> 26 ÉCHAPPÉES BELLES DÉCOUVERTES QUAND LES CHARTREUX BATTAIENT LE FER ! Dans la forêt de Saint-Hugon, près de La Chapelle-du-Bard, les religieux ont exploité pendant des siècles les matières premières de la région, bois et minerai de fer, devenant des sidérurgistes renommés. Au nord du massif de Belledonne, à la frontière avec la Savoie, se trouve une contrée que l’on dit mystique : la forêt de Saint-Hugon. Pendant six siècles, de 1173 à 1792, elle a, en effet, accueilli une communauté de moines chartreux, dont on connaît le goût pour l’isolement, le silence et la prière. Cette forêt, mais également les lieux adjacents, leur a été offerte, en 1170, par un seigneur local, Barthélemy d’Arvillard. Le territoire est sauvage, peuplé d’immenses forêts et riche en eau, avec, notamment, l’impétueux torrent de Bens. Il recèle également de nombreux filons de minerai de fer que les moines ne tarderont pas à exploiter. Ils sont d’ailleurs venus pour cela. Grâce aux compétences de l’abbé Faber de Cartusia, pseudonyme du maître de forges de la Grande Chartreuse, le site se développera rapidement jusqu’à devenir au XIV e siècle la plus importante place sidérurgique du comté de Savoie. Les moines sont toutefois très peu sur place : une quinzaine tout au plus. Ils emploient surtout de nombreux ouvriers qui défrichent la forêt, source de combustible, coulent la fonte et activent les martinets. Seuls les débouchés commerciaux intéressent les religieux. En 1349 survient un premier accroc dans cette organisation bien huilée. Le Dauphiné est vendu au royaume de France et la frontière avec la Savoie est désormais fixée par le Bens. Les chartreux et leur monastère se retrouvent donc sur la rive savoyarde du torrent alors que leurs matières premières sont en France. Qu’à cela ne tienne. Après quelques arrangements, ils continueront à produire et commercer, résolvant définitivement le problème au XVII e siècle avec la construction de deux hauts-fourneaux, l’un en Savoie et l’autre en France. C’est à cette époque également qu’ils font élever un ouvrage audacieux sur le Bens, surnommé « le pont du Diable », où les emblèmes des deux pays, la croix de Savoie et le lys de France, s’opposent toujours en son milieu. En 1792, la Révolution française et la confiscation de leurs biens mettront fin à leurs lucratives activités. > ISÈRE MAG I SEPTEMBRE/OCTOBRE 2017 I #12 La chartreuse de Saint-Hugon fut l’une des maisons les plus riches de l’ordre 1 D.R. Pour revivre l’épopée des maîtres de forges de Saint-Hugon, une boucle de 4 kilomètres est proposée aux randonneurs. La balade débute à la maison forestière de l’Office national des forêts de La Chapelle-du-Bard. Le sentier vous emmène jusqu’au pont Sarret puis vous conduit jusqu’à l’ancienne chartreuse de Saint-Hugon, devenue en 1979 un centre d’études et de pratique bouddhiste. Vous êtes désormais en Savoie, sur la commune d’Arvillard. Après avoir dépassé l’institut bouddhiste, direction le pont du Diable, que vous franchirez avant de rejoindre la route et la maison forestière. Outre son côté historique, cette balade se déroule aussi dans une magnifique forêt, autrefois maltraitée mais devenue aujourd’hui un trésor de biodiversité. Issue de régénérations naturelles, elle abrite des arbres multicentenaires. Par Richard juillet Sources : OT du Pays d’Allevard ; www.savoie.fr/archives73 de photos sur www.iseremag.fr FORÊT DE SAINT-HUGON 1 > L’institut Karma Ling est installé depuis 1979 dans l’ancienne chartreuse de Saint- Hugon. 2 > Des arbres remarquables peuplent la forêt de Saint- Hugon. 3 > La croix de Savoie. 4 > Le lys de France. 5 > Le pont du Diable, sur le Bens, où les emblèmes des deux pays, la croix de la Savoie et le lys de la France, s’opposent en son milieu. Photos : R. Juillet |