiné dès le XIV e siècle. Le roi de France, le dauphin, les ducs de Savoie, les ducs de Bourgogne, les papes ean etnnocent font appel aux plus grands artistes européens pour sculpter, dans ce matériau, effigies, tombeaux ou éléments de décors architecturaux. Signe de cette splendeur, les trois plus grands musées du monde, le Louvre à Paris, le Metropolitan Museum of Art à New York et l’Ermitage à Saint-Pétersbourg, possèdent dans leurs collections desuvres en albâtre de Notre-Dame-de-Mésage. > ISÈRE MAG I SEPTEMBRE/OCTOBRE 2018 I #17 de photos sur www.iseremag.fr DE LA ROMANCHE À LA MÉDITERRANÉE PAR TRANSPORT FLUVIAL Les conditions d’exploitation des carrières sont méconnues. On sait néanmoins qu’elles ont donné lieu à une activité portuaire intense. À l’époque, la Romanche était navigable. L’albâtre, chargé sur des bateaux tirés par des bœufs ou des chevaux, descendait jusqu’au Drac, puis à l’Isère. De là, il était acheminé vers Lyon, le nord du royaume ou la Méditerranée. Les carrières doivent une grande partie de leur succès à cette situation privilégiée. C’est l’hypothèse de Robert Aillaud, qui a trouvé des études scientifiques montrant que le transport fluvial revenait fois moins cher que le transport terrestre. « Comment expliquer, sinon, que l’albâtre isérois, situé à 250 kilomètres d’Avignon, ait été préféré par la papauté, dont il a fourni la quasi-totalité des monuments funéraires pendant le Grand Schisme, entre 1309 et 1410, alors que la carrière de Malaucène n’était distante que de 40 kilomètres ? », analyse-t-il. LA FIÈVRE DU GYPSE AGRICOLE Au XVII e siècle, les sculpteurs délaissent progressivement l’albâtre au profit du marbre de Carrare, et l’activité de Notre- Dame-de-Mésage ralentit. Elle connaîtra un dernier sursaut à l’occasion de la construction de la chapelle mortuaire de Napoléon I er aux Invalides, au XIX e siècle. partir de, la fièvre du gypse agricole – un amendement améliorant le rendement des sols lourds – offre un nouveau débouché aux carrières de Notre- Dame-de-Mésage. « Cet ‘engrais’était achein en ateau surlsère vers ina 1 Saint-Marcellin, Beaurepaire et jusque dans la vallée du Rhône », précise Robert Aillaud. Entre 1780 et 1944, date de la fermeture définitive des carrières, des dizaines de milliers de tonnes de gypse ont été extraites pour cet usage chaque année. Par Sophie Deréan 1 > Le tombeau de Philippe Chabot, amiral de France et favori de François I er, au Musée du Louvre. 2 > Le massacre des innocents. Fragment du décor de la chapelle-nécropole des ducs de Savoie à Hautecombe. Musée de Chambéry. 3 > Le tombeau d’Humbert de Bastarney, seigneur dauphinois serviteur de cinq rois de France, de sa femme et de sonllléiltét Loire. 4 > Détail du gisant de Francois de Bonne, duc de Lesdiguières. Musée départemental de Gap. |